La thioredoxine RdCVFL

La thioredoxine RdCVFL

Fait intéressant, l’épissage de l’intron unique du gène NXNL1 produit un second ARN messager qui code une thiorédoxine enzymatiquement active, RdCVFL (Figure 41) (Brennan et al., 2010; Chalmel et al., 2007) (Figure 42). Chez la souris Nxnl1-/- , portant une recombinaison homologue du gène Nxnl1, les bâtonnets ainsi que les cônes sont touchés. Une réduction liée à l’âge de la fonction des cônes et des bâtonnets ainsi qu’un retard de l’adaptation à l’obscurité de la rétine sont enregistrés par électrorétinogramme (ERG). Ce déficit visuel progresse avec l’âge (Cronin et al., 2010). Le manque d’expression de la thiorédoxine RdCVFL entraîne une augmentation des dommages oxydatifs. Nous avons observé une concentration plus élevée d’adduits moléculaires produits par la peroxydation lipidique dans la rétine de ces souris. La phototransduction est initiée dans le segment externe des photorécepteurs constitués d’empilements de bicouches lipidiques où la molécule d’opsine est enchâssée. Ces membranes sont particulièrement enrichies en AGPI sujettes à l’oxydation (Leveillard and Sahel, 2017). La rétine d’une souris avec une délétion spécifique du gène Nxnl1 dans les cônes est plus sensible aux dommages oxydatifs puisque Nxnl1 est également exprimé par les cônes (3% de tous les photorécepteurs chez la souris) (Mei et al., 2016). Contrairement aux bâtonnets, il n’y a pas de rétention d’intron de l’ARNm Nxnl1 dans les cônes qui n’expriment que la thiorédoxine RdCVFL (Figure 41). La thioredoxine RdCVFL 150 Figure 42 : Signalisation métabolique de RdCVFL. BSG : Basigin, HK : hexokinase, G6P : glucose-6-phosphate, PFK : phosphofructokinase, F16BP : fructos-1,-6-biphosphate, G3P : glycérol-3-phosphate, DHAP : dihydroxyacétone phosphate, G3PHD : dlycérol-3-phosphate déshydrogénase, TPI : triose phosphate isomérase, GAP : glycéraldéhyde 3-phosphate, GAPDH : glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase, PK : pyruvate kinase, PYR : pyruvate, LDHA : lactate déshydrogénase A, LACT : lactate, MPC : mitochondrial pyruvate carrier, ATP : adénosine triphosphate, ERO : espèces réactives de l’oxygène, NAPDH : nicotinamide adénine dinucléotide Phosphate forme réduite, 6PG : 6-phosphogluconate, Ri5P : ribose-5-phosphate, TXNRD : thiorédoxine réductase. 151 Les ERO sont produites dans des conditions physiologiques par fuite de la chaîne respiratoire mitochondriale (Figure 28) et inhibent les enzymes clés de la voie glycolytique (Anastasiou et al., 2011; Hildebrandt et al., 2015). Le système thiorédoxine réduit les groupes thiol oxydés des cystéines dans les protéines parmi lesquelles les enzymes glycolytiques et restaure leur fonction (Lopez-Grueso et al., 2019) (Figure 33). Les enzymes thiorédoxine, parmi lesquelles RdCVFL, doivent être réduites par la thiorédoxine réductase (TXNRD1) car les cystéines catalytiques s’oxydent lorsque l’enzyme réduit son substrat (Ren et al., 2018). TXNRD1 a besoin de son cofacteur NADPH produit par la voie des pentoses phosphates (PPP) sous sa forme réduite pour fonctionner (Figure 31). Par conséquent, le pouvoir réducteur de RdCVFL dans les cônes est proportionnel à l’absorption de glucose et à la redérivation du flux glycolytique vers le PPP. L’inhibition de la glycolyse par les ERO conduit à l’accumulation de glucose-6-phosphate (G6P), le premier métabolite produit à partir du glucose dans la cellule, qui est redirigé vers le PPP produisant deux molécules de NADPH par réduction de l’activité TXNRD1 (Camacho et al., 2019; Leveillard and Sahel, 2017). Dans cette signalisation métabolique et redox, le pouvoir réducteur du RdCVFL repose sur le métabolisme du glucose par les cônes dont l’entrée est stimulée par le RdCVF (Leveillard and Ait-Ali, 2017). Une étude translationnelle est en cours sur la combinaison de l’action non cellulaire, médié par un vecteur viral de RdCVF sur le métabolisme avec l’activité cellulaire autonome de RdCVFL sur l’homéostasie redox (Figure 43). Ce programme vise à prévenir la perte de visioncentrale, résultant d’un dysfonctionnement des cônes, chez les patients atteints de RP indépendamment des mutations en causes (Clerin et al., 2020) . 

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Problématique

RdCVF serait donc un traitement de la RP quelques soit la mutation qui affecte les bâtonnets. En revanche, dans la DMLA, bien que les bâtonnets soient affectés en premier (Lyu et al., 2021), l’expression de RdCVF ne semble pas globalement faire défaut (Fig. 44A), comme il l’est dans la RP après la mort des bâtonnets (Blond and Leveillard, 2019) (Fig. 44B). Ceci même s’il existe des soupçons que dans la DMLA la signalisation métabolique de RdCVF soit perturbée (Klipfel et al., 2021; Leveillard et al., 2019). Ceci nous a conduit à entreprendre une recherche thérapeutique alternative sur la DMLA. Mon projet est issu de cette recherche thérapeutique pour la DMLA à laquelle j’ai participé. La DMLA est la première cause de handicap visuel chez les plus de 50 ans et est une maladie multifactorielle et polygénique. Chez l’homme, la DMLA affecte la vision centrale donc les photorécepteurs à cônes. Bien que le gène NXNL1 ne contienne pas d’allèles à risque pour la DMLA (Fritsche et al., 2013; Fritsche et al., 2016), le fait que le gène NXNL1 code deux produits protéiques qui protègent les cônes, suggère que le gène NXNL1 pourrait être impliqué dans la physiopathologie de la DMLA. De plus, le rôle de l’un des produits du gène, la thiorédoxine RdCVFL, dans la réparation des dommages oxydatifs des cônes est un lien potentiel avec le maintien de la fonction des cônes au cours du processus de vieillissement (Mei et al., 2016). La perte de vision due à la DMLA est actuellement irréversible et la thérapie génique n’est peut-être pas l’approche la plus sûre actuellement à cause de l’âge avancé des sujets à traiter, ce qui pourrait réduire le rapport bénéfice risque. Une relation inverse entre l’âge et l’acceptabilité de la thérapie génique a été constatée, les participants plus jeunes sont plus tolérants envers la thérapie génique que les groupes plus âgés (Delhove et al., 2020). Le développement d’une approche pharmacologique nous a semblé plus appropriée. Nous avons donc recherché des molécules qui protègent les cônes en utilisant la stratégie que nous avions utilisée pour identifier RdCVF et EdCVF (Leveillard et al., 2004; Millet-Puel et al., 2021). Pour cela nous avons criblé une banque d’extraits de plantes médicinales. En effet, durant l’évolution, les végétaux se sont adaptés à leurs niches écologiques et ont dû livrer un combat éternel contre les herbivores, entre autres les insectes (Lyor Bouaziz., 2014). Ce processus de protection, permit durant l’évolution de sélectionner des molécules biologiquement actives ainsi que des métabolites secondaires qui sont actuellement une arme de défense des plantes contre les herbivores.

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