La tomographie par émission de positons
La TEP en médecine nucléaire
La médecine nucléaire est une discipline médicale dont John Lawrence est le pionnier avec ses travaux réalisés en 1936 sur le traitement d’une forme de leucémie au phosphore 32. Comme nous l’avons évoqué au paragraphe 1.3, elle repose sur la notion de radiotraceur. Les premières images reposant sur la détection du radiotraceur ont été réalisées sur des patients atteints d’un cancer de la thyroïde et traités à l’iode . Il s’agissait alors de compteurs Geiger-Müller déplacés manuellement devant le cou du patient. L’acquisition des données fut automatisée lors de la mise au point du scanner à balayage par Benedict Cassen dans les années 1950. En 1951, Hal Anger développa un système composé de cristaux scintillants, la caméra à scintillation. En 1958 , Anger décrivit le concept de l’imagerie par émission de positons. La Tomographie par Emission Mono-Photonique (TEMP) naît en 1963 des travaux de David Kühl et Roy Edwards et rend possible l’imagerie par émission en trois dimensions à l’aide d’acquisitions de scintigraphie par un système en rotation autour du patient. Il fallut attendre 1975 avec les travaux de Michel Ter-Pogossian pour voir construit le premier système Tomographie par Emission de Positons (TEP). Les systèmes hybrides couplant les acquisitions TEP avec des acquisitions de Tomodensitométrie (TDM) (figure 2.1) ont été développés en 1998 par David Townsend, permettant d’associer une région métaboliquement active à une région anatomiqe. Les systèmes couplant acquisitions TEP et d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) ont fait leur apparition en 2011. La Tomographie par Emission (TE) concerne l’ensemble des modalités d’imagerie utilisées en médecine nucléaire permettant de représenter par une image tridimensionnelle l’intérieur de l’organisme à partir de mesures externes à cet objet (tomographie, du grec tomê : coupe). Le terme d’émission provient du fait que le signal détecté est généré à l’intérieur du patient, par opposition La tomographie par émission de positons à l’imagerie de transmission pour laquelle le signal est généré à l’extérieur du patient puis modifié par celui-ci. Selon le radiotraceur utilisé, l’imagerie par émission est moléculaire ou cellulaire, elle est donc intrinsèquement fonctionnelle. De même que la TEMP, la TEP est une modalité de TE très utilisée en médecine nucléaire. Le déroulement d’un examen de tomographie par émission de positons, dont le principe simplifié est schématisé sur la figure 2.2, se déroule en quatre étapes : 1. Le radiotraceur émetteur de positons est injecté au patient, 2. les positons issus de la désintégration des isotopes s’annihilent avec un électron de la matière, conduisant à l’émission d’une paire de photons à 511 keV dans des directions opposées, 3. les photons émis sont ensuite détectés par un tomographe composé de détecteurs élémentaires disposés autour du patient, 4. la mise en correspondance temporelle des photons détectés détermine un Tube De Réponse (TDR) le long desquels a eu lieu l’annihilation, 5. les TDR associés à de multiples annihilations sont stockés numériquement et un logiciel informatique implémentant un algorithme de reconstruction tomographique permet de retrouver les positions d’annihilation, Le principe de la TEMP est similaire à celui de la TEP mais utilise des radiotraceurs émetteurs de photons simples (TEMP) collimatés mécaniquement.
Physique de l’imagerie TEP
Isotopes radioactifs
La TE repose sur un phénomène naturel par lequel des noyaux atomiques instables, présentant un excès d’énergie, retrouvent spontanément un état stable en dégageant de l’énergie via l’émission d’un rayonnement à haute énergie. Ce phénomène, appelé désintégration radioactive, est un processus aléatoire suivant une loi de décroissance radioactive. Pendant un intervalle dt, la probabilité de désintégration suit approximativement une loi uniforme de paramètre λ homogène à une fréquence. En moyenne, le nombre de désintégrations se produisant dans un échantillon de N(t) noyaux dans un intervalle de temps dt est donc égale à −dN(t) ≡ N(t) − N(t + dt) = λN(t)dt . La résolution de cette équation différentielle conduit à l’expression de N(t) en fonction de la taille initiale de l’échantillon N(0) (équation 2.1a). La radioactivité d’un échantillon est définie par le nombre de désintégrations se produisant par unité de temps, soit la quantité − dN(t) dt . Elle s’exprime en Becquerel (Bq), équivalent à une désintégration par seconde, selon les unités du système international ou parfois en Curie (1 Ci = 3.7 × 1010 Bq). Elle est entièrement déterminée par l’activité de l’échantillon au temps initial A(0) et par λ (équation 2.1b) ou, de façon équivalente, par la demi-vie de l’isotope t1/2 . Cette grandeur correspond à la durée nécessaire pour qu’en moyenne la moitié des noyaux de l’échantillon se soit désintégrée. N(t) = N(0)e −λt où λ = ln 2 t1/2 (2.1a) A(t) = − dN(t) dt = λN(0)e −λt = A(0)e −λt (2.1b) En TEP, on considère les isotopes émetteurs de rayonnements β+ dont la désintégration provient de la conversion d’un neutron en un positon noté e+ et un neutrino νe. En notant A Z X l’isotope de numéro atomique Z et de nombre de masse A, cette réaction est décrite par l’équation 2.2. Le positon, de masse égale à celle de l’électron, est émis avec une énergie prenant un continuum de valeurs jusqu’à une énergie maximale Emax exprimée en joules (J) ou en électron-volt (1 eV’ 1.6 × 10−19 J). Les noyaux émetteurs de positons peuvent également décroître par capture électronique selon l’équation 2.3. A Z X → A Z−1Y + e + + νe (2.2) A Z X + e – → A Z−1Y + νe (2.3) Le mode de désintégration des isotopes considérés en TEP est principalement l’émission β+. Elle se produit avec une probabilité, ou rapport de branchement , proche de 1 pour ces isotopes.
Annihilation positron-électron
Après une désintégration β+, le positon émis traverse la matière et interagit par interactions coulombiennes avec le noyau et les électrons, induisant de larges déviations de son parcours. Il perd alors de l’énergie principalement par collisions avec les électrons. Lorsqu’il a perdu la plupart de son énergie cinétique, il s’apparie avec un électron pour former un positronium, peu stable (sa demi-vie est inférieur à 100 ns) et dont l’annihilation conduit à la formation de deux photons 1 (figure 2.3). Le positon se trouve alors à une certaine distance du lieu de désintégration dépendant de Emax et du milieu, suivant une loi de 1. Dans de très rares cas (moins de 0.003% des cas) l’annihilation aboutit à l’émission de trois photons (Cherry et Dahlbom 2006) 28 Chapitre 2. La tomographie par émission de positons distribution approximativement exponentielle décroissante (Cherry et Dahlbom 2006) centrée en 0 et de moyenne dDA. Tableau 2.1 – Demi-vie t1/2 , énergie maximale du positon Emax, distance désintégration-annihilation dDA (dans l’eau) et rapport de branchement (RB) des isotopes principalement utilisés en TEP (source : Bailey et al. (2005)). Afin de satisfaire aux lois de conservation du moment cinétique et de l’énergie, provenant alors quasiment exclusivement de la masse du positon mp et de l’électron me, les photons sont émis dans des directions opposées avec une même énergie égale à : E = 1 2 (me + mp)c 2 ‘ 8.2 × 10−14 J ‘ 511 keV où me ‘ 9.1 × 10−31 kg, mp = me, c ‘ 2.998 × 108 m.s-1 sont respectivement les masses de l’électron, du positon, et la vitesse de la lumière dans le vide. L’électron et le positon n’étant par totalement au repos lors de l’annihilation, le moment cinétique total n’est pas nul et les photons sont émis avec un angle d’acolinéarité qui suit approximativement une distribution gaussienne de moyenne nulle et de Largeur à Mi-Hauteur (LMH) approximativement égale à 0.5 degrés, dépendant de l’énergie résiduelle du positon et indépendante de Emax (Cherry et Dahlbom 2006). Les photons d’annihilation interagissent alors avec la matière mais les forces en jeu sont moins importantes que celles subies par les positons. Ils traversent ainsi facilement l’organisme et atteignent le détecteur avec une probabilité non négligeable. e + e − ν¯e .