La théorie des Communautés de Pratique (CP) un nouveau cadre pour (re)penser l’apprentissage

La théorie des Communautés de Pratique (CP) un nouveau cadre pour (re)penser l’apprentissage

La théorie des CP à l’intersection des courants des sciences humaines et sociales

Dans ce titre, nous allons tenter de faire un panorama des différentes théories ayant inspiré Wenger (1998) dans l’élaboration de sa théorie des Communautés de Pratique (CP). Parler en La théorie des Communautés de Pratique (CP) un nouveau cadre pour (re)penser l’apprentissage 22 termes de panorama ne signifie pas seulement restituer la multitude des courants qui jalonnent la réflexion de Wenger. Cela renseigne également sur la difficulté de situer l’auteur (Chanal, 2000 ; Vaast, 2002 ; Michaux, 2005). Nous prenons pour point de départ le prélude qu’à présenté l’auteur dans son ouvrage « Communauté de pratique : apprentissage, sens et identité » (1998) qui semble être une référence incontournable dans les études sur le phénomène. On tentera également d’apporter d’autres éléments issus de nos propres recherches afin de mieux appréhender l’essor de cette théorie et les liens qu’elle entretient avec d’autres courants. Dans son ouvrage de 1998, Wenger s’est livré à cet exercice de manière relativement sommaire mais plus ou moins complète, en renvoyant dans un premier temps aux quatre théories ayant pesé le plus dans ses réflexions, en l’occurrence : les théories de la pratique, de l’identité, de la structure sociale et de l’expérience située. Dans un second temps, il a évoqué d’autres théories qui permettent, selon lui « de souligner avec plus de détails et de façon plus rigoureuse ce que nous considérons comme étant les composantes d’une théorie sociale de l’apprentissage » (ibid., p. 11). Les théories en l’occurrence sont les théories du pouvoir, de la subjectivité, du sens et de la collectivité. Nos allons donc nous limiter aux quatre premières théories qui nous semblent primordiales et incontournables pour saisir certains traits de la réflexion de Wenger, en essayant d’expliquer à chaque fois le rapprochement que l’on pourrait faire avec ces théories. Pour ce qui est des autres théories, nous les aborderons plus tard de manière plus succincte au moment où nous aborderont les concepts concernés.

La théorie des CP au croisement de deux axes théoriques

Présentée comme une théorie sociale de l’apprentissage, Wenger (1998) estime que la théorie des CP représente un champ d’investigation plus ou moins bien défini, au carrefour de la philosophie et des sciences humaines et sociales. Avant d’aller plus loin, il nous semble judicieux de rappeler que l’intitulé exact de cette théorie dans son livre de (1998) est : « Communities of practice: learning, meaning and identity » (CP : Apprentissage, sens et identité). L’auteur a donc voulu présenter la configuration et le fonctionnement de la CP à travers l’analyse des notions d’apprentissage, de sens et d’identité. Depuis des décennies, ces 23 notions se présentent comme, -et continuent d’être-, le centre de gravité et de croisement des sciences humaines et sociales. Le carrefour de ces concepts représente selon l’auteur le noyau central de la théorie des CP. Cela permet alors d’avoir une première vue sur la multitude et la complexité des niveaux d’analyse, qui ne pourraient s’expliquer qu’à travers le croisement des théories s’intéressant à ces sujets. Il schématise alors son positionnement en croisant deux axes portant chacun à ses extrémités deux théories (cf. figue1), qui constituent des thèses que l’on pourrait qualifier d’opposées. L’axe vertical traduit la transition entre les théories qui donnent la primauté aux structures sociales et celles qui s’intéressent plutôt à l’agir humain. L’axe horizontal permet d’étudier l’apprentissage en analysant la pratique, mais aussi la construction identitaire de l’apprenant.

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Axe Pratique –Identité

Les théories de la pratique 

Le concept de la « pratique1 » chez Wenger se concentre autour de l’activité quotidienne et les situations concrètes, avec une insistance sur les systèmes sociaux au sein desquels des groupes s’organisent et coordonnent leurs activités, leurs relations et leurs interprétations du monde. Sa vision de la pratique est largement marquée par le caractère formant et organisant de cette dernière, qui se traduit par la production et la reproduction de modes spécifiques d’engagement dans le monde. Bien évidemment cette vision est loin d’être originale et Wenger est le premier à le reconnaître. Il déclare que sa compréhension de la notion de la pratique est influencée par certaines conceptions présentes chez des auteurs qui, curieusement ne se définissant pas comme théoriciens de la pratique, mais dont les travaux abordent ce concept de manière connexe. Il renvoie ainsi à quelques travaux relavant de disciplines très hétérogènes (l’informatique, la géographie, la sociologie, l’anthropologie et la psychologie). Cependant, et comme l’indique Vaast (2002), il accumule ces références sans préciser la manière dont elles ont guidé et influencé sa réflexion. Hormis ces travaux, il notifie clairement que « les préoccupations liées au concept de pratique remontent à l’utilisation du concept de la « praxis » par Karl Marx2 (1984), comme contexte sociohistorique d’un point de vue matérialiste sur la conscience et la constitution d’une histoire » (Wenger, 1998, p. 18). Ce renvoi à Marx va dans le sens où la « praxis » est vue par ce dernier comme correspondant à un ensemble des pratiques par lesquelles l’homme transforme la nature et le monde, ce qui l’engage dans la structure sociale que détermine les rapports de production à un stade donné de l’histoire (Legrand, 19723 ). Cependant, son inspiration ne s’arrête pas à la philosophie marxiste, car il fait l’éloge d’un certain nombre d’anthropologues et de sociologues n’ayant pas hésité à critiquer les explications structuralistes et fonctionnaliste de la culture, voire celles des effets déterministes de ces dernières sur la société. Parmi ces théoriciens, on trouve Pierre Bourdieu qu’il présente comme le plus éminent des théoriciens de la pratique, en renvoyant à ses travaux sur les pratiques culturelles qui présentent le caractère productif de la structure. Ce rapprochement avec les idées de Bourdieu peut s’expliquer à travers le caractère organisant et structurant de la pratique que Wenger soutient comme étant une de ses propriétés fondamentales. Ceci nous rappelle singulièrement le concept de l’habitus, présenté par Bourdieu comme principe structurant et organisateur de l’action et des représentations. (Bourdieu, 1983). Enfin, on peut dire que le rapport entre la théorie de Wenger et celles des autres auteurs (qu’ils soient théoriciens distingués de la pratique ou ayant abordé le concept de manière incidente) s’entretient à travers la mise en exergue de l’aspect productif de la pratique et de son rôle générateur de structures sociales. D’où sa détermination à qualifier et à considérer la « pratique » comme un concept clé pour saisir la complexité de la pensée humaine qui se produit dans la vraie vie, critiquant ainsi les théories structuralistes et fonctionnalistes qui négligent le rôle que joue la pratique en amont de l’édification des systèmes sociaux. Toutefois, même s’il le présente comme élément clé, il pense que ce concept ou ces théories ne suffisent pas pour expliquer un phénomène aussi complexe que l’apprentissage.

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