La surconsommation et mésusage du paracétamol en France
LE PARACETAMOL
La Molécule
Historique/Classification
Comme la très connue Pénicilline, la découverte des effets du Paracétamol est le fruit d’un pur hasard, l’histoire de deux médecins Strasbourgeois en 1886 ayant bénéficiés d’une erreur de commande et qui ont reçu à la place du naphtalène dont ils testaient les effets antiparasitaires, un colorant très utilisé à ce moment-là : l’aniline et notamment un de ses dérivés : l’acétanilide dont ils découvrent rapidement les effets antipyrétiques. (5) Après plusieurs essais cliniques et améliorations pharmacologiques, le N-acétyl-p-aminophénol (acétaminophène) prend forme pour devenir la molécule définitive du Paracétamol que l’on connait aujourd’hui. Elle fut commercialisée des années plus tard dès 1955 en Amérique du Nord, en France dès 1957 en association dans l’Algotropyl® (avec un anti-histaminique) et enfin seule dans le Doliprane® en 1964. (6) Sa montée en puissance parmi les antalgiques s’effectue en plusieurs phases mais on peut notamment relever deux périodes importantes : – Début des années 1960, une augmentation significative d’ulcères et d’hémorragies gastrointestinales met en cause la consommation d’acide acétylsalicylique et d’autres antiinflammatoires non stéroïdiens. (7) – Années 1995 et 1996 où suite à une étude américaine, la France émet une corrélation entre la prise d’acide acétylsalicylique et le syndrome de Reye chez les enfants et les jeunes adultes âgés de moins de 20 ans permettant au Paracétamol de devenir l’antipyrétique et l’antalgique de référence dans ces populations.
Indication
Le paracétamol est classé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme un antipyrétique et un antalgique de palier 1, ceux-ci étant indiqués dans le traitement symptomatique de la douleur légère à modérée. Contrairement aux autres antalgiques de même palier, le paracétamol est régulièrement recommandé par les autorités de santé française pour son utilisation en première intention sur la douleur et/ou la fièvre à tous les âges, du nourrisson à la personne âgée (9) et étant également l’antalgique et l’antipyrétique de première intention pour les femmes enceintes ou allaitantes. (10) Le dernier communiqué en date par l’ANSM (L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) dans un décret d’information du 20/05/2020 est un rappel aux patients et aux professionnels de santé «de privilégier l’utilisation du paracétamol en cas de douleur et/ou de fièvre, notamment dans un contexte d’infection courante comme une angine, une rhinopharyngite, une otite, une toux, une infection pulmonaire, une lésion cutanée ou la varicelle, en particulier en automédication. » (9), ces pathologies représentant une part importante des venues spontanées à la pharmacie faisant apparaitre le paracétamol comme la molécule par défaut pour beaucoup de symptômes. Figure 1 : Tableau décisionnel de la douleur aiguë chez l’enfant (11) 8 Figure 2: Tableau décisionnel de la fièvre chez l’enfant
Mécanisme d’action
D’après le Vidal et le résumé de caractéristiques du produit (RCP), la pharmacodynamie du paracétamol est définie simplement par « un mécanisme d’action centrale et périphérique ». En vérité le mécanisme précis du paracétamol est encore un mystère même plus de 100 ans après sa découverte mais quelques pistes sont avancées : Comme pour les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’aspirine, l’action viendrait de l’inhibition de la synthèse des prostaglandines, messagers de la douleur dans le corps humain via le système nerveux central. Mais alors comment expliquer sa meilleure tolérance par rapport à ces autres d’antalgiques ? 9 Plusieurs hypothèses sont en exploration, mais celle la plus souvent évoquée serait l’existence d’un troisième isoenzyme « COX3 »(13) qui serait une autre alternative à l’inhibition de l’acide arachidonique. En effet celui-ci serait bien plus spécifique à la voie centrale et permettrait d’éviter les effets indésirables dû à l’inhibition de la voie périphérique de la COX1 et ses effets secondaires connues tels que les ulcères gastro-duodénaux ou l’insuffisance rénale. Figure 3: Mécanisme d’action de la douleur(14)
Pharmacocinétique
Absorption : • Par voie orale, la concentration dans le sang maximale du paracétamol est atteinte en moyenne entre 30 à 60 minutes après ingestion pour les formes comprimé, gélule, poudre et 15 minutes pour la forme effervescente. 10 • Par voie rectale, son absorption est plus lente, la concentration maximale est atteinte seulement 2 à 3 heures après administration. Distribution : Diffusion rapide dans tous les tissus permettant une action rapide peu importe la zone de la douleur. La liaison aux protéines plasmatiques est faible. Biotransformation : Métabolisation essentiellement hépatique, notamment via deux voies majeures et une mineure : – Voies majeures avec la glycuroconjugaison (représentant 60% de la métabolisation totale) et la sulfoconjugaison (35%) qui, par ajout respectif de groupements glucoronides et sulfates va transformer le paracétamol en métabolites inactifs solubles. Ces voies sont rapidement saturables si l’on dépasse les doses thérapeutiques. – Une voie mineure, catalysée par le cytochrome P450 (5%), via la formation d’un intermédiaire réactif : le N-acétyl benzoquinone imine (NAPQI) qui sera ensuite détoxifié par le glutathion réduit et enfin éliminé dans les urines après conjugaison à la cystéine et à l’acide mercaptopurique. C’est ce métabolite (NAPQI) qui sera responsable des effets hépatiques du surdosage lors de la saturation des voies majeures (voir partie surdosage).
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