Généralités
L’agent pathogène de la toxoplasmose cérébrale est T.gondii, parasite intra-cellulaire obligatoire, proche des sporozoaires, se présentant sous deux formes : une forme végétative et une forme enkystée. La contamination peut se faire par différentes voies :
– Alimentaire : ingestion d’oocytes (aliments ou eau souillés par des déjections de chat), ingestion de kystes (viande saignante principalement de bœuf et de mouton).
– Trans-placentaire.
– Greffe d’organe plein.
– Inoculation directe (accident de laboratoire).
La toxoplasmose évolue en 3 phases :
– Une phase parasitémique survenant à la suite de la contamination.
– Une phase immunitaire durant jusqu’à 3 mois.
– Une phase de quiescence parasitaire (chronicité) où l’organisme présente des kystes en multiples localisations, plus nombreux dans les organes où l’activité du parasite a été plus longtemps tolérée dont le système nerveux central( SNC) et l’œil (1, 2, 3).
Epidémiologie
La toxoplasmose cérébrale (TC) est la plus fréquente des infections opportunistes du système nerveux central au cours du Sida (1, 4, 5). Cette affection est grevée d’une mortalité importante arrivant à 9% comme en témoigne l’étude de Mustapha à Casablanca ,Maroc (6). On estime qu’au cours du Sida, environ 40% des malades vont développer une TC. Aux Etats-Unis où, selon les états, 10 à 40% des adultes sont infectés de façon latente par T. gondii, la TC représente moins de 10% des diagnostics inauguraux du Sida et environ 15% des patients développent une TC au cours de leur maladie (1, 3). Au Maroc et d’après une étude de série réalisée au Service des Maladies Infectieuses du CHU Ibn Rochd de Casablanca, la TC occupait la première place des infections opportunistes du système nerveux central au cours du Sida (35% des atteintes nerveuses) (7).
En France, 20 à 40% développaient une encéphalite toxoplasmique. Cette incidence a été réduite d’un facteur 3 entre 1988 et 1994, grâce à la diffusion des traitements prophylactiques (8). Au Etats-Unis, cette incidence a été réduite de 2,1% à 0,7 % entre 1992 et 1997 (9).
Physiopathologie
Chez le sujet infecté par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la toxoplasmose résulte, dans 95% des cas, de la réactivation d’une infection ancienne latente. Le siège principal de cette réactivation est le cerveau, ainsi que la rétine, mais d’autres organes (poumon, moelle osseuse, foie…) peuvent être touchés par voie hématogène lorsqu’il y a dissémination des tachyzoïtes. Le tropisme de T. gondii pour le cerveau s’explique par le fait que celui-ci est un organe doté d’une faible immunité (1, 3).
Clinique
Conformément aux données de la littérature (1,3,10,11), la toxoplasmose cérébrale au cours du Sida, se présente classiquement sous la forme d’un ou plusieurs abcès intracérébraux . Les signes focaux très polymorphes, dépendent de la localisation de ces abcès au niveau des voies motrices, sensitives, sensorielles et cérébelleuses.
Il peut s’agir d’hémiplégie ou d’hémiparésie, de déficit sensitif, de syndrome cérébelleux, d’hémianopsie, ou d’une atteinte des paires crâniennes. D’installation habituellement progressive, en quelques jours, ce tableau peut se compléter par des crises focales de type Bravais-Jacksonniennes, ou généralisées (3,10). La fièvre et les céphalées sont inconstantes et notées avec une fréquence variable dans la littérature (3,10, 12). L’encéphalite est une manifestation clinique fréquente au cours de la TC qui se traduit essentiellement par des troubles de la conscience, une épilepsie généralisée ou un syndrome confusionnel ; mais de diagnostic difficile car reste sans traduction tomodensitométrique (1,10). Le syndrome méningé clinique est rare au cours de la TC où l’encéphale est touché avec prédilection, le tableau clinique peut se résumer à une fièvre isolée, prolongée et inexpliquée (3,10). Il n’existe cependant aucun signe clinique pathognomonique de la TC. Par conséquent, tout signe d’atteinte du SNC chez un patient infecté par le VIH et à fortiori s’il est fébrile, doit évoquer le diagnostic de TC et faire pratiquer en urgence un scanner cérébral avec injection de produit de contraste (10, 13). Le diagnostic différentiel reste posé avec, en premier plan, le lymphome cérébral primitif, la tuberculose cérébrale, l’encéphalite à cytomégalovirus (CMV) et la leucoencéphalopathie multifocale progressive qui toutefois peuvent être associés (14 ,15).
Prévalence de la toxoplasmose cérébrale
La prévalence de la toxoplasmose cérébrale au cours de l’infection à VIH a été de 4,63% dans notre série. Cette prévalence est proche de celle trouvé par Avode et al (16) au Bénin (2,8%), de Kadjo et al (17) à Abidjan (2,2%). En revanche elle est largement inférieure à celle rapportée par Souksouna et al (21%) (17). Les différences de prévalence entre les études peuvent s’expliquer d’une part par les critères diagnostiques et d’autre part par la population étudiée.
Age :
L’âge moyen dans notre série a été de 38 ans avec les extrêmes allant de 28 à 50 ans, nos résultats concordaient avec ceux de la littérature (38 ,1 ans pour l’étude Goïta et al (18) à Bamako, 36 ans dans l’étude menée par Grunitzky et al à Lomé (TOGO) (19)). Cette concordance est le fait que le VIH atteint plus la population jeune de la société.
Sexe :
Dans notre étude, on a constaté une prédominance masculine avec un sexe ratio de 2. Un sexe ratio de 4,75 a été retrouvé dans l’étude menée par Grunitzky et al à Lomé (TOGO)(19) et de 1,16 dans l’étude de Goïta et al (18) à Bamako.
Clinique
Dans notre étude, La toxoplasmose cérébrale est survenue selon un mode aigue chez 57% des patients. Les manifestations cliniques étaient constitués par des associations variable de signes de déficit neurologique focalisé dans 80,95% des cas, de syndrome d’hypertension intracrânienne dans 42,85% des cas, de syndrome méningé dans 4,7% des cas , de crises convulsives dans 38 ,09% des cas ,de trouble psychiatrique dans 9,5% des cas , de syndrome infectieux dans 28,57% des cas , de trouble de conscience( confusion , coma) dans 38,09 % des cas et syndrome cérébelleux dans 4,7% des cas.
En plus de la toxoplasmose cérébrale, nous avons noté la présence d’autres infections opportunistes concomitantes telle que la candidose œsophagienne (45%), la tuberculose pulmonaire (28%) et la pneumocystose pulmonaire (27%). Dans l’étude de Goïta et al (18), la toxoplasmose cérébrale a été associée à une candidose digestive dans 61 ,53 % des cas, au zona dans 3,84% des cas et à la coccidiose digestive dans 11,53 % des cas. Pour les autres localisations de la toxoplasmose, la localisation pulmonaire a été suspectée chez un patient présentant des manifestations respiratoire à type de polypnée avec une toux sèche, cependant les autres diagnostics différentiels dont la pneumocystose pulmonaire n’ont pas été éliminés.
Biologie
Sérologie toxoplasmique
Seulement quinze patients (71,42%) ont bénéficié d’une sérologie de la toxoplasmose qui s’est révélée positive à IgG seuls chez tous les patients, témoignant de la réactivation d’une toxoplasmose ancienne. Un taux supérieur à 1000UI/ml a été noté dans un seul cas, la recherche d’IgM faite chez 7 patients est revenue négative, alors que l’étude de Grunitzky et al a noté la présence d’IgM chez 8 parmi 21 patients (38%) (19).
Typage lymphocytaire
La numération des lymphocytes CD4 au moment de la toxoplasmose cérébrale a été réalisée chez 20 patients, le taux moyen était de 55,78 cellules /mm³ avec des extrêmes allant de 2 à 218celulles/mm³, et 84,21% de ces patients avaient un taux de CD4 inférieur à 100 cellules /mm³. Ce résultat est comparable à ceux de la littérature qui rapporte que la toxoplasmose cérébrale survient le plus souvent lorsque le taux de CD4 est inferieur à 100 cellules /mm³ .
Introduction |