LA THEORIE ANARCHISTE DE LA CONNAISSANCE CHEZ PAUL FEYERABEND

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LA DISQUALIFICATION DE L’A PRIORISME METHODOLOGIQUE 

Il s’agit d’une approche cherchant à rejeter le rationalisme épistémologique.1 Par rejet du rationalisme, il faut entendre la disqualification de l’apriorisme méthodologique. Oser s’attaquer au rationalisme, c’est se décrocher de l’épistémologie classique pour aller s’inscrire dans celle de la complexité. Laquelle nous montre que la réalité est tout autre. La pratique scientifique n’est pas soumise à des règles statiques, fixes, données une fois pour toutes : elle est menée suivant un esprit d’ouverture. Telle est l’idée qui se défile en filigrane dans la théorie anarchiste postulée par Paul Karl Feyerabend. L’anarchisme peut être entendu comme refus catégorique à toute restriction. C’est bien ainsi que Feyerabend le soutient contre les procédés classiques. Mais, l’auteur de Contre la méthode a très tôt pris le soin de préciser qu’il se trouve dans le champ scientifique et non dans celui politique.2 On pourrait donner une brève explication à cet acte en disant qu’il a tenté d’anticiper sur certaines objections. Voilà ce qu’il dit : « Le présent essai est écrit avec la conviction que l’anarchisme, tout en n’étant peut-être pas la philosophie politique la plus attrayante est certainement un excellent remède pour l’épistémologie et pour la philosophie des sciences. »3 Outre le fait de distinguer la sphère scientifique, dans laquelle il se trouve, de celle politique, Feyerabend note que la pratique scientifique est en crise. Et son projet, c’est-à-dire la pensée anarchiste qu’il décline, vise à remédier à cette situation. Autrement dit, il envisage de rompre avec cette manière de voir et de faire de ceux-là qui se proclament scientifiques. Dés lors, la perspective féyérabendienne lancée, on note une rupture sans précédent. Cette rupture résulte du fait que Feyerabend note que le simple fait d’établir une logique de recherche, à l’image de Descartes ou du nouvel instrument baconien, est non seulement une erreur, mais n’est pas ce qui est conforme à cette faculté humaine qu’est la raison. C’est bien cet aspect de la situation qui lui fait dire que la science est en crise ; d’où sa tentative de venir à bout de cette dernière. Pour ce faire, il brandit l’argument de l’anarchisme méthodologique. Le destin des sciences semble être dans les mains de ceux-là qui s’affichent irréalistes pour ne pas dire rêveurs. En effet, Feyerabend fait remarquer : « L’idée que la science peut, et doit, être organisée selon des règles, fixes et universelles est à la fois utopique et pernicieuse. »1 Le fait de poser des lois, règles, ou principes est problématique. Il peut constituer un obstacle à la pratique effective des sciences. Leur rigoureuse et stricte application n’encourage guère la puissance créatrice, imaginative du chercheur. Or, le mathématicien doit inventer les règles opératoires qui lui permettent de déduire. Ainsi, cette puissance imaginative que le rationalisme scientifique a confisquée, sous prétexte de placer le chercheur dans les conditions optimales lui permettant de mener à bien ses investigations, reste incontournable. La structure du réel est telle qu’on ne peut pas la saisir si l’on est emprisonné dans les « carcans méthodologiques » des classiques. Leur démarche est « préjudiciable à la science, car elle néglige les conditions physiques et historiques qui influencent, en réalité, le changement scientifique. »2
S’inspirant de Lénine1, Feyerabend fait remarquer que des historiens et des méthodologistes ignorent le caractère hétéroclite des révolutions. En d’autres termes, l’histoire est ponctuée par un certain nombre de faits, d’évènements, d’idées, d’interprétations, de problèmes, de moyens, de solutions, etc. C’est là, selon lui, ce qui est largement inconnu de ceux qui se fixent des méthodes avant l’acte même d’entreprendre.
Voilà ce qui permet à Paul Feyerabend de se poser deux questions qui auront une importance capitale dans son essai. D’abord, « Allons-nous vraiment croire que les règles naïves peuvent répondre d’un tel ’’labyrinthe d’interactions’’ »?2 Si véritablement le réel est complexe, et Feyerabend est convaincu qu’il en est ainsi, l’apriorisme méthodologique -même sous sa forme la plus rationnelle pour ne pas dire scientifique- ne peut guère encadrer avec succès l’entreprise scientifique. Autrement dit, il faut renoncer au rationalisme consistant à offrir à qui s’engage dans la quête de l’être, des voies tracées d’avance et menant à de contrées largement inconnues et non encore maîtrisables. Lesquelles sont caractérisées par leur inscription dans le tumulte : elles relèvent de l’évènementiel dont l’homme n’a aucune prise parce que le surprenant. C’est de l’ordre de l’inédit. Elles ne relèvent d’aucune conséquence tirée d’aucun principe, d’aucune règle. En un mot, la question de Feyerabend a pour prétention, non seulement de dénigrer le rationalisme sous sa forme épistémologique, elle veut aussi et surtout l’invalider une fois pour toutes montrant ainsi sa caractéristique principale, autrement dit son aspect incomplet, lacunaire, réducteur, simpliste et appauvrissant. Fort de ce constat, nous pouvons retenir cette affirmation de l’auteur d’Adieu la raison : « Toutes les méthodologies ont leurs limites, et la seule ’’règle’’ qui survit, c’est ’’Tout est bon’’ ! »3
Ensuite : « N’est-il pas clair qu’une participation réussie à un processus de cet ordre n’est possible que pour un opportuniste sans scrupule, qui n’est attaché à aucune philosophie particulière, et qui adopte n’importe quels procédés pourvu qu’il semble adapté aux circonstances ? »4 Cette interrogation laisse entendre que le rationalisme, tel qu’il est posé et suivi, ne permet pas une avancée de la science. Et qu’est-ce qu’une science qui ne fait pas de progrès ? Feyerabend décline une possibilité du progrès. Mais, précise-t-il, la condition de possibilité de ce progrès s’inscrit dans la manifestation même de l’anarchisme scientifique. En d’autres termes, seul un scientifique, affranchi de toutes règles et travaillant en fonction de cela même qu’il trouve, est capable de faire connaître à la science les progrès que l’on attend d’elle. Renoncer, donc, à la forme rationalisée de pratiquer les sciences est l’appel féyérabendien. Le réel reste, dans sa structure dernière, complexe : d’où la nécessité de trouver et de se conformer à une méthode appropriée, adéquate, c’est-à-dire répondant aux exigences des circonstances. Il faut trouver une méthode complexe, parce que cela même qui doit être connu est frappé de complexité. Il se propose, ainsi, de complexifier, partant de l’histoire effective des sciences, tous les procédés susceptibles d’être utilisés dans les investigations scientifiques et philosophiques. Partir des circonstances et établir des méthodes circonstancielles reste, dès lors, certaines de ces exigences définissant une pratique scientifique qui se veut conséquente. En effet, Paul Karl affirme : « Un milieu complexe contenant des développements surprenants et imprévisibles réclament des procédés complexes, et défie une analyse fondée sur des règles établies à l’avance, qui ne tienne pas compte des conditions historiques toujours changeantes. »1 Ainsi, nous fait-il remarquer que c’est la texture même du réel qui est complexe. Et toute méthode ou logique de recherche qui veut en rendre compte, véritablement, doit épouser cette complexité, et partant, devenir complexe.
Voilà ce qui montre que notre univers est celui-là où tout est ‘’désarticulé’’, ’’bifurqué’’, ’’chaotique’’,’’désordonné’’, etc. : c’est le bouleversement total. Ce constat figure l’épistémologie dans laquelle s’inscrit cette pensée toute originale qu’est la théorie anarchiste de la connaissance que l’on reconnaît à Paul Feyerabend. D’après la thèse anarchiste, il n’y a pas un ordre inhérent au réel et sur quoi on pourrait s’appuyer pour décliner une quelconque structure homogène de l’univers. Fort de ce constat, on peut noter et même soutenir l’idée selon laquelle il n’y a, dans le cosmos, ni régularité, ni stabilité, ni constance, ni équilibre…; d’où l’impossibilité d’énoncer des lois, but ultime des sciences expérimentales. Dès lors qu’il est impossible d’établir des relations de cause à effet entre les phénomènes, dès lors qu’il est impossible de se donner un point fixe à partir du quel le scientifique pourrait, véritablement, centrer toute sa tentative de dire l’être, dans toute sa nudité, il devient illégitime de vouloir privilégier un procédé au détriment des autres. Autrement dit, il faut, donc, tâcher de faire l’inventaire des voies et moyens, de toutes les actions humaines afin de totaliser tout le possible. La science moderne montre que le désordre est au cœur du réel et que quiconque tente de dire l’être doit y tenir compte rigoureusement. Dès lors, investir, donc, le désordre, la désintégration, le chaos est indispensable pour une bonne pratique scientifique. C’est l’idée d’Edgar Morin de vouloir faire de la dialogique entre l’ordre et le désordre : « Il est à peine nécessaire d’insister ici sur la misère de l’ordre seul, comme sur la misère du désordre seul. Un univers strictement déterministe qui ne serait qu’ordre, serait un univers sans devenir, sans innovation, sans création. Mais, un univers qui ne serait que désordre n’arriverait pas à constituer de l’organisation, donc serait inapte à la conservation, et par-là à l’évolution et au développement. Un monde absolument déterminé, de même qu’un monde absolument aléatoire, sont pauvres et mutilés, le premier incapable d’évoluer et le second incapable même de naître (…). Il faut donc mêler ces deux mondes qui, pourtant s’excluent si nous voulons concevoir notre monde. Leur inintelligible mélange est la condition d’une relative intelligibilité de l’univers. Il y a certainement contradiction logique dans l’association, ordre et désordre, mais moins absurde que la vision débile de l’univers qui ne serait qu’ordre ou qu’il ne serait livré qu’au dieu hasard. »1
Il faut, donc, transcender la vision simpliste, définie par le rationalisme, basée sur un certain ordre de l’univers ; et cela, justement, pour réhabiliter le désordre qui, à travers sa saisie même, figure l’intelligibilité du réel. Ainsi, on pourrait chanter les éloges de la raison si, effectivement, elle parvient à faire cette dialogique entre ordre et désordre. Sous cet angle, apparaît un certain processus historique. En effet, l’esprit scientifique a connu une évolution : il est parti du paradigme de l’ordre pour aboutir à celui du chaos. Il s’agit de noter par là que l’histoire des sciences est une série d’événements. Ayant réalisé ce déplacement, l’esprit acquiert une culture toute nouvelle, dépassant effectivement celle de la science classique. Cette nouvelle culture scientifique reste, dans son contenu, plus variée, plus riche, plus complexe. Voilà ce qui nous rappelle la perspective commune à toutes les activités scientifiques : dévoiler le réel, accéder à l’Absolu, accéder à la vérité dernière des choses. Ce constat nous fait penser à Hegel qui nous parle de la culture de l’esprit qui, dans son processus de connaissance, procède par étape avant d’atteindre à l’Absolu qui reste sa fin dernière. Cette tentative de rapprochement entre cet aspect de la pensée hégélienne et la théorie anarchiste de Feyerabend figure l’idée selon laquelle l’esprit, dans son processus de connaissance, s’inscrit dans le temps. Autrement dit, il est embarqué dans le mouvement historique. Et de la sorte, il ne doit se soumettre à aucune loi statique. Si toutefois, des lois doivent exister, elles ne doivent provenir que de la pratique effective et non avant. C’est l’action scientifique qui oriente les recherches et non des règles posées avant même l’entreprise. Sil n’en est pas ainsi, « son imagination -nous dit Feyerabend- est entravée, même son langage cesse de lui appartenir ».1 Ces mots figurent le caractère étouffant des règles d’ordre méthodologique. Et l’auteur d’ajouter : « Il est donc possible de créer une tradition et de la maintenir par des règles strictes ; cela, dans une certaine mesure, permet des succès. »2 Ainsi, assimile-t-il, la science à une tradition, et comme telle, elle ne mérite aucun privilège, aucun traitement de faveur par rapport aux autres traditions relevant toutes de la vie humaine. C’est sous cet angle que Feyerabend formule ces questions : « Mais, est-il souhaitable de soutenir une tradition en rejetant toute autre possibilité? Doit-on lui attribuer le droit exclusif de traiter la connaissance, avec pour conséquence que tout résultat obtenu par d’autres méthodes est éliminé sans appel ? ».1 A ces questions, cet ancien élève de Popper dit : « ma réponse sera un non ferme et retentissant »2. Ce qui justifie cette réponse, c’est sa décision de rompre avec le maître et par conséquent de tourner le dos à l’apriorisme méthodologique ; et cela, justement, du fait de sa conviction de la complexité du réel. On peut trouver un fondement à la fois épistémologique et éthique à cette réponse de Paul Feyerabend.
Partant du fait que le « monde que nous voulons explorer est largement inconnu »,3 on peut établir l’idée selon laquelle il n’y a pas de ’’béquilles épistémologiques’’ suffisamment éclairantes pour guider l’entreprise scientifique. Tout ce qui s’y passe relève de l’événementiel. On part de surprise en surprise. Les faits ne sont pas des effets d’une cause donnée, maîtrisable une fois pour toutes. Il s’agit de l’univers de la complexité figurant une effervescence sans précédent. La pensée bachelardienne peut être saisie comme un argument pour cette idée : « Il ne faut rien confier aux habitudes quand on observe. »4 En effet, il n’y a pas un ordre permettant de tout identifier et de tout reconnaître. A chaque nouveau cas, on note, non une conséquence attendue, mais de l’inédit, du surprenant, de l’imprévisible, etc. Voilà autant de faits qui appartiennent proprement au réel et qui font que ce dernier reste, dans son à être-même, tumultueux. Feyerabend, s’armant du rasoir d’Occam nous débarrasse du rationalisme occidentalo-centrique montrant, ainsi, son inefficacité quant à la pratique effective des sciences. Une telle situation traduit, partant de la texture même du réel, l’absurdité du rationalisme à vouloir assigner des limites au chercheur avant qu’il n’entreprend quoique ce soit ; car, il convient de souligner l’impossibilité de pouvoir anticiper sur les obstacles épistémologiques ultérieurs. C’est l’action de chercher qui doit décliner les règles, à l’image du mathématicien qui invente des combinaisons pour faire des opérations en vue d’une résolution de ses équations. La science classique est très honorée des travaux qu’elle a faits. Elle a beaucoup contribué au développement de la science, et a, par conséquent, véritablement participé à l’amélioration de la condition humaine. En revanche, elle a ses limites, et pour se conformer à l’esprit de la science et accorder à ses acquis un crédit légitime, elle se doit de reconnaître la sphère historique à laquelle elle appartient. En effet, la réalité montre qu’elle n’est pas détentrice de cette capacité permettant de livrer les secrets les plus profonds de l’être ; car, justement, le rationalisme qui le sous-tend reste mutilant ; d’où l’une des raisons qui ont poussé Feyerabend à s’attaquer à l’apriorisme scientifique. Voilà, ce qui traduit la dimension épistémologique de la pertinence de la pensée de l’auteur d’Adieu la raison par rapport à l’empirisme, au rationalisme, à l’instrumentalisme… L’autre raison est éthique. Nous proposons de revenir sur cet aspect dans la deuxième partie de notre propos.
La tentative féyérabendienne de repenser l’idée de méthode envisage une invalidation sans appel des protocoles méthodologiques anhistoriques. Ainsi, la première philosophie qui est visée est celle cartésienne. En d’autres termes, l’épistémologie féyérabendienne prend le contre-pied de l’épistémologie cartésienne. Etant l’une des plus grandes figures de la pensée classique, Descartes est l’auteur d’une œuvre qui reste victime de l’émergence du chaos, c’est-à-dire, embarquée dans le mouvement historique, bute sur la complexité de l’univers, et se trouve, dès lors, devant des exigences dépassant les compétences qui sont les siennes. C’est là, ce qui explique que la théorie anarchiste se définit par opposition à la pensée cartésienne, c’est-à-dire rationaliste, figurant l’idée de la centralisation de la raison dans l’entreprise scientifique. Ainsi, reproche-t-on à Descartes d’avoir établi l’idée selon laquelle la raison reste le seul guide, le seul maître, la seule instance à la quelle le chercheur doit obligation.
Du fait que le rationalisme cartésien ne répond pas au défi de la complexité, les quatre règles de Descartes ne fonctionnent plus : la méthode cartésienne est disqualifiée dans cette nouvelle perspective des sciences qui s’inscrit proprement dans l’épistémologie de la complexité. Cet aspect de la situation apparaît dans Le nouvel esprit scientifique de Gaston Bachelard. En effet, soutient-il, une méthodologie ne peut pas être établie une fois pour toutes dans l’entreprise cognitive. Il reconnaît qu’il y a une ’’psychologie normative’’ qu’il attribue à là psychologie du mathématicien qui ’’ne pense réellement que le concret’’. Pour montrer qu’une logique de recherche donnée d’avance et statique reste inappropriée dans les investigations scientifiques, Bachelard donne l’exemple de l’expérimentation. Ainsi, note-il, « De toute manière, dans les essais expérimentaux, on commence par ce qu’on croit logique. Dès lors un échec expérimental, c’est tôt ou tard un changement de logique, un changement profond de la connaissance. Tout ce qui était emmagasiné dans la mémoire doit se réorganiser en même temps que la charpente mathématique de la science. Il y’a endosmose de la psychologie mathématique et de la psychologie expérimentale. Peu à peu, l’expérience reçoit la dialectique de la pensée mathématique ; l’évolution méthodologique joue exactement autour des articulations de divers thèmes mathématiques. » 1
Ainsi, il n’existe aucune méthodologie générale qui échapperait à l’usure dont parlait Urbain. De la sorte, une méthode doit comporter une certaine flexibilité qui lui permet de s’adapter, de se conformer aux multiples circonstances. C’est sous ce rapport, que l’on entend l’auteur du Nouvel esprit scientifique dire : « Toute la pensée scientifique doit changer devant une expérience nouvelle ; un discours sur la méthode scientifique sera toujours un discours de circonstances, il ne décrira pas une constitution définitive de l’esprit scientifique. »2 Cette idée bachelardienne s’inscrit en droite ligne dans l’esprit de Contre la méthode ; car, ils rendent compte de la pensée contemporaine. Partant de la critique des procédés classiques, du fait de leur rigidité, l’anarchisme méthodologique décline l’impossibilité d’un caractère absolu de leurs principe ; d’où la thèse nominaliste critiquant et récusant les lois ou concepts scientifiques inscrits dans une dynamique universelle et atemporelle. En d’autres termes, aucune règle ne doit exister ; ou toutefois, si des règles doivent exister, elles doivent leur existence, leur pertinence, leur importance, leur valeur à leur flexibilité par rapport à la l’action même de chercher. En effet, « Cette mobilité -note Bachelard- des saines méthodes doit être inscrite à la base même de toute psychologie de l’esprit scientifique ; car l’esprit scientifique est strictement contemporain de la méthode explicitée. »3 Une telle mobilité est absente des préceptes du discours cartésien. Paul Feyerabend se dresse contre cette exigence figurant l’impossibilité de secouer les règles.
Secouer les règles ou passer outre reste un fait plus que déterminant dans la pratique effective de la science. C’est la raison pour laquelle le chercheur doit disposer d’une liberté d’action pleine et entière sans la moindre restriction. Et Feyerabend de préciser : « Cette pratique libérale, je le répète, n’est pas, seulement un fait de l’histoire des sciences. Elle est à la fois raisonnable et absolument nécessaire pour le progrès des connaissances. Soit une règle quelconque, aussi ’’ fondamentale’’ et ’’nécessaire’’ qu’elle soit pour la science, il y aura toujours des circonstances où il est préférable, non seulement de l’ignorer, mais d’adopter la règle contraire. »4
En effet, aucun ’’discours de la méthode’’ ne peut faire la lumière sur les écueils éventuels. Ce sont les enseignements de la pratique effective qui, eux seuls, peuvent nous permettre de déterminer a postériori ce que peut et doit être une méthode. « Nos préjugés -dit Feyerabend- sont mis en évidence par contraste et non par analyse. »1 C’est chemin faisant que l’on découvre que nos certitudes sont fondées sur des préjugés et non avant. Ce qui veut dire qu’il est impossible de déterminer a priori les obstacles épistémologiques et de prescrire, par conséquent, les moyens permettant de les éviter. Cette situation résulte de la non existence d’un centre dans l’univers. Elle se justifie davantage du fait de l’épistémologie de la complexité figurant la perte de tout fondement véritable. Tout ceci porte atteinte aux principes encadrant le rationalisme, l’empirisme, ou, en un mot, tout projet méthodologique à vocation universaliste. Malgré cela, la science a connu d’importants succès. En effet, selon Bachelard, « On peut, croyons-nous, aller plus loin et mettre en doute l’efficacité des conseils cartésiens. »2 Et Feyerabend d’établir : « Il faut donc également admettre la possibilité d’un progrès ne devant rien au raisonnement ; chez l’adulte aussi bien que dans des institutions ( pour leur partie théorique) comme la science, la religion, la prostitution, etc. Nous ne pouvons accepter que ce qui est possible à l’enfant -l’acquisition de nouvelles formes de comportements à la moindre incitation, l’adaptation à ces formes sans le moindre effort apparent- soit hors d’atteinte pour ses aînés. »3 Sous cet angle, on pourrait rapprocher Feyerabend à Condillac4 qui accorde une très grande importance à l’enfance dans sa théorie de la connaissance. Parce que l’être-enfant est mu par ses instincts (c’est-à-dire la nature), par ce que l’être-enfant est celui-là même qui est à l’écoute des sens, parce qu’il est capable d’acquérir certaines connaissances sans l’usage de la raison. Ainsi, Condillac le prend comme modèle dans le processus d’acquisition des connaissances. Voilà, une idée qui rompt totalement avec Descartes regrettant d’avoir été enfant.

Table des matières

INTRODUCTION
DE LA COMPLEXITE : Feyerabend et la critique de l’idée de méthode
1° UNRE HISTOIRE DE METHODE
2° LA DISQUALIFICATION DE L’APRIORISME METHODOLOGIQUE
3° UN UNIVERS ECLATE : l’histoire comme témoin
DEUXIEME PARTIE LA THEORIE ANARCHISTE DE LA CONNAISSANCE CHEZ PAUL FEYERABEND
1° LA RUPTURE FEYERABENDIENNE
2° UNE CONNAISSANCE A FONDS MULTIPLES
3° DIMENSION ETHIQUE DE L’ANARCHISME METHODOLOGIQUE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ADRESSES INTERNET CONSULTEES
RESUME

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