La transfusion sanguine (TS) est une thérapeutique qui consiste à administrer par voie intraveineuse un produit sanguin labile (concentrés globulaires (CG), plasma frais congelé (PFC) ou concentrés plaquettaires (CP) [1]. La transfusions sanguine est fréquemment réalisée dans les unités de réanimation, environ un tiers des malades qui y sont hospitalisés reçoivent une transfusion au cours de leur séjour [2]. Des études montraient qu’une proportion importante de patients était anémique à l’admission en réanimation (près de 30 % des patients ayant une Hb<10g/dl [2]). En outre, les taux d’Hb au cours du séjour ont tendance à converger vers un taux de 10 g/dl (dans un contexte où les seuils transfusionnels étaient plus élevés qu’aujourd’hui). De ce fait, dans ces études, 37 à 44 % des patients étaient transfusés durant leur séjour [2,3], et plus de 70 % l’étaient lorsque le séjour se prolongeait au delà de 1 à 2 semaines.
LES BASES IMMUNOLOGIQUES DE LA TRANSFUSION
Il existe une grande variété de groupes sanguins et tissulaire, certains groupes présentent un intérêt en pratique clinique.
Le système ABO
Les groupages ABO sont des glycosyl-transférases capables de fixer une unité glucidique sur des radicaux sucrés présents à la surface des cellules. Les patients de phénotype O sont déficients pour les enzymes susceptibles de fixer les sucres capables de conférer un phénotype A, B ou AB. Les allèles A et B sont co-dominants, car pouvant s’exprimer simultanément si l’un et l’autre sont présents .
Un sujet possède dans son sérum les anticorps dirigés contre les antigènes dont il est dépourvu :
− Le sujet de groupe A possède des anticorps anti-B ;
− Le sujet de groupe B possède des anticorps anti-A ;
− Le sujet de groupe O possède des anticorps anti-A et anti-B ;
− Le sujet de groupe AB n’a pas d’anticorps anti-A ou anti-B.
Ces anticorps sont :
− Naturels : c’est-à-dire retrouvés dès les premiers mois de vie en dehors de toute allo-immunisation apparente (ils seraient en fait suscités par la flore digestive progressivement acquise après la naissance et dont les constituants comportent des motifs antigéniques voisins des antigènes A et B). Ces anticorps sont des IgM (ils ne traversent pas le placenta).
− Réguliers : ils sont constamment présents chez tous les individus dépourvus de l’antigène.
Les antigènes ABO définissent un groupe tissulaire : ils sont exprimés à la surface des globules rouges, mais aussi au niveau des endothéliums vasculaires, des hépatocytes, des cellules rénales …
La transfusion de globules rouges doit impérativement tenir compte de la compatibilité ABO, il doit s’agir soit d’une transfusion identique (iso-groupe), soit d’une transfusion compatible:
• Un patient de groupe O ne peut recevoir que des GR O ;
• Un patient de groupe A ne peut recevoir que des GR O ou A ;
• Un patient de groupe B ne peut recevoir que des GR O ou B ;
• Un patient de groupe AB peut recevoir des GR O, A, B ou AB.
A signaler que certains sujets peuvent développer des anticorps « immuns » anti-A et/ou anti-B à titre élevés de nature IgG (suite à une transfusion, une grossesse ou sans cause identifiée) en plus de leurs anticorps « naturels » de type IgM. Ces anticorps à titre élevés, présents dans les reliquats plasmatiques des GR et surtout des CP et plasma peuvent susciter une hémolyse des hématies autologues du patient en cas de transfusion ABO compatible, mais non identique. De tels produits doivent être strictement réservés à des transfusions iso-groupes.
– Les phénotypes A1 et A2 : les individus de groupe A expriment une quantité variable d’antigène à la surface des hématies. La glycosyl-transférase des individus de groupe A1, plus active que celle de groupe A2 leur permet d’accrocher environ un million d’antigènes par hématies contre (250 000 pour A2). Cette distinction a toutefois peu d’intérêt transfusionnel.
– Le phénotype « Bombay » (décrit initialement à Bombay) : représente d’exceptionnels sujets déficients pour l’enzyme capable de fixer la substance H à la surface des hématies. En dépit de glycosyl-transférases A et B normales, ces patients ne pourront exprimer de phénotype ni O ni A ni B et présenteront des anticorps naturels anti-O, anti-A et anti-B. En cas de besoins transfusionnels, seules les unités de sang provenant de donneurs possédant le même phénotype pourront être dispensées.
Le système Rh
Il comporte de nombreux antigènes distincts dont cinq sont importants en pratique clinique courante :
− L’antigène D : le plus immunogène ;
− Les antigènes C et c qui se comportent comme fruit de l’expression de deux gènes allèles.
− Les antigènes E et e qui se comportent comme fruit de l’expression de deux gènes allèles.
Le locus de l’haplotype rhésus, situé sur le chromosome 1, comporte deux gènes : le gène RhD à l’origine du polypeptide D (dont le gène allèle inactif confère le phénotype d) et le gène RhCE qui selon une capacité variable suivant les individus produit les antigènes C, c, E, e au terme de mécanismes d’épissages alternatifs des transcrits.
Ces antigènes sont présents sur les hématies, définissant ainsi un système de groupe sanguin.
Les différentes phénotypes rencontrés seront D+C+E-c+e+, D+C+E-c-e+, DC E+c+e+, D-C-E-c+e+, etc. (certains courants, d’autres rarissimes).
− Les patients possédant l’antigène D sont dits Rh positif (85% de la population).
− Les patients dépourvus de l’antigène D sont dits Rh négatif.
La règle transfusionnelle minimale est de respecter la compatibilité Rh D : un patient Rh négatif doit recevoir du sang Rh négatif (hormis des situations exceptionnelles d’extrême urgence transfusionnelle). Une plus stricte compatibilité transfusionnelle, étendue aux antigènes C, c, E, e, doit être respectée chez les femmes de moins de 45 ans, chez les polytransfusés, ainsi que chez les enfants dans le but de prévenir une allo-immunisation contre ces antigènes (prévention de la maladie hémolytique du nouveau-né). Les anticorps produits contre les antigènes du système Rhésus sont :
− Immuns, car ils résultent d’une allo-immunisation par transfusion antérieure ou par incompatibilité fœto-maternelle acquise lors d’une grossesse antérieure ;
− Irréguliers, car non présents chez tous les individus.
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