La société civile face aux projets d’aménagements électriques De la contestation à la concertation

La société civile face aux projets d’aménagements électriques De la contestation à la concertation

Eléments de méthodologie et de contextualisation

La chronologie présentée dans ce chapitre prend appui sur une importante documentation que nous avons récupérée ainsi que sur la parole des différents protagonistes que nous avons pu rencontrer. Soucieux de ne pas alourdir la lecture, nous avons fait le choix de ne pas reproduire littéralement leurs propos en privilégiant une forme plus narrative. L’enjeu d’une telle description chronologique est de donner à voir les éléments de contexte et les processus dynamiques qu’ils ont induit, afin d’éviter autant que possible une surinterprétation rétrodictive des faits. De manière occasionnelle, certaines formules significatives ont toutefois été reprises sans que leurs auteurs ne soient précisément identifiés, non par souci d’anonymat (aucunement demandé par les personnes rencontrées) mais afin d’éviter une trop forte personnalisation de certains acteurs prépondérants de la mobilisation. Enfin, il est nécessaire de préciser au lecteur que de nombreux passages de ce travail ont déjà donné lieu à discussion, aussi bien dans un cadre académique2 que dans un cadre plus informel avec certaines des parties prenantes évoquées dans ce chapitre. Relevant d’un processus de reconstitution a posteriori d’une controverse que nous n’avons pas pu suivre par nous-mêmes, le produit de notre recherche n’est certainement pas exempt d’erreurs tant factuelles qu’interprétatives. Cependant, cette approche narrative ne s’en trouve pas pour autant invalidée dans la mesure où elle s’appuie, comme beaucoup d’études centrées sur le temps présent, sur un matériau déclaratif dont la teneur peut toujours être mis en doute. En effet, qu’il s’agisse du récit historique d’une controverse ou d’un entretien sur une situation contemporaine, rien ne permet de démêler objectivement la légende de la vérité et la mise en scène de la réalité. Il convient donc d’appréhender ce chapitre avec la même distance qu’on le fera à l’égard des deux suivants, plus orientés sur le temps présent. cf. Annexe 11), une population rurale et vieillissante3 , ce territoire se révèle en ce sens bien différent du reste de la France. On serait donc tenté de penser que cela tend à décourager ipso facto toute velléité de transposition de notre analyse à l’échelle nationale. En effet, il paraît difficile d’opérer une comparaison entre ces deux réalités, tant elles semblent distinctes. Cependant, même si les spécificités démographiques du Lot contribuent à singulariser ce département, elles n’en font pas pour autant un cas résolument à part. C’est pourquoi, refusant de percevoir ce territoire comme s’il s’agissait d’une île lointaine coupée du reste de la société métropolitaine, nous nous attacherons a contrario à l’appréhender (de manière ambitieuse mais réaliste) comme une composante à part entière de ce qui constitue la réalité sociale mosaïque de la France. D’autant qu’il ne s’agit pas (dans la perspective qui nous intéresse) de trouver un territoire emblématique à l’aune duquel il serait possible de comprendre plus largement la situation nationale, mais davantage de saisir le caractère innovant des positionnements adoptés à l’échelle locale dans le cadre d’un processus d’appropriation décentralisée de l’enjeu que constitue la gestion de la ressource électrique. Et c’est précisément à cet égard que le cas lotois va ici se révéler intéressant à étudier, dans la mesure où celui-ci s’est imposé à nous à un moment particulier de son histoire, alors que la question des besoins électriques de ce territoire venait d’être prise en charge par des acteurs de proximité, en vue de résoudre une situation préoccupante de contrainte sur le réseau d’alimentation en électricité de ce secteur géographique. Le chef-lieu du département (Cahors) étant potentiellement sujet à des ruptures d’approvisionnement électrique du fait de la faiblesse des infrastructures, des ajustements ont en effet dû être envisagés pour éviter que les habitants du bassin cadurcien ne subissent à terme les effets préjudiciables d’une coupure électrique de grande envergure.

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De la contestation à la concertation

Chronique d’une controverse électrique es mobilisations collectives qui se constituent en opposition à l’implantation de tels ou tels équipements indésirables ont fait l’objet de nombreux articles en sciences humaines et sociales au cours des dernières décennies. Face à la multiplication des formes de contestation localisées, de nombreux travaux ont ainsi été menés pour appréhender ce que l’on a coutume d’appeler le syndrome Nimby1 . Catégorisation d’une certaine forme d’égoïsme riverain à l’égard des équipements collectifs d’intérêt général, cette conceptualisation réductrice des mouvements d’opposition localisés pose cependant problème au sens où elle tend à décrire uniformément une diversité d’actions collectives2 s’intégrant dans des contextes pluriels. C’est pourquoi nous délaisserons ici les appellations globalisantes de NIMBY (Not In My BackYard) ou de BANANA (Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anyone), au sens où nous considérons que le recours (souvent péjoratif) à cette terminologie conduit indirectement à disqualifier par avance les mobilisations locales en les réduisant à une sorte d’agrégat de mécontentements individuels. L Partant du principe que la reconfiguration permanente des dynamiques d’action ne permet pas d’enfermer uniformément des logiques d’opposition aussi diverses3 sous une appellation générique, on préférera donc parler de manière plus large de ces groupes en les désignant comme des coalitions d’opposants, parties prenantes de conflits d’aménagement4 . Ce faisant, nous nous intéresserons notamment au processus de sédimentation de la contestation en ce qu’il a conduit à la création d’une personne morale défendant un intérêt collectif qui n’est pas que la somme (ou le plus petit dénominateur commun) des intérêts particuliers de ses membres. En effet, on a pu observer qu’au-delà des peurs individualistes et égocentrées, l’activité contestataire fait sens5 et contribue d’une certaine manière à redéfinir l’activité politique, en s’attachant à l’intérêt général dans une perspective élargie, prenant en compte les intérêts particuliers au même titre que les impératifs socio-techniques. De fait, loin de se résoudre à être le pot de terre contre le pot de fer, l’activité revendicatrice se révèle capable de se structurer efficacement pour faire valoir ses positionnements, en opérant un progressif décloisonnement du local vers le global, par le biais d’une judiciarisation6 et d’une européanisation7 des conflits. Toutefois, s’il est certain que de nombreux poncifs ont pu être évacués au gré des recherches menées sur les mouvements sociaux environnementaux, divers points font encore débat concernant les controverses locales d’aménagement. On en vient alors à s’interroger : L’activité contestataire peut-elle se résumer à une stratégie collective d’expression publique du mécontentement individuel ? L’émergence récente de structures de concertation permet-elle véritablement de résoudre les conflits ? Une action d’opposition se dissout–elle inévitablement dans l’accomplissement de son but ? Ce sont autant de questions que nous nous attacherons à étudier dans ce troisième chapitre de la thèse, au prisme de la spécificité électrique de la controverse qui nous intéresse ici. Pour appuyer notre propos, nous présenterons le cas de deux projets d’implantation de lignes Très Haute Tension (THT) dont nous avons été amené à opérer la reconstitution a posteriori pour saisir –au travers de la mémoire des acteurs8 – les implications sous-jacentes qui ont conduit à la mise en œuvre de politiques territoriales de maîtrise de la demande en électricité.

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