La transition énergétique émergente

La transition énergétique émergente

Des tendances énergétiques mondiales insoutenables

La mise en contexte de la transition énergétique émergente doit, au préalable, faire l’objet d’une clarification notionnelle autour des termes d’énergie, de système énergétique et de réseau électrique. Cette section fait la lumière sur les caractéristiques associées aux différentes filières énergétiques, notamment renouvelables (A). La croissance exponentielle de la demande énergétique dans les PES, confirmée par les scenarii prévisionnels, fait redouter une raréfaction précipitée des énergies de stock. Une limite qui se pose invitablement aux pays du Maghreb dont le mix de consommation illustre une tendance spécifique au monde arabe, le « tout hydrocabures » (Favennec, 2009 ; Mons, 2011) (B). 

Énergie, système énergétique et réseaux électriques : usages et définitions

Énergie et convertisseurs énergétiques

« L’énergie est, au sens général, l’apport nécessaire à un système matériel pour lui faire subir une transformation (déplacement, modification de la forme ou changement de structure) » (Mérenne-Schoumaker, 2007a, p. 15). Ce terme désigne la capacité qu’a un corps ou un système de produire le travail susceptible d’entraîner un mouvement, une production de chaleur ou d’ondes électromagnétiques (Hermans, 2014). L’énergie est à la base de multiples activités humaines et le progrès socio-économique est difficilement concevable sans elle. En effet, « la production et l’utilisation de l’énergie sont une des conditions techniques fondamentales de la production en général et de la progression des sociétés humaines. De leur importance dépend l’aptitude des divers groupements humains à produire ce qui leur est nécessaire pour vivre et pour assurer leur indépendance économique et politique » (George, 1950, p. 7). Au cours du 19ème siècle, les travaux des scientifiques font émerger un nouveau domaine de la physique : la thermodynamique (Fréris, Infield, 2013). Il s’appuie sur deux principes fondamentaux : l’énergie ne peut être ni créée ni détruite. Seule sa transformation est possible. La transformation subie par l’énergie, quelle qu’elle soit, est irréversible et « la quantité d’énergie finale est toujours inférieure à la quantité d’énergie brute de départ » (Debeir et alii, 2013, p. 19). Aussi, « toute transformation s’accompagne de pertes parfois importantes » (Mérenne-Schoumaker, 2007b, p. 98). Pour être consommées, les énergies doivent subir une transformation. Quatre stades peuvent être distingués : (i) l’énergie primaire est l’énergie telle qu’elle est fournie par la nature (le pétrole brut, les schistes bitumineux, le gaz naturel, les combustibles minéraux solides, la biomasse, le rayonnement solaire, l’énergie hydraulique, l’énergie éolienne, la géothermie, l’énergie nucléaire) ; (ii) l’énergie secondaire est une énergie primaire ayant subi une transformation (essence, électricité, etc) ; (iii) l’énergie finale est l’énergie qui est distribuée au consommateur via des circuits et des réseaux de distribution ; et enfin (iv) l’énergie utile est celle qui procure le service énergétique recherché par l’utilisateur final (chaleur diffusée dans – 33 – les bâtiments ; intensité lumineuse d’une lampe, etc) (Mons, 2011 ; Mosseri, Jeandel, 2013 ; Hermans, 2014 ). La transformation de l’énergie « brute » en des formes utilisables renvoie au rôle des convertisseurs énergétiques, qu’ils soient biologiques (plantes, hommes, etc.) ou artificiels (roues hydrauliques, machines à vapeur et, plus récemment, les cellules photovoltaïques etc.). La capacité de ces convertisseurs à dégager un surplus énergétique, autrement dit leur rendement, est essentiel. Pour les sociétés humaines, la question énergétique repose le plus souvent sur un problème de convertisseur plutôt que sur un problème de source. L’histoire de l’énergie correspondrait ainsi à celle des convertisseurs énergétiques (Debeir et alii, 2013). Il existe différentes formes d’énergie : chimique, thermique, rayonnante, électrique, nucléaire, mécanique etc. L’énergie est classée en deux catégories : (i) Puisées dans le sol, les énergies dites de « stock » sont issues des gisements de combustibles fossiles (charbon, gaz naturel et pétrole) et d’uranium (nucléaire) et se caractérisent par leur finitude à l’échelle humaine ; et (ii) les énergies dites de « flux » sont générées par des processus naturels tels que le vent (énergie éolienne), le rayonnement solaire (photovoltaïque ou thermique), l’eau (hydroélectricité), la chaleur de la terre (géothermie), les végétaux et les déchets (biomasse). Elles sont renouvelables (Mérenne-Schoumaker, 2007a ; Mons, 2011). Parmi les énergies de stock, les hydrocarbures – pétrole et gaz – sont considérés comme conventionnels ou non conventionnels. La distinction entre les deux tient aux conditions de leur extraction du sous-sol. L’industrie exploite traditionnellement les roches réservoirs les plus perméables qui renferment les hydrocarbures qui s’y sont concentrés. Elle fait remonter les hydrocarbures à la surface à partir de puits forés. Les techniques employées sont dites conventionnelles. Une autre partie des hydrocarbures produits dans la roche-mère y est restée piégée. Les roches-mères, peu perméables, ont longtemps été considérées comme inexploitables. L’extraction des hydrocarbures piégés exige l’utilisation de technologies spécifiques, dites non conventionnelles 14 (Vially, Kalaydjian, 2013). 2

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Le système énergétique

Cette étape de la conversion s’intègre à un système énergétique plus large qui prend en compte les ressources, la manière de les transformer – selon une ou plusieurs filières énergétiques – et enfin la distribution des produits énergétiques finaux (Ma, 2012 ; Sanders 2014). Les principaux éléments de définition d’un système énergétique sont avant tout d’ordre écologique et technique. D’autres éléments, associés aux précédents, apportent une précision définitionnelle. Ainsi, les formes d’appropriation expliquent notamment le mode d’agencement des convertisseurs ainsi que les pratiques de consommation. Un système énergétique possède un certain nombre de caractéristiques (Debeir et alii, 2013), parmi lesquelles : (i) une élasticité technique. Un système énergétique est en perpétuel mouvement. Il n’atteint donc son optimum que dans la durée ; (ii) une résurgence de techniques énergétiques anciennes. Il offre ainsi un fort coefficient d’adaptabilité et de flexibilité ; (iii) une concurrence constante entre les filières énergétiques ; et (iv) une variation de son aire d’approvisionnement, relativement extensible. Chaque société possède des spécificités du point de vue des moyens (techniques d’approvisionnement de l’énergie primaire, modes de collecte et d’extraction, types de convertisseurs, rapports entre les filières, etc) et des formes d’appropriation. La place des différentes sources d’énergie au sein du système énergétique dépend de la logique de ce dernier (Debeir et alii, 2013). La sphère sociale, voire politique, conditionne de manière importante l’agencement et l’évolution des systèmes énergétiques. Un système énergétique constitue de ce fait un anthroposystème (Godet, 2010), fait par et pour les hommes, et il se situe dans un contexte socio-technique donné (Muxart, 2006). 

Électricité, système et réseau électrique

L’électricité constitue une énergie secondaire (ou un vecteur d’énergie), car elle est produite grâce à la transformation d’une énergie primaire au moyen d’un convertisseur énergétique. L’électricité peut être produite à partir d’une centrale thermique, hydroélectrique, nucléaire ou à partir de sources d’énergies renouvelables. Comparée à d’autres formes d’énergie, elle possède une grande souplesse d’utilisation et peut être très performante dans des applications industrielles Elle est utilisée dans tous les secteurs économiques (agriculture, industrie, tertiaire), et n’a pratiquement pas de concurrents dans des secteurs tels que les télécommunications, l’informatique ou l’éclairage (Bonnal, Rossetti, 2007). Il est possible d’en faire un usage mécanique (moteurs, machines, etc), thermique (chauffage, etc), rayonnant (éclairage, télévision, téléphone, etc), etc. L’électricité présente néanmoins des spécificités physiques qui rendent difficile l’organisation du marché : (i) le kWh n’est pas un bien stockable économiquement ; (ii) l’électricité circule sur les réseaux en fonction des lois de Kirchhoff et suit, de façon non prévisible, le chemin de moindre résistance ; (iii) l’équilibre de l’offre et de la demande doit être instantané ; (iv) l’électricité est un bien essentiel, non substituable. Ainsi, toute interruption de fourniture peut nuire gravement à la vie économique et domestique ; et (v) les kWh sont physiquement indifférenciés, mais économiquement différenciés. Un kW à un moment de pointe de la demande a généralement une valeur très supérieure à celle d’un kW en dehors de cette période (Chevalier, 2008 ; Favennec, 2009). Le nombre de convertisseurs utilisables pour obtenir de l’électricité est faible, mais les filières énergétiques de production d’électricité, elles, sont très diverses. Selon Dessus (2014), – 35 – elles peuvent être classées selon trois critères principaux : (i) le degré de concentration, c’està-dire de concentration des unités de production électrique ; (ii) la garantie de puissance ; et enfin (iii) le régime de fonctionnement des installations. Selon qu’elles sont renouvelables ou non renouvelables, les filières possèdent des caractéristiques spécifiques et, dans une certaine mesure, opposées [cf. tableau 1]. Le critère qui renvoie au régime de fonctionnement illustre le mieux cette opposition. Tandis que les filières non renouvelables relèvent surtout du régime de fonctionnement de base – autrement dit un fonctionnement quasi continu – ou de pointe – qui désigne le moment où une installation est sollicitée pour fournir une puissance donnée suite à une demande –, les filières renouvelables relèvent en majorité du régime de fonctionnement appelé fatal, qui signifie qu’une production est perdue si elle n’est pas utilisée sur le moment et qu’elle peut être interrompue brusquement. Les capacités de chacune des filières renouvelables étant encore insuffisantes, la substitution des autres énergies par les énergies renouvelables n’est pas encore possible (Dessus, 2014). Un système électrique est « un sous-système du système énergétique dont le produit énergétique final est l’électricité. [Il] est structuré par un réseau physique ayant des tronçons et des nœuds. Les tronçons sont les lignes électriques […] et les nœuds sont les centrales de production, les postes d’interconnexion et les postes de transformation » (Ma, 2012, p. 50). 

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