La théorie à la pratique les « Intelligences multiples » en classe.
Les Intelligences multiples vues par les enseignants
Un succès inattendu Howard Gardner fut le premier à s’étonner du succès immédiat rencontré par son ouvrage « Frames of Mind » dans le milieu éducatif. Alors que le monde scientifique, et les psychologues en particulier, accueillait la théorie avec circonspection, les éducateurs s’emparèrent avec enthousiasme d’un ouvrage qui n’avait pas initialement été pensé pour eux. Gardner et ses collègues se saisirent de cette opportunité pour explorer la théorie dans le champ éducatif. Il s’en suivit de nombreux projets en école, dont le projet « Spectre », mené par Gardner lui-même dans des écoles maternelles. Ces programmes visent à produire des outils d’évaluation dotés d’une validité environnementale, dans des contextes plus riches et plus proches de la réalité. En France, le phénomène est bien moins marqué, quoiqu’il bénéficie d’une bonne dynamique ces dernières années, avec l’apparition d’outils à destination des enseignants, sur les blogs, en librairie, ou à travers des documents et vidéos diffusés par l’institution.
Des expérimentations aux outils de diffusion
Ainsi, entre 2007 et 2010, Véronique Garas, directrice d’école Maternelle d’Application Les Hauldres, à Moissy-Cramayel et coordinatrice à l’ESPE de Seine-et-Marne, s’est intéressée, avec toute son équipe, à « un enseignement selon les intelligences multiples » qu’elle met en place auprès de tous les élèves de son école. De son côté, la professeur des écoles Elodie Meddeb expérimente la théorie en classe élémentaire à Melun. De ces fructueux projets au sein de l’Education Nationale naîtront plusieurs publications dont le « guide pour enseigner autrement, selon la théorie des intelligences multiples » aux éditions Retz. D’autres outils sont à disposition des enseignants. Conçus par des enseignants francophones, ils proposent une méthodologie souvent accompagnée de supports visuels à destination des élèves.
Parmi eux on peut citer les Multibrios, créés par le canadien André Mercier, qui proposent du matériel et un conte sonore décliné en une série de vidéos disponibles sur la chaîne Youtube, visionnées jusqu’à présent entre dix mille et quarante mille fois chacune. 51 « Individualiser les enseignements : la pédagogie au prisme des Intelligences Multiples », Eduscol, 01/07/2015. 20 Source : www.multibrios.com En Belgique, Françoise Roemers-Poumay, institutrice et conseillère pédagogique, crée la pédagogie Octofun en 2013. Une pédagogie applicable à l’école ou à la maison, et qui permet aux enfants de prendre conscience des différentes formes d’intelligences qu’ils possèdent. Les huit intelligences sont matérialisées par des boules d’énergie et différents outils sont proposés (jeux de cartes, manuels, CD, carnets…) dont un guide méthodologique à destination des enseignants52. En 2016, elle collabore à l’ouvrage « la psychologie positive à travers les intelligences multiples » 53, qui relève le défi d’allier intelligences multiples et psychologie positive dans l’objectif résolument affirmé de favoriser le plaisir d’apprendre. Dans le cadre de ma problématique d’intégration des intelligences multiples à la pratique de classe en cycle 1, c’est avec les Octofun que j’ai choisi de travailler en ce qui concerne les outils de communication aux élèves, tout en fondant ma préparation didactique sur le « guide pour enseigner autrement, cycle 1 » dirigé par Véronique Garas, qui propose de nombreux modules d’apprentissage et des outils d’analyse pour l’enseignant. 3. Quelles attentes et quelles conceptions des IM chez les enseignants aujourd’hui ? Nous venons de voir qu’une véritable dynamique est à l’œuvre en France et dans le monde, avec la propagation rapide d’outils à destination des enseignants.
Cette dynamique se répercute-t-elle sur les professeurs des écoles, aujourd’hui ? Je me suis alors interrogée sur ce que les enseignants savaient ou projetaient sur la théorie actuellement, et notamment quelles étaient leurs sources d’information et leur vision de la mise en œuvre d’une classe « intelligences multiples », appelons-la « classe IM » par commodité. 52 « La pédagogie des Octofun », Françoise Roemers-Poumay, Ed. Sedrap, 2016. 53 « La psychologie positive à travers les intelligences multiples » Sophie Hannick, Françoise Roemers-Poumay, Ed. Erasme, 2016. 21 Analyse du questionnaire « Enseigner avec les intelligences multiples ». J’ai donc élaboré un questionnaire sur la plateforme en ligne Google Forms (Annexes 1), que j’ai ensuite diffusé auprès des membres de différents groupes éducatifs sur les réseaux sociaux. La majorité des participants sont des enseignants (304 sur 317 participants), dont 214 professeurs des écoles. Pour affiner l’analyse des résultats, j’ai la plupart du temps resserré le champ de l’étude sur les réponses des enseignants du premier degré (cycles 1, 2 et 3), en m’aidant de l’outil « tableau dynamique » du tableur Excel qui permet de sélectionner et filtrer les variables de la base de données créée à partir de Google Sheets.
Par précaution, on relèvera quelques biais possibles relatif à l’échantillon retenu. En effet, on ignore dans quelle mesure les enseignants interrogés dans les groupes des réseaux sociaux se différencient de la population enseignante, par leurs centres d’intérêt, leur pédagogie ou tout autre critère pouvant intervenir dans l’orientation des réponses au questionnaire. A travers les questions posées, je cherche à analyser spécifiquement trois axes : – D’où proviennent des informations dont disposent les enseignants sur les intelligences multiples ? – Quel est le positionnement des professeurs des écoles par rapport aux intelligences multiples ? – Que projettent-ils sur la mise en œuvre d’une « classe Intelligences Multiples » ?
Quelles sont les sources d’information des professeurs des écoles ?
Pour répondre à cette question, j’ai opté pour l’hypothèse suivante : l’accès à la connaissance des Intelligences Multiples, provient de trois sources principales. – Un média (internet…) ; – L’institution (conférence, formation) ; – Un média humain de son entourage professionnel de proximité (collègue, parent) ; – Pas de source (réponse : « Jamais entendu parler »). Globalement, il apparaît que pour l’ensemble des professeurs des écoles interrogés, l’institution est la première source d’information (45%) suivie de près par internet et les médias (34%). Une proportion non négligeable ne connaît pas les intelligences multiples (près 22 de 6%). On peut émettre l’hypothèse que pour l’ensemble de la population enseignante, cette part sera plus importante, l’échantillon sondé correspondant à des enseignants « utilisateurs fréquents » d’internet et des réseaux sociaux, donc, de fait, très exposés à l’information en provenance d’internet, ce qui n’est pas forcément le cas de tous les enseignants.