La surface de Mars, une surface d’origine volcanique
Les principales caractéristiques de Mars
Mars est la 4ème planète du système solaire, soit la dernière planète tellurique. Située entre l’orbite de la Terre et la ceinture principale d’astéroïdes, elle se déplace autour du soleil sur une orbite d’excentricité 0.093, nettement supérieure à celle de la Terre (qui est de seulement 0.017). Sa distance moyenne au soleil est de 1.5 AU soit 228.106 km, ce qui engendre un flux solaire incident 2.5 fois plus faible qu’à la surface de la Terre. Le jour solaire martien est de 24 h 39 min 35s. L’année martienne est de 669 jours martiens, ce qui correspond à 687 jours terrestres, soit presque 2 années terrestres. Son obliquité, qui représente l’inclinaison de son axe de rotation par rapport à l’écliptique, vaut actuellement près de 25° ce qui est du même ordre que celle de la Terre (23.45°). Cela lui procure des saisons qui sont toutefois plus marquées que celle que nous connaissons du fait de la grande excentricité de l’orbite de Mars. Cette obliquité aurait pu varier dans le passé et atteindre jusqu’à 60° [Laskar et al., 2004], comme l’atteste la présence d’anciens glaciers à l’équateur [Haberle et al., 2006]. Ceci s’explique par la taille de Phobos et Deimos, les deux satellites de Mars, qui n’est pas assez importante pour stabiliser l’obliquité de Mars contrairement à celle de la Lune qui stabilise l’obliquité de la Terre. Pour se repérer de manière simple dans l’année martienne, on utilise la longitude solaire (Ls), grandeur définie par l’angle exprimé en degré entre l’axe soleil-Mars à l’équinoxe de printemps pour l’hémisphère nord et l’axe soleil-Mars instantané. L’année martienne vaut donc 360° et chaque saison 90°comme l’illustre la Figure 1 Le rayon équatorial de Mars de seulement 3396 kilomètres, soit à peine deux fois plus grand que celui de la Lune et moitié moins grand que celui de la Terre, fait de Mars une « anomalie » du système solaire. En effet, de par sa position de 4ème, les modèles de formation montrent que Mars devrait être te taille égale ou plus grande que la Terre. Une explication à sa petite taille serait la migration des planètes géantes qui aurait expulsé loin dans le système solaire les astéroïdes présents sur l’orbite de Mars et initialement destinés à sa formation [Walsh et al., 2011]. La densité de Mars est de 3.93g.cm-3 ce qui lui procure une masse dix fois plus petite que celle de la Terre et une gravité de surface de 3.72 m.s-2, soit 0.38 fois celle de la Terre. Bien qu’il soit aujourd’hui envisagé que l’atmosphère de Mars ait pu être plus importante dans le passé, Mars ne possède actuellement qu’une atmosphère ténue dont la pression moyenne à la surface vaut environ 6 mbar contre environ 1bar pour la Terre et 93 bars pour Vénus. Cette faible pression atmosphérique ne permet pas à Mars de maintenir un effet de serre important, il existe donc un grand gradient de température entre le jour et la nuit, et entre les différentes saisons, avec des températures de surface qui s’échelonnent entre -133°C, valeur minimale aux pôles de nuit, et 27°C, valeur maximale atteinte à l’équateur en été de jour. Cette atmosphère est composée à 95% de CO2, 3% d’azote, 1.6% d’argon, 0.1 % d’oxygène et des traces d’autres gaz comme la vapeur d’eau. Le CO2 et la vapeur d’eau, vont au cours des saisons se condenser pour former des nuages ou se déposer pour former des dépôts de glace aux hautes latitudes et essentiellement aux pôles où elles vont former des grandes calottes polaires saisonnières pendant l’hiver de chaque hémisphère. L’atmosphère martienne contient aussi un grand nombre de petites particules de poussières en suspension appelées aérosols dont la quantité dans l’atmosphère varie au cours des saisons et des années et peut former de grandes tempêtes globales de poussière qui peuvent perdurer pendant plusieurs mois. En l’absence de données sismiques, la structure interne de Mars est très peu contrainte et dépend beaucoup du modèle utilisé. Cependant, son facteur de moment d’inertie I/MR2 qui dépend de la répartition des masses dans la planète a été estimé à 0.3650±0.0012, ce qui correspond à une valeur intermédiaire entre celle de la Lune (0.394) et celle de la Terre (0.33) [Yoder et al. , 2003]. Ce moment d’inertie est en accord avec une planète différenciée composée d’un important noyau riche en Fer ainsi que d’un manteau et d’une croûte silicatée dont les détails seront donnés dans la suite (section 1.2) (Figure 2). Cependant, le fait que ce facteur de moment d’inertie soit plus important que celui de la Terre suggère une différenciation moindre entrainant une plus faible concentration des matériaux lourds dans le noyau et donc un manteau primitif martien plus riche en Fer et plus dense et /ou proportionnellement plus grand que celui de la Terre. Ceci est en accord avec la densité du noyau martien estimé vers 3.55 g.cm-3 comparé à une densité de 3.34 g.cm-3 pour la Terre ainsi que par le rayon du noyau de 19 1600±200 km, soit environ 9% du volume martien contre 16% pour le noyau terrestre [Fei and Bertka, 2005, Bertka and Fei, 1998b, Taylor and McLennan, 2009]. La grande teneur en Fer du noyau a été confirmée par l’analyse des météorites martiennes [Dreibus and Wänke, 1985 , Wänke and Dreibus, 1988], ainsi que par la composition chimique de la surface dérivée des données GRS [Taylor et al., 2006] (voir section 1.2.2.3), qui suggèrent des concentrations absolues en Fe0 de 18% pour le manteau martien contre seulement 7.8% pour la Terre. Des expériences et modélisations récentes ont cependant suggéré que le magma source des météorites martiennes pourrait avoir des concentrations en FeO légèrement plus faibles (12- 14%), mais toujours en accord avec le moment d’inertie [ Borg and Draper, 2003 ; Agee and Draper, 2004 ]. Il en va de même des données in situ acquises par les rovers qui montrent des concentrations en fer plus faibles que celles dérivées des données GRS sur leur lieu d’atterrissage [Karunatillake et al., 2007].
La structure et la composition de la croûte martienne
La structure de la croûte
Mars possède une croûte volumineuse avec une épaisseur moyenne de 50 km et comprenant plus de 4% du volume de la planète [McSween Jr., 2003, Zuber et al., 2000]. 21 L’un des aspects les plus frappants de la physiographie martienne, mit en évidence par l’altimètre laser MOLA à bord de la sonde MGS (annexe 2), est la dichotomie globale qui sépare les terrains du sud, plus élevés (2 km) et plus cratérisés « les Highlands », des plaines du nord plus basses en altitude (-4 km) et qui semblent beaucoup plus lisses « les Lowlands » (Figure 3A). Cette dichotomie se retrouve en partie au niveau de l’épaisseur de la croûte qui fait en moyenne 60 km sous l’hémisphère sud et seulement 30 km sous l’hémisphère nord (Figure 3B) [Neumann et al., 2004 ; Zuber et al., 2000]. De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer la présence de cette dichotomie, et deux sont encore débattues : (1) cette dichotomie pourrait s’être formée naturellement pendant la formation de la croûte martienne à partir de la cristallisation d’un océan de magma puis d’un « overturn » (voir section 1.3.2, Elkins-Tanton et al., 2005a), ou grâce à des processus de convection dans le manteau qui auraient modifié l’épaisseur de la croûte plus tard, en l’augmentant dans les zones ascendantes et la diminuant dans les zones descendantes [Solomon et al., 2005] ; (2) la croûte aurait pu être arrachée dans l’hémisphère nord par un ou plusieurs impacts géants [Frey and Shultz, 1988 ; Nimmo et al., 2008]. Dans tous les cas, les données indiquent que cette dichotomie est apparue très tôt dans l’évolution géologique de la planète [Watters et al., 2007]. Figure 3. A. Carte topographique de Mars obtenue avec l’altimètre MOLA à bord de Mars Global Surveyor (MGS) qui permet de mesurer la topographie martienne avec une précision verticale inférieure ou égale au mètre. B. Épaisseur de la croûte martienne obtenue à partir des données topographiques et gravitométriques. La dichotomie globale est représentée avec un trait rouge, les parties en pointillés sont celles qui ont été estimées [Zuber et al., 2000]. La région des plaines du nord semble montrer une géologie complexe que les données morphologiques, topographiques, radars et minéralogiques obtenus par les divers instruments ont du mal à contraindre . Leur aspect lisse a longtemps été attribué à la présence d’une grande quantité de sédiments qui pourrait avoir été formée par la présence d’un « océan » dans cette région [e.g. Baker et al., 1991]. Cependant, des analyses morphologiques plus récentes ont suggéré que cet aspect lisse puisse être en partie dû au remplissage d’une grande partie des plaines du nord par des laves durant le début de l’Hespérien [Head et al., 2002], remettant en cause la quantité et l’origine des sédiments observés dans cette région. Ces sédiments pourraient alors inclure des laves transformées en régolite, des cendres volcaniques, de la poussière, auxquels se seraient ajoutés des sédiments drainés par les chenaux observés dans la région de Chryse Planitia et des dépôts périglaciaires [Head et al., 2002, Catling et al., 2012]. Ces régions ont également été modifiées par les effets des variations climatiques qui ont eu lieu après leur formation. Entre les hauts terrains du sud et les plaines du nord s’étend à l’ouest l’imposant dôme de Tharsis qui recouvre environ 25% de la surface de la planète [Solomon et al., 2005]. Ce dernier qui fait plus de 10 km de hauteur regroupe plusieurs des plus gros volcans de Mars dont Olympus Mons, volcan géant de plus de 20km, et a été le lieu d’un volcanisme intense pendant des milliards d’années. La croûte sous Tharsis est la plus épaisse de la planète et est estimée à plus de 80 km d’épaisseur [Zuber et al., 2000]. Tharsis n’est pas la seule province volcanique de Mars. La province d’Elysium à l’est regroupe aussi plusieurs grands volcans, et des pateraes sont présentes au bord des grands basins dans l’hémisphère sud (Syrtis Major, Hesperia et Malea Planum) (Figure 4). De plus, des étendues de laves sont observées dans certaines zones réduites des terrains de l’hémisphère sud (Figure 4) (voir section 1.3.3). À l’Est de Tharsis et à proximité de l’équateur s’étend un gigantesque canyon qui s’étend sur près de 3500 km de long et 300 km de large : Valles Marineris. Sa profondeur de 7 km en moyenne en fait la cicatrice la plus profonde à la surface de Mars, et révèle une gigantesque coupe naturelle dans la croûte martienne [Witbeck et al., 1991, Lucchitta et al., 1992]. Ce canyon aurait été formé par extension, en réponse au bombement de la croûte créé par le poids de Tharsis [Scott et Tanaka, 1986 ; Schultz, 1998].
Composition de la surface de Mars
Si la morphologie et la géologie sont des caractéristiques importantes pour comprendre la formation et l’évolution des structures présentes à la surface de Mars, leur composition l’est tout autant. Elle peut permettre par exemple de différencier une roche sédimentaire d’une roche volcanique, un magma primitif d’un magma évoluer, ou encore une altération acqueuse d’une altération non-acqueuse. L’étude de cette composition et de son évolution au niveau des terrains martiens permettra de mieux comprendre, d’une part les processus présents à la surface et sous la surface de Mars, et d’autre part leurs évolutions au cours de son histoire. Il existe plusieurs moyens d’obtenir des données sur la composition de la surface de mars : (1) l’analyse des météorites martiennes, (2) l’analyse in-situ des roches martiennes grâce aux atterrisseurs et rovers, (3) l’analyse de la surface de Mars depuis l’orbite grâce aux instruments à bord des sondes spatiales. Ces trois types de données sont complémentaires et permettent d’obtenir des informations depuis l’échelle microscopique jusqu’à l’échelle globale.
Les météorites martiennes, échantillons de Mars mais lesquels ?
Mars est une des rares planètes pour laquelle nous avons des échantillons de sa surface qui peuvent être étudiées en détail grâce aux instruments et techniques sophistiqués sont nous disposons sur Terre. À l’heure actuelle, une soixantaine de météorites martiennes, probablement issues de 4 à 7 impacts récents, ont été découvertes et identifiées. La provenance martienne de ces météorites est maintenant reconnue par toute la communauté scientifique, en particulier à cause de la similarité entre la composition isotopique des petites bulles de gaz retenues dans leur verre et celles de l’atmosphère martienne [Bogard and Jonhson 1983 ; Bogard et al., 1984 ; Treiman et al., 2000]. Cet argument est appuyé par l’âge des différentes météorites qui s’étend d’un âge supérieur à 4Ga pour la plus vieille à quelques centaines de millions d’années pour les plus jeunes, suggérant un corps parent avec une activité géologique s’étendant sur plusieurs milliards d’années. De même, la composition chimique d’un certain type de ces météorites, les shergottites, est similaire à celles obtenues à partir des mesures in situ pour le sol et la roche martienne (voir section 1.2.2.2). Ces météorites, montrant une composition minérale allant de basaltique à ultramafique, forment 3 grandes familles : les Shergottites, les Nakhlites et les Chassignites, du nom des trois premiers lieux où ont les a trouvées et portent le nom de SNC. À ces 3 familles s’ajoute la météorite ALH84001 qui n’est pas classée. Les shergottites sont les météorites martiennes les plus nombreuses. Elles sont principalement composées de clinopyroxène (augite (HCP) et pigeonite (LCP)), de plagioclase (maskelynite, plagioclase choqué) et d’olivine. Ces minéraux vont prendre des concentrations variables pour former 3 sous-groupes de shergottites: les shergottites basaltiques qui sont composées principalement de pyroxène (43-70%) et de plagioclases (22-48%), avec pour certaine un petit pourcentage d’olivine (1-5%); les shergottites riches en olivine qui ont une concentration plus élevée en olivine (7-29%) ; et les shergottites lherzolitiques ou peridoditiques qui présentent des cumulas d’olivine (40-60%) et très peu de plagioclases (<10%). Les Nakhlites sont composées de clinopyroxène (augite) (69-85%) et d’olivine riche en Fer (5-20%). Ces minéraux sont assemblés en cumulats, suggérant une cristallisation lente, peut-être en profondeur ou dans une coulée épaisse. Leurs caractéristiques voisines suggèrent qu’elles pourraient toutes provenir d’un même magma source.