LA SPECTROSCOPIE INFRAROUGE : CARACTERISATION ET BASE DE DONNEES
Le principe de base de la spectrométrie repose sur la mesure de l’interaction entre un rayonnement électromagnétique et la matière à différentes fréquences. Elle permet d’obtenir des informations cristallochimiques sur la matière à partir de son interaction avec le rayonnement incident. Selon la fréquence de ce rayonnement (ultraviolet, visible, infrarouge…), l’interaction matièrerayonnement concerne divers types de niveaux d’énergie de la matière. Dans cette étude nous nous intéressons plus spécifiquement à la gamme de longueurs d’ondes de l’infrarouge. Un bref rappel des notions générales est fait, avant de présenter les approches utilisées pour l’enregistrement des spectres infrarouges aux différentes échelles d’analyse. Sont ensuite présentées les applications de ces techniques à la caractérisation des argiles, ainsi que les différents échantillons que nous avons étudiés en laboratoire, sur le terrain et par imagerie multispectrale. Les matériels utilisés dans cette thèse et les limites associées à chaque échelle d’analyse sont décrits. La diffraction des rayons X ainsi que des données de chimie ont constitué des données de référence et sont également présentées dans ce chapitre.
THEORIE DU RAYONNEMENT ELECTROMAGNETIQUE
Le principe de la spectrométrie infrarouge a été souvent détaillé (King P.L. 2004; Roy 2007). Le rayonnement infrarouge (IR) est une radiation de nature électromagnétique, correspondant à la partie du spectre comprise entre 12 800 cm-1 et 10 cm-1 (0.78 à 1000 µm). La figure II-1 présente la partie du spectre électromagnétique correspondant à l’infrarouge. La fenêtre spectrale de l’IR, se décompose habituellement en 3 parties : le proche, le moyen et le lointain IR. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la région du proche (PIR) et du moyen infrarouge (MIR), qui s’étendent respectivement de 12 800 à 4000 cm-1 (0.78 à 2.5 µm) et de 4000 à 400 cm-1 (2.5µm à 25 µm). Dans ce manuscrit, nous utiliserons indifféremment la périodicité spatiale (longueur d’onde ) ou la périodicité temporelle (fréquence ) pour caractériser les ondes. Les différents instruments généralement utilisés en spectrométrie de laboratoire couvrent les domaines du PIR (0.78 à 2.5 µm) et du MIR (2.5µm à 25 µm), tandis que la spectrométrie spatiale (spectrométrie de terrain et télédétection) couvre le visible et le proche infrarouge (VNIR = 25 000 à 7000 cm-1 soit 0.4 à 1.4 µm), l’infrarouge à courte longueur d’onde (SWIR= 7000 à 4000 cm-1 soit 1.4 à 2.5 µm) et pour certains capteurs, l’infrarouge thermique ( TIR = 1000 à 700 cm-1 soit 10 à 14 µm). Les subdivisions différentes du domaine infrarouge suivant le champ de recherche sont principalement liées aux caractéristiques des spectromètres utilisés. D’autre part l’unité spectrale diffère suivant ces champs de recherche. Généralement, la minéralogie utilise les nombres d’onde (cm-1) alors que la télédétection utilise les longueurs d’ondes (µm ou nm). Figure II-1: Les grands domaines spectraux du rayonnement électromagnétique avec un focus sur le domaine de l’infrarouge. Les équivalences entre les échelles des longueurs d’onde et des nombres d’onde sont présentées. L’examen de cette vaste gamme de longueurs d’ondes permet l’accès à une multitude de propriétés physiques et chimiques des matériaux observés. En effet, l’intensité du rayonnement incident étant connue, la mesure de l’intensité du rayonnement transmis, diffusé ou réfléchi, chargé d’information sur la matière exposée au rayonnement est possible. Une application de la spectrométrie est l’analyse de la cristallochimie des matériaux. Elle passe par la compréhension des bandes d’absorptions attribuables aux différentes propriétés physiques et chimiques de la matière. Elles peuvent donc être utilisées pour aider à l’identification des différents minéraux qui constituent ces matériaux.
Origines des bandes d’absorption
Le principe de base de la spectrométrie repose sur la mesure de l’interaction entre un rayonnement électromagnétique et la matière à différentes fréquences. L’objet de ce paragraphe est d’expliciter cette relation entre la matière et le rayonnement, qui véhicule une énergie liée à sa fréquence, de manière à permettre une meilleure compréhension des traitements et des analyses réalisés dans cette étude. Une description complète des processus synthétisés dans cette partie et appliqués à des domaines similaires à ceux de notre étude (géochimie et télédétection) existe dans l’ouvrage de King (2004) ainsi que dans l’article de (Hunt 1977). Lorsqu’une molécule est irradiée par un rayonnement IR, elle peut absorber partiellement et sélectivement ce rayonnement et ainsi passer d’un état d’énergie E1 vers l’état d’énergie supérieur E2. Dans le cas de la spectroscopie infrarouge, le rayonnement incident entraine une modification de l’énergie vibrationnelle et rotationnelle de la molécule. Comme les liaisons des molécules ne sont pas parfaitement élastiques, les liaisons chimiques qui la composent doivent être considérées comme des oscillateurs anharmoniques (figure II-2). En effet, l’excitation des harmoniques supérieures demande, progressivement, de moins en moins d’énergie supplémentaire et conduit à la dissociation de la molécule. On observe donc un rapprochement des niveaux vibrationnels quand l’énergie augmente. Ils ne sont donc plus équidistants comme dans le cas de l’oscillateur harmonique et la première harmonique a une fréquence qui est légèrement inférieure à deux fois la fondamentale. Ainsi, lorsqu’une liaison oscille à la même fréquence que la composante électrique de l’onde IR, celle-ci transmet son énergie à la liaison. Plus précisément, un rayonnement de fréquence donnée étant absorbé il conduit à l’état excité, caractérisé par une amplitude de vibration plus élevée. De ce fait, l’énergie du rayonnement IR se retrouve diminuée après l’interaction, ce qui conduit à l’apparition d’une bande d’absorption à cette fréquence. L’énergie absorbée (o) est donc caractéristique de chacune des liaisons chimiques du minéral analysé. Notons que s’il n’y a pas de dipôle permanent, c’est-à-dire si les charges électriques sont parfaitement symétriques, il n’y aura pas de couplage possible avec l’onde électromagnétique. Il n’y aura donc aucune absorption d’énergie (c’est le cas par exemple pour la molécule de KBr, généralement utilisée pour diluer les échantillons dans les méthodes de transmission). Les molécules non polaires sont « transparentes » dans l’IR, on parle de transition inactive. Une transition active possède donc nécessairement un dipôle dont le module fluctue avec la distance interatomique.
I. CHAPITRE 1 : INTRODUCTION ET CONTEXTE D’ETUDE |