La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) avec ces 2 entités : la thrombose veineuse profonde (TVP) et l’embolie pulmonaire (EP), représente toujours un problème de santé publique, par sa morbidité et sa mortalité. C’est la troisième maladie cardiovasculaire la plus fréquente après l’infarctus du myocarde [1, 2] et l’accident vasculaire cérébral [3], dont l’incidence varie entre 1 et 2/1000/an [4, 5]. Les conditions responsables de la thrombogenèse veineuse sont connues depuis la célèbre triade de Virchow – depuis l’année 1860- associant la stase sanguine, la lésion de la paroi endothéliale et l’altération de l’équilibre hémostatique. Il s’agit d’une pathologie multifactorielle avec interaction de facteurs de risque acquis et constitutionnels. Le diagnostic de la MTEV est un diagnostic difficile qui doit prendre en compte les signes cliniques mais également le contexte clinique et la présence de facteurs de risque. Le diagnostic clinique doit ensuite être confirmé par des examens para-cliniques dont essentiellement l’écho-doppler veineux et l’angioscanner pulmonaire. Le dosage des D-Dimères fait partie des tests diagnostiques utiles.
EPIDEMIOLOGIE
Age et sex
L’âge est un facteur de risque important de la MVTE, en effet l’incidence augmente de manière exponentielle au cours du vieillissement, très rare avant 20 ans, son incidence atteint plus de 1/100/an après 75 ans [7]. Plusieurs mécanismes sont proposés : limitation de la mobilité, stase sanguine accrue, augmentation du facteur VIII, du fibrinogène. Dans notre étude, la répartition des cas selon des tranches d’âges de dix ans montrait deux pics de fréquence entre 20 et 29 ans (25,3%) et entre 30 et 39 ans (30,12%). D’autre part l’âge moyen de nos patients était de 38,3 ans (extrêmes entre 17-81ans). L’âge jeune de nos patients est expliqué par la fréquence des maladies de système qui touchent essentiellement l’adulte jeune. Pour le sexe, on retrouve une prédominance féminine (62,7%) qui concorde avec la littérature [8,9].
Facteurs de risque de la MTEV
Les trois mécanismes impliqués dans la survenue d’une MVTE : stase veineuse, lésion de la paroi vasculaire et altérations de la coagulation, peuvent être déclenchés par différents facteurs. Dans la plupart des études, les patients atteints de la MVTE présentent un nombre plus élevé de FDR que la population témoin [4,10.11]. Dans notre étude au moins un FDR de la MVTE était retrouvé dans 81,9% des cas, ce qui concorde avec l’étude de Ben Saleh [12].
Facteurs de risque acquis
FDR permanents :
➤ La fréquence des antécédents de la MVTE varie de 6 à 28 % selon les séries [12 18], ce qui est conforme avec nos résultats (24,1%).
➤ L’obésité est une situation à risque de la MVTE, et est associée à un risque relatif multiplié par 2,3 à 3 selon les séries [19]. En effet l’obésité est responsable d’une diminution de la mobilité et d’une réduction de l’activité fibrinolytique [20]. Ce facteur était retrouvé chez un de nos patients.
FDR transitoires :
➤ L’alitement était de loin le facteur de stase transitoire le plus fréquent (10,8%), ce qui concorde avec les études menées par Pottier [21] et Ben Salah [12].
➤ La chirurgie est une circonstance transitoire identifiée comme étant à haut risque de MVTE. Ce risque varie en fonction du type d’intervention et de la présence concomitante d’autres facteurs de risque. Ainsi, à elle seule, la chirurgie reste responsable de 15% environ de l’ensemble des cas de MTVE en France [22]. Nos résultats (2,4%) peuvent être expliqués par le biais de recrutement des malades dans un service de médecine interne.
➤ La présence d’une grossesse doit être recherchée chez toute femme en âge de procréer ayant une suspicion de MVTE. Le risque est majoré de six fois par rapport à la femme de même âge non enceinte. Globalement, les deux tiers des épisodes thrombotiques surviennent au cours de la période du post-partum. La prévalence de la MVTE est d’environ 0,5 pour 1000 grossesses [20, 23, 24, 25]. Dans notre série la MVTE est survenue 2 fois soit 2,4% au cours de la grossesse et 6 fois soit 7,2% en post-partum, ce qui concorde avec la littérature.
➤ Le risque de MVTE est multiplié par 4 environ chez les patientes utilisant des pilules oestro-progestatives. Ce risque est nettement accru chez les femmes qui présentent d’autres facteurs de risque [20, 26, 27]. La prise de contraception orale est le FDR transitoire dominant chez notre population (13,3%).
➤ La MTEV était diagnostiquée chez 9 patients tabagiques soit 10,8%. Le tabac est un FDR établi de la maladie artérielle mais pourrait aussi contribuer à la MTEV. Dans la Mega study, le tabac était associé à augmentation modérée du risque thromboembolique [28].
➤ La fréquence des voyages retrouvée dans les semaines précédentes la MTEV varie de 3,2 à 30% [29], nos résultats (1,2%) ne concordent pas avec cette donnée.
➤ L’incidence de thrombose sur cathéter veineux central était de (1,2%) dans notre série, ce qui ne correspond pas aux résultats de la littérature (37,5 à 62%) [30, 31].
Facteurs de risque liés à la thrombophilie
La thrombophilie est une dénomination, crée en 1965 par Egeberg [32], appliquée à des contextes constitutionnels ou acquis pouvant modifier la balance hémostatique, et ainsi être responsables d’un état d’hypercoagulabilité.
La thrombophilie acquise:
➤ La maladie de Behçet : environ 20 à 30% des cas de Behçet semblent se compliquer de thromboses veineuses [33].L’atteinte veineuse apparait plus fréquente que l’atteinte artérielle dans les différente séries de la littérature [34, 35].Le tropisme vasculaire de cette maladie est connu depuis longtemps dont le mécanisme de base est une atteinte endothéliale liée à la vascularite [10,11]. Dans notre série la maladie de Behçet était le facteur de risque le plus prédominant (28,9%), cela est expliquée par la fréquence de cette maladie dans notre contexte.
➤ Le lupus érythémateux systémique et syndrome des anti-phospholipides : de nombreuses publications font état d’une fréquence élevée de complications thromboemboliques, artérielles et veineuses, au cours de l’évolution du LES [36, 37], la prévalence de la MTEV est estimée à 10% (3 à 16%) 20 ans après le diagnostic de lupus [38]. Le SAPL, est observé dans 20 à 30% des lupus et il est défini par l’association d’au moins un évènement thrombotique ou une grossesse pathologique et la présence d’anticorps anti-phospholipides [39]. Dans notre population le SAPL était diagnostiqué chez 4 patients (4,8%), dont 2 cas étaient parmi les 8 patients porteurs du lupus soit (25%) ce qui concorde avec la littérature et dans 2 cas il s’agissait d’un SAPL primitif.
➤ Les maladies inflammatoires chroniques intestinales : Il est bien établi que les MICI, maladie de Crohn (MC) ou rectocolite hémorragique (RCH), s’associent à un risque thromboembolique veineux multiplié par 3,5 [40]. Une association MTEV et RCH, était trouvée dans un cas dans notre série.
➤ Les cancers/ syndromes myéloprolifératif : représentent 15 à 20% des cas de MTEV selon les séries, elles sont à rechercher systématiquement après 45ans [41, 42]. La MTVE est l’occasion révélatrice d’un cancer occulte dans10 à 20%, en particulier, en cas de thrombose récidivante, d’emblée bilatérale, idiopathique ou survenant sous AVK [42]. Dans notre série, la fréquence relativement faible des néoplasies (8,4%) par rapport à la littérature, peut être expliquée par l’âge relativement jeune de nos patients.
➤ Hyperhomocystéinémie : maladie autosomique récessive lie à un déficit en enzyme intervenant dans le métabolisme de l’homocystéine: la mutation C677T du gène du 5,10- MTHFR à l’état homozygote et surtout en cas de carence en folates, elle induit une augmentation de homocystéine [43]. Cette anomalie est responsable de 5 à 10% des événements thromboemboliques et multiplie le risque de MVTE par 2 [44]. La recherche de cette anomalie chez un de nos malades était négative.
La thrombophilie constitutionnelle :
• Les déficits en inhibiteurs de la coagulation :
Ont été les premières découvertes, dans les années 1960. Il s’agit de déficits en antithrombine, en protéine C et en protéine S. L’antithrombine est capable d’inhiber les facteurs X et II activés, alors que les protéines C et S inhibent les facteurs V et VIII activés [45]. Ces déficits sont rares dans la population générale (moins1%), et ne concernent que 5% des patients ayant présenté une thrombose, avec un risque relatif supérieur à 20 [20, 46, 47]. Dans notre étude ces déficits étaient objectivés chez 9,6% de nos patients porteurs de thrombose, ce qui ne concorde pas avec les données de la littérature.
• Les anomalies des facteurs de coagulation :
Sont représentées par deux anomalies génétiques qui codent pour les facteurs V et II, fréquentes dans la population générale (2-7%), elles aboutissent à l’augmentation de l’activité pro-coagulante de ces deux facteurs :
1) la mutation Leiden du gène du facteur V (RPCA) présente chez 20% des patients ayant présenté un événement thromboembolique [48].
2) la mutation du gène de la prothrombine est retrouvée chez 10% des patients ayant un antécédent de MVTE [48, 49, 50]. Ces anomalies étaient absentes dans notre série.
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