La symbiose : une interaction durable

La symbiose : une interaction durable

 La symbiose est définie comme étant une association intime et durable entre deux organismes appartenant à deux espèces différentes. On distingue deux grands types de symbioses : le parasitisme où l’un des partenaires tire profit de son associé et le mutualisme où chacun des partenaires bénéficie de l’association. Combes (2001) (Combes, 2001) propose 3 raisons à l’établissement d’une telle association : l’hôte constitue pour son symbiote un habitat, un moyen de dispersion et/ou une source d’énergie. Le maintien de cette association, qu’il s’agisse d’un parasitisme ou d’un mutualisme, dépend du bilan sélectif entre les coûts et les bénéfices s’appliquant à chacun des partenaires de l’association (Thompson, 1988). Ce type d’interaction diffère du système proie-prédateur dans le sens où la relation entre les partenaires associés s’inscrit dans la durée. La symbiose est qualifiée d’interaction durable dans la mesure où les génomes des partenaires cohabitent sur le long terme (Combes, 2001). Combes insiste sur l’importance de cette notion de durée qui implique de nombreuses conséquences sur l’évolution des partenaires. Premièrement, le génome du symbiote peut s’exprimer à travers le génome de l’hôte, on parle alors de phénotype étendu (Dawkins, 1982). Par exemple, les insectes galligènes manipulent la croissance des végétaux et induisent la formation de galles qui les protègent des agresseurs et constituent une source de nourriture. D’autre part, l’association de deux génomes peut conduire à une redondance des fonctions codées ; il est alors possible qu’une même information soit codée par les deux génomes associés. Si les mutations peuvent être délétères dans le cas d’organismes libres, elles ne le sont plus dans le cas d’une symbiose, ce qui induit une perte de l’expression d’un des gènes par la formation de pseudogènes ou d’une manière plus radicale, par la délétion d’un de ces gènes. Finalement, ces interactions durables peuvent avoir pour conséquence des transferts horizontaux de gènes entre les génomes du symbiote et de l’hôte. Les conséquences évolutives des symbioses sur les partenaires de l’association seront évoquées et illustrées par des exemples précis au cours de cette introduction. A-Symbioses et conséquences adaptatives Chapitre I 15 Les symbioses peuvent être classées en deux grandes catégories suivant le degré d’interdépendance entre le symbiote et son hôte : les symbioses obligatoires ou primaires et les symbioses facultatives ou secondaires. Les symbioses obligatoires Les symbioses obligatoires sont supposées être le résultat d’associations anciennes et spécialisées, transmises de manière verticale depuis le début de l’association. Ces symbioses sont apparues très tôt au cours de l’évolution ; l’âge de leur apparition variant de 270 à 30 millions d’années. Les partenaires impliqués dans ce type d’association partagent une histoire commune qui a marqué leur génome ainsi que leur physiologie (revue Dale and Moran, 2006). L’une des signatures les plus évidentes de ces associations, est la réduction du génome du symbiote. Chez le symbiote bactérien Buchnera aphidicola qui fournit son hôte, le puceron, en nutriments essentiels, la symbiose s’est accompagnée d’une perte de nombreuses fonctions relatives à la réplication ou au métabolisme (van Ham et al., 2003; Zientz et al., 2004). Ces réductions génomiques empêchent le retour du symbiote à un mode de vie libre et renforce ainsi le lien entre les partenaires. Ces associations sont, en outre marquées par l’existence d’organes spécialisés destinés à l’accueil du symbiote. Le bactériome, par exemple, est un tissu mis en place par l’hôte et réservé à l’accueil de symbiotes bactériens tels que Buchnera aphidicola chez le puceron ou Wigglesworthia glossinidia chez la mouche tsé tsé. Ces organes constituent de véritables signatures d’une coévolution établie entre le symbiote et son hôte et participent au maintien de la symbiose. Ces modifications génomiques et morphologiques contribuent à maintenir, voire à renforcer l’interdépendance entre les partenaires. Les signatures de cette interdépendance, se manifestent au niveau macroévolutif par une histoire évolutive commune, comme en témoignent de nombreux exemples de co-phylogénies (Chen et al., 1999; Daniela M. Takiya, 2006; Hosokawa et al., 2006) (voir encadré 1). Symbioses facultatives Contrairement aux symbioses obligatoires, les symbioses facultatives sont considérées comme récentes et impliquent des symbiotes dont la transmission n’est pas strictement verticale mais souvent horizontale. En outre, ces symbiotes ne sont pas essentiels du point de vue de l’hôte et ils ne sont jamais logés au niveau de tissus spécialisés tels que les bactériomes. Le terme de l’association impliquant ces symbiotes peut être bénéfique et conférer, par exemple, une protection contre les ennemis naturels (Oliver et al., 2003) ou être délétère comme c’est le cas des bactéries du genre Wolbachia qui envahissent la population hôte en manipulant sa (Werren et al., 2008). Le degré d’intimité qui unit le symbiote à so une autre et au sein même d’une association la natu dépendance peuvent évoluer dans le temps. La bactér symbiote facultatif et parasite de la reproduction c indispensable à l’ovogenèse chez la guêpe Encadré 1 Exemple d’une symbiose obl qui envahissent la population hôte en manipulant sa Le degré d’intimité qui unit le symbiote à son hôte est ainsi variable d’une association à une autre et au sein même d’une association la nature de la relation ainsi que le degré de dépendance peuvent évoluer dans le temps. La bactérie Wolbachia, en général décrite comme un asite de la reproduction chez les Arthropodes, est par exemple devenue indispensable à l’ovogenèse chez la guêpe Asobara tabida (Dedeine et al., 2001) Exemple d’une symbiose obligatoire entre un insecte et une bactérie. Chapitre I 16 qui envahissent la population hôte en manipulant sa reproduction n hôte est ainsi variable d’une association à re de la relation ainsi que le degré de , en général décrite comme un rthropodes, est par exemple devenue (Dedeine et al., 2001). 

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Symbiose et acquisition de nouvelles fonctions 

Les symbioses sont très répandues dans le monde vivant et ont joué un rôle majeur dans l’émergence des formes de vie et dans la diversification des organismes. L’illustration même du rôle majeur des symbioses dans l’évolution du vivant est l’apparition d’organites cellulaires tels que les mitochondries ou les chloroplastes à partir de cyanobactéries et d’alpha-protéobactéries respectivement. Ces symbioses, à l’origine de l’émergence des mécanismes de respiration et de photosynthèse dans le règne eucaryote, illustrent le rôle majeur de ces associations dans l’adaptation des espèces et leur radiation. Les symbioses sont aujourd’hui connues chez de nombreux organismes et sont très bien décrites chez les plantes et les insectes. Chez les plantes, les communautés bactériennes du sol ont largement participé à leur évolution et leur diversification, en fournissant des éléments essentiels à leur croissance. A titre d’exemple, en permettant la fixation de l’azote du sol, les bactéries symbiotiques ont contribué à l’évolution des plantes légumineuses qui sont aujourd’hui largement distribuées et occupent une grande partie des forêts tropicales (van der Heijden et al., 2008). Les champignons peuvent également entretenir des relations mutualistes avec les plantes. Il existe par exemple, un champignon mutualiste, présent chez les plantes des régions géothermales, qui confère à la plante hôte une thermo-tolérance (Redman et al., 2002). Récemment, une étude a montré que cette thermo-tolérance était liée à la présence d’un troisième partenaire associé aux champignons mutualistes ; un virus qui interviendrait dans la survie de la plante en détournant les produits oxydatifs libérés par le système de défense de la plante (Marquez et al., 2007). Cependant, la nature obligatoire ou facultative de la relation établie entre le champignon et le virus reste à être déterminée. Chez les insectes, les symbioses nutritionnelles qui impliquent des symbiotes bactériens ont fait l’objet de plusieurs études. Ces symbioses procurent à leur hôte les éléments nutritionnels essentiels et leur ont permis de diversifier leur habitat. Les symbiotes obligatoires, transmis de manière verticale, peuvent contribuer à la spécialisation de leur hôte, c’est le cas du symbiote associé à l’Hétéroptère du genre Megacopta dont le génotype détermine la capacité de son hôte à sa nourrir sur une plante donnée. Ces symbiotes peuvent de cette manière favoriser la diversification de leur hôte (Hosokawa et al., 2007). Au contraire, les symbiotes non spécifiques et transmis de manière horizontale, peuvent permettre d’élargir le spectre d’habitats de son hôte. Dans ce cas au lieu de favoriser la spécialisation de son hôte et contribuer à sa diversification, le symbiote va Chapitre I 18 homogénéiser la population hôte et jouer un rôle inhibiteur sur la radiation de celle-ci (Kikuchi et al., 2007; Russell and Moran, 2005). Les symbiotes bactériens peuvent également conférer à leur hôte insecte une protection contre les pathogènes. Par exemple, chez le puceron parasité par le parasitoïde Aphidius ervi, des symbiotes bactériens facultatifs permettent de réduire de manière significative le succès du parasitisme en contribuant à l’élimination des larves de parasitoïdes (Oliver et al., 2003). Inversement, des symbiotes viraux peuvent jouer un rôle essentiel dans le succès parasitaire de certains Hyménoptères. Ces virus, de type polydnavirus, sont injectés lors de l’oviposition dans l’hôte Lépidoptère au sein duquel l’expression des gènes viraux joue un rôle essentiel dans la dérégulation des fonctions physiologiques de l’hôte et assure ainsi le succès du parasitisme (Turnbull and Webb, 2002). Les organismes mutualistes sont ainsi impliqués dans différents fonctions biologiques et constituent de véritables innovations permettant à leur hôte de coloniser de nouveaux habitats. 

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