La survivance des pratiques cultuelles dans le Baol

Les croyances traditionnelles

La société Seereer en générale est régie par des croyances traditionnelles comme dans toutes les autres sociétés. À Ngoye, les croyances traditionnelles sont vécues avec de la foi et accompagnées d’exigences. Ces croyances sont régies par les institutions que les personnes majeures sont censées connaitre et respecter. Elles sont vécues au niveau de toutes les familles et dans toute la société de Ngoye. Elles se manifestent quotidiennement et périodiquement. En d’autres termes, les croyances traditionnelles sont pour l’essentiel axées sur les évènements familiaux comme la naissance, le baptême, le mariage, la circoncision et le tatouage. Il y a aussi d’autres évènements à caractères traditionnels qui se tiennent au niveau de la société de Ngoye, surtout à l’approche de l’hivernage. Il s’agit du « o miiss », du « khodan » et des « xoy » tous se tiennent au niveau des lieux de culte. Parmi les bonnes valeurs que le seereer s’est assignées figurent celles-ci : la vertu, la dignité, la confiance et le courage. Ces caractéristiques réunies faisaient que les seereer menaient une vie prospère sans beaucoup de contraintes. En d’autres termes, Modou Diouf rapporte ce témoignage de l’ancien Président Guinéen Sékou Touré, ce dernier soutenait que « parmi toutes les ethnies c’est seulement l’ethnie seereer qui tenait ses paroles ». Par ailleurs nous pouvons dire que ces attitudes morales et spirituelles du Seereer se sont forgées à partir des institutions traditionnelles, parmi lesquelles figurent les cérémonies familiales et les événements sociaux.

Les lieux de culte

Par définition, le culte est un hommage religieux rendu à la divinité ou à un saint personnage. Il est également une admiration mêlée de vénération, parfois d’adoration que l’on voue à quelqu’un ou à quelque chose. Le culte peut être aussi un attachement, un dévouement et un respect envers des personnages historiques.
Les lieux de culte peuvent être à la foi des tombeaux d’ancêtres ou bien des endroits où résident des esprits invisibles appelés « pangol ». Ces pangol peuvent élire domicile au niveau des arbres, ou des cours d’eau. Les « pangols » ne sont détectés que par des personnes détenant un savoir occulte. Leur site est sacralisé, car chargé d’énergie vitale et personnifiée.
Il devient de ce fait un lieu de culte. Selon Martin et Becker, « ces lieux de culte ne sont point des tombes mais plutôt des emplacements ou un ancêtre a découvert la présence d’un pangol et a commencé à faire des offrandes à celui-ci. ».
D’une autre manière le « pangol » peut réintégrer l’humain et lui imposer des charges. Henry Gravrand a évoqué les origines et les procédures par lesquelles le « pangol » réintègre l’humain. En fait « ce sont des ancêtres spiritualisés devenus pangols qui veulent vivre d’une manière très étroite avec des hommes ou des femmes de leur lignage. Ainsi, par « le lup », la société seereer va maitriser « le pangol » et le fixer à un lieu de culte ». C’est de là où le « yaal pangol » viendra implorer la bénédiction de ces « pangol », en cas de malheur ou d’autres besoins.

Les évènements traditionnels annuels

Ces évènements marquent la vie traditionnelle de toute la commune. Ils sont accompagnés de différents rites, des sacrifices d’animaux et rythmés en cela par des prières et des incantations. Tout le monde y participe en apportant son savoir et savoir-faire. Parmi ces évènements nous avons le « o missolé », «ngokh né battil», le « xoy » ou « o xoyo le » et le « o fil ole ».
« o miss olé » : C’est un évènement qui s’organise chaque année dans la zone de Pèye Ngoye. Il se tenait dans la première quinzaine du mois d’Avril, mais actuellement avec le changement du temps, il se tient entre Mai et Juin, à l’approche de l’hivernage. Différentes étapes le caractérisent, auparavant, il y a des signes qui dictent son arrivée.
Sett Gning Djaraff de Gallo Ngoye rapporte que «cet évènement se tient, au mois d’Avril, appelé en seereer « o nqool ndimb » qui correspond avec le début des travaux champêtres.
L’apparition de ce mois se fait par des signes annonciateurs. Quand ces derniers apparaissent, les sages du village de Battil informent ceux du village de Ndimb ensuite je suis informé, moi qui détiens le gobelet et c’est à mon tour d’informer les populations de Gallo Ngoye, en leur disant que: c’est le mois de Ndimb, d’après les signes que nous avons l’habitude de voir, alors on doit aller faire le « miss ». D’abord le « Miss » se tient à « khodane » dans le village de Ndimb un jour de Mercredi jusqu’au Jeudi. C’est une foule nombreuse composée de toutes catégories de personnes y compris les sages des villages et les Djaraf qui se dirigent étapes par étapes vers les endroits historiques. Ces endroits ne sont rien d’autres que les lieux de culte c’est-à-dire les arbres ou les places publiques que les ancêtres fréquentaient et priaient pour la paix, la prospérité et la cohésion» .
« Ngookh ne ngool » : « Ngookh né ngool » veux dire le taureau qui est sacrifié au lieu de culte du « Ngool né » se trouvant à Mbokhodane. Cela fait l’objet d’un évènement et a lieu au mois d’avril de chaque année.L’initiative de cet événement émane de la famille Ndonguène de Battal dont Boucar Ndong en est le responsable. C’est un sacrifice qui nécessite un taureau.
Au temps, les critères du taureau étaient définis d’avance (noir et grande taille entre autres) et quelqu’un était chargé de l’identifier quel que soit la localité où il se trouve et le propriétaire était obligé de le céder sinon l’animal mourra. De nos jours le taureau est acquis grâce aux contributions (obligatoires). Il est ensuite conduit dans une concession où il est gardé pendant un certain temps (une semaine selon certaines sources) avant d’être conduit au lieu du sacrifice. Pendant tout le temps qu’il demeure dans cette maison, aucun étranger n’y est admis et le wolof y est strictement interdit. Le jour du sacrifice, sur le chemin (Battil-Mbokhodane-lieu sacré), le taureau ne doit pas être détourné et tout obstacle doit être ôté pour lui laisser le passage. Sur place, les gens font le tour du « soop né »(le tamarinier) à Mbokhadane avant d’immoler le taureau et de prononcer des prières.
« o fil olé » : C’est un évènement qui a lieu, chaque année à l’approche de l’hivernage à Bary Ndondol. Il est également une occasion pour les populations de faire des visites aux lieux sacrés et d’y effectuer des libations et des prières pour implorer la bénédiction des ancêtres sur la paix, le bonheur et surtout un bon hivernage. L’évènement s’organise selon une hiérarchie. Wossy Sarr, un Saltigi de 58 ans rapporte que «c’est le grand saltigi du village qui préside cet évènement, les autres saltigi se plient à sa décision. D’un autre coté, il y a un personnage non saltigi du nom de Latyr Gning mais porte le titre de « Kumax ». Il est le coordonnateur du groupement des jeunes du village le jour de l’évènement et en même temps responsable du lieu de culte de « Soob unan »». « O Xoy ole » : Tous les évènements cités sont d’une grande importance, « O xoy ole » en demeure un autre pour la vie culturelle seereer. Il peut se tenir un peu partout dans les localités de la commune. Un se tient à Barry Ndondol comme cité plus haut, un autre s’organise chaque année à Angaale, mais cette année(2016) , d’après certaines sources , elle ne s’est pas tenue. Le « xoy » est animé par des personnes appelées « Saltigi » et dotées d’un savoir. Selon Baye Wossy Yatt, exerçant ce rôle : le « Saltigi » est un savant, « o mandag » (en seereer). Je l’ai hérité de mon père. À travers ses rêves, la nuit, le saltigi peut sauver un membre de sa famille ou un voisin du village d’un démon ou d’un sorcier, tout en déjouant les intentions de celui-ci ».
Le vocable saltigi est d’origine mandingue. Selon Henry Gravrant, « sal » signifie croisement de route et «tigi» un titre de chef. Les saltigi seraient des êtres humains qui remplissent une fonction officielle dans un territoire donné en matière de divination. C’est la raison pour laquelle ils sont assimilés à des supers madag c’est-à-dire des personnes qui ont pleins de pouvoirs divins dans la connaissance de ce qui s’est déjà produit et de ce qui va se produire. Le saltigi acquiert sa fonction non pas par élection mais plutôt par voie d’héritage.

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Les événements socio familials

Les évènements socio familials les plus remarqués sont le mariage et la circoncision que nous avons évoqués plus haut en montrant leurs aspects traditionnels.
Le mariage d’aujourd’hui à Ngoye n’est plus comme avant. Certaines pratiques sont mises en désuétude. En effet le rôle des parents qui consistait à analyser les liens de parenté n’est plus une priorité. Les visites inédites du jeune garçon à la jeune fille, deviennent négligeables. Celles-ci permettaient au prétendant d’avoir un aperçu sur les vertus de la jeune fille. En plus de cela, nous avons constaté que la nature de la dot était plus simple auparavant que maintenant. Elle se faisait sous forme de nature. En effet, l’homme offrait une génisse à la jeune fille et c’est cela qui garantissait le mariage. Mais aujourd’hui ce sont des sommes colossales d’argent environ 300.000 frcs cfa et l’équipement de la chambre qui sont privillégiés. Une autre négligeance plus importante demeure la virginité, celle-ci était trop prise en compte mais elle a tendance à perdre sa valeur. Par ailleurs nous comprenons que l’abandon de ces pratiques traditionnelles est due à l’influence de la modernité et de l’islam. Cependant en dépit de tout de cela, des rites continuent d’être respectés au sein du mariage. Parmi eux, il y a les « ass » (recommandations) faites à la jeune fille au moment de son départ pour rejoindre sa maison sconjugale. A son arrivée, avant sa descente, des coutumes sont versées aux femmes du village qui l’accueillent. Il sagit du « lolambe », le « gnatibalama ». Ensuite, la nouvelle mariée est acceuillie par cette danse traditionnelle qu’est le « magne ». Après être installée au sol, les femmes lui font le rite du « a nittale », au cours duquel la nouvelle mariée fait ses ablutions. A la suite de ces pratiques, elle est conduite dans la chambre de son « pethiargo » (la femme du frère de son mari) et la cérémonie continue.

Les identités lignagères à partir des coutumes

De nos jours beaucoup d’individus ignorent l’origine de leur ascendance. Ils ne savent pas les coutumes et mœurs de leur famille. Les comportements changent sous l’influence de la culture extérieure. Sous ce rapport des mécanismes sont à élaborer afin de canaliser les égarés et de leur inculquer leurs valeurs traditionnelles.
Au cours de nos enquêtes, nous avions ressorti les coutumes et leurs modes de transmission. Ces aspects culturels sont, entre autres, les « Timm » (les interdits), l’« arbre à palabre » appelé « Mbaar ne » en Seereer et les « tours de famille ».
Selon Abdou Sarr, les interdits ou « Timm » en seereer, sont des pratiques culturelles qui se font dans des familles surtout à l’occasion d’un baptême, d’un mariage ou d’une circoncision. Ces pratiques s’adoptent, car étant synonyme d’un bonheur et d’une longévité dans la famille. C’est ce qui fait qu’elles se renouvèlent à chaque circonstance. Par ailleurs, les « Timm » diffèrent selon les familles. Certaines ne tuent pas de moutons ni de chèvres à l’occasion d’un baptême, il se pourrait que cela ne soit pas de bon augure pour la survie de l’enfant. Les coiffures aussi diffèrent selon les familles. Par exemple, pour la famille « Sarr », dès la naissance jusqu’à l’âge de la puberté, le crâne est rasé en entier, ceci est valable pour le garçon et la fille. Il y a des familles qui adoptent le mode d’un trait de cheveu allant du front jusqu’à la nuque après avoir rasé le reste du crâne, tandis que d’autres laissent une touffe de cheveux au milieu du crâne.
Ces coutumes donnent plus de sens à la culture traditionnelle dans la mesure où elles constituent un repère aux individus et les permettent de se retrouver. Des critères d’identification s’observent pour ce qui est du « Ndut », Tous les « Njuli » n’ont pas les mêmes couleurs de boubou. Chaque famille reste fidèle à la couleur qu’elle a hérité depuis ses ancêtres. Ibrahima Ngom, révèle qu’ « il y a la couleur noire, blanche, et jaune. Ce sont les familles « Dione » et « Ngom » qui mettent les boubous de couleur jaune.
Les familles « Ndiaye » portent des cafetan de couleur blanche, les familles « Diouf » et « Sarr » privilégient la couleur « Noire ». Ces différentes couleurs permettent de faire une distinction entre les familles. »

Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIÈRE PARTIE :ÉTUDE PHYSIQUE ET HUMAINE DE LA COMMUNE DE NGOYE
CHAPITRE I :LES CARACTERISTIQUES PHYSIQUES 
I .Position géographique
II.Le Relief et les Sols
III. Le climat
IV : La végétation
CHAPITRE II :ETUDES DEMOGRAPHIQUES ET ECONOMIQUES DE LA COMMUNE DE NGOYE
I. Légende et étude des populations
1. La Légende
2. La Population
II. Etude économique
1. L’Agriculture
2. L’élevage
3. L’artisanat
DEUXIÈME PARTIE : HISTOIRIQUE DU BAOL : DU XVIIème AU XIXème SIÈCLE 
CHAPITRE I :NGOYE AVANT LA COLONISATION 
I. Les origines et l’organisation de la Société
1. Les origines
2. L’organisation de la société
A. Les institutions politiques traditionnelles
a. le Lamane
b. Le Roi
c.Le Djaraf
B.La famille
II. Les croyances traditionnelles
1. Les cérémonies familiales
a)De la naissance au Baptême
b) Le mariage
2. Les cérémonies initiatiques.
a)La circoncision
a.1 Les Préparatifs
a.2 L’opération proprement dite
a.3 Le « ndut »
b. Le « ndut » féminin
CHAPITRE II :LES CONSÉQUENCES DE LA TRAITE NEGRIÈRE ET DE LA COLONISATION 
I.Les conséquences sur le plan social et économique
II. Les conséquences sur le plan politique et culturel
TROISIEME PARTIE :LA RÉSURGENCE DES PRATIQUES TRADITIONNELLES
CHAPITRE I :LES CROYANCES TRADITIONNELLES 
I.Les lieux de culte et les évènements traditionnels annuels
1.Les lieux de culte
a.) Quelques lieux de cultes au village de Séssène
b) « Samba Niane/ Sakoura Badiane » de Gallo Ngoye
c) « Njiok Sakh » à Angaale
d) « Soob unan » à Barry Ndondol
e) « Ndiff ne » à Angaale
f) Le site de « Polto »
g) « Ngool ne »
2) Les évènements traditionnels annuels
a) « o miss olé »
b) « Ngookh ne ngool »
c) « o fil olé »
d) « O Xoy ole »
3) Les événements socio familials
II.Les identités lignagères à partir des coutumes
CHAPITRE II :LES FONCTIONS DES PRATIQUES TRADITIONNELLES ET LEUR RAPPORT AVEC L’ISLAM ET LE CHRISTIANISME 
I.Les fonctions des pratiques traditionnelles
II. Le Rapport des Pratiques traditionnelles avec les religions révélées (l’islam et le christianisme)
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES 
BIBLIOGRAPHIE 

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