La situation des ITSS comme problème de santé publique

Conséquences et coûts associés aux ITSS

Les conséquences liées aux ITSS sont nombreuses. Ces dernières peuvent amener des conséquences sur les plans de la santé et de la vie sociale des personnes infectées et de leur entourage, ainsi qu’engendrer des coûts importants. Certaines ITSS bactériennes, telles que la chlamydia, la gonorrhée et la syphilis, se traitent à l’aide d’antibiotiques. Cependant, il peut y avoir des complications si ces ITSS ne sont pas dépistées rapidement. Ces complications peuvent entraîner de graves conséquences sur la santé. Par exemple, la chlamydia et la gonorrhée peuvent occasionner des complications telles que l’ infertilité (Herzog et al., 2012) et une atteinte inflammatoire pelvienne (Priee et al., 2012; Tsevat, Wiesenfeld, Parks, & Peipert, 2017). D’ autres ITSS ne peuvent se guérir, telles que l’herpès génital et le VIH. Cela veut donc dire qu’une fois l’une ou l’autre de ces ITSS contractées, la personne infectée sera porteuse du virus pour le reste de sa vie. Il peut tout de même exister des traitements pour, par exemple, diminuer la charge virale du VIH ou diminuer la douleur et les poussées de l ‘herpès génital. De plus, les coûts humains sont tout aussi importants (MSSS, 2010). Les personnes infectées par une ITSS doivent aviser leurs partenaires sexuels.

Cela peut donc entraîner des problèmes interpersonnels ou de couple (MSSS, 2010). Les infirmières travaillant dans les cliniques de santé sexuelle ou en santé scolaire qui annoncent les résultats sont présentes pour soutenir ces personnes dans l’ annonce aux partenaires sexuels. Les ITSS peuvent également entraîner un lourd fardeau sur le plan socioéconomique (MSSS, 2015a). Selon l’ Organisation mondiale de la santé [OMS] (2016a), le coût pour mettre à exécution la stratégie mondiale du secteur de la santé contre les infections transmissibles sexuellement 2016-2021 est estimé à 18,2 milliards de dollars américains. De ce montant, 3 milliards de dollars sont prévus pour la prise en charge de ces infections (OMS, 2016a). Au Canada, le coût moyen annuel associé à l’infection à chlamydia pour la période de 1991 à 2009 est de 51 ,4 millions de dollars canadiens (Tuite, Jayaraman, Allen, & Fisman, 2012). Si la tendance actuelle ne s’inverse pas, les coûts des services de santé et des services sociaux associés au traitement et aux conséquences des rTSS augmenteront (MSSS, 2010). De plus, la résistance aux antibiotiques peut augmenter les coûts économiques (OMS, 2016b). Les traitements utilisés lors de résistance à une souche sont de derniers recours et plus coûteux (OMS, 2016b). La durée plus longue de la maladie est une des conséquences directes de la résistance aux antibiotiques (OMS, 2016b). Il existe un programme de surveillance des souches de la gonorrhée résistantes aux antibiotiques pour faire les recommandations thérapeutiques nécessaires (INSPQ, 2016). Effectivement, deux classes d’antibiotiques utilisées auparavant pour traiter la gonorrhée ne sont plus recommandées en raison de la résistance de ce virus (INSPQ, 2016). Récemment, le Japon et la France ont retrouvé des souches de la gonorrhée résistantes à la majorité des classes d’antibiotiques, ce qui pourrait amener cette bactérie à devenir non curable (INSPQ, 2016).

Théorie du comportement planifié

Préalablement au développement des interventions ayant pour objectif d’augmenter la participation à une activité de dépistage des ITSS, il faut d’abord accroître notre compréhension des facteurs qui incitent les jeunes de niveau secondaire à participer ou non à une telle activité. Cette compréhension permettra alors de développer des interventions qui prennent en compte les facteurs d’influence. En ce sens, l’usage d’une théorie ou d’un modèle conceptuel permet d’ accroître la compréhension des facteurs motivationnels justifiant le choix des jeunes âgés de 15 à 24 ans de participer ou non à une activité de dépistage des ITSS. Au cours des 40 dernières années, plusieurs théories ou modèles ont vu le jour afin d’accroître notre compréhension des facteurs psychosociaux menant à l’adoption et au maintien de comportements liés à la santé. Le modèle des croyances relatives à la santé (Rosenstock, 1974), la théorie sociale cognitive (Bandura, 1977), la théorie de l’action raisonnée (Ajzen & Fishbein, 1980), la théorie du comportement planifié [TCP] (Ajzen, 1991), le modèle transthéorique du changement (Prochaska & Di Clemente, 1992) et enfin, le modèle du processus d’action en santé (Schwarzer, 1992) en sont des exemples. Bien que ces théories ou modèles partagent certaines similitudes (Noar & Zimmerman, 2005; Sheeran, Klein, & Rothman, 2017), la TCP (Ajzen, 1991) se distingue sous deux aspects. D’abord, cette théorie est dite « parcimonieuse» (McEachan, Conner, Taylor, & Lawton, 2011), c’est-à-dire qu’elle est efficace pour expliquer et prédire les comportements liés à la santé avec un nombre restreint de variables (ou déterminants).

D’autre part, cette théorie est certainement l’une des seules qui proposent une méthodologie afin d’ identifier les croyances qui sous-tendent l’adoption des comportements liés à la santé. Selon Azjen (20 Il), une intervention de promotion de la santé devrait ultimement avoir pour cible ces croyances afin de favoriser l’adoption d’un comportement. Selon la TCP (Azjen, 1991), l’ intention d’adopter ou non un comportement est le déterminant le plus proximal de l’adoption ou pas d’un comportement futur. Dans le contexte de la TCP, 1’« intention » exprime la motivation d’une personne envers l’adoption (ou non) d’un comportement donné. Azjen (1991) indique plus précisément que « les intentions sont les facteurs de motivation influençant notre façon de se comporter; ces mêmes intentions indiquent et démontrent aussi ce que les gens sont prêts à mettre comme efforts pour réaliser ce comportement [traduction libre] » (p. 181). Toujours selon cet auteur, plus l’ intention de s’ engager dans un comportement est forte, meilleures sont les chances que le comportement soit mis en oeuvre. Par exemple, plus un adolescent exprime une forte intention de participer à une activité de dépistage des ITSS, plus les chances sont grandes que celui-ci y participe. À son tour, cette intention est sous l’ influence de trois facteurs (ou déterminants) qui sont l’ attitude, la norme subjective et la perception du contrôle sur le comportement. Ceux-ci sont considérés comme étant les déterminants « directs » de l’ intention (Azj en, 1991). Enfin, comme cela sera abordé un peu plus loin, ces trois déterminants directs de l’ intention sont influencés par leurs croyances spécifiques respectives. La Figure 1 présente la TCP d’Azjen (1991).

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Les connaissances générales sur les ITSS

Selon Lorimer et Hart (2010), une connaissance insuffisante ou voire même erronée de la chlamydia pourrait constituer un obstacle à participer à une activité de dépistage de cette infection. C’est pourquoi des études, au nombre de quatre, se sont intéressées aux connaissances générales des jeunes concernant les ITSS, particulièrement la chlamydia (Henning, Alice, Sanci, & Dunning, 2007; Lorimer & Hart, 2010; Richardson, Maple, Perry, Ambler, Jurd & Fischer, 2010; Greaves, Lonsdale, Whinney, Hood, Mossop & Olowokure, 2009). Les résultats de ces études seront tout d’abord présentés. Par la suite, l’ influence de ces connaissances envers la participation à une activité de dépistage sera discutée. Deux des quatre études ont fait ressortir que les jeunes âgés de 16 à 24 ans identifient bien la chlamydia comme étant une ITSS (Henning et al., 2007; Lorimer & Hart, 2010). Lorimer & Hart (2010) ainsi que Richardson et al. (2010) ont cependant souligné que le côté asymptomatique de la chlamydia n’est pas connu de cette population. Pour leur part, Henning et al. (2007) indiquent que les jeunes ne connaissent généralement pas les complications associées aux ITSS. À l’opposé, les participants des études de Lorimer et Hart (2010) ainsi que de Richardson et al. (2010) ont reconnu l’infertilité comme la seule complication de la chlamydia. Ces différences quant aux complications possibles des ITSS peuvent cependant s’expliquer par le fait que ces études ont ciblé des populations légèrement différentes.

L’étude de Lorimer et Hart (2010) a ciblé des jeunes de 16 à 24 ans dans plusieurs milieux de vie (p. ex. : école, milieux de travail, etc.), alors que l’étude d’Henning et al. (2007) a été réalisée auprès de jeunes sans domicile fixe âgés de 16 et 26 ans. Cela peut donc suggérer, selon les résultats des études, que les jeunes sans domicile fixe ont des connaissances moindres sur la chlamydia que les jeunes en général. Quant à eux, Richardson et al. (2010) se sont intéressés aux jeunes de 16 à 24 ans ayant refusé de participer à une activité de dépistage de la chlamydia qui leur avait été offerte dans les établissements scolaires. Cela pourrait sous-entendre que seul le point de vue des personnes refusant le dépistage peut amener des résultats différents. Par ailleurs, les différentes populations à l’étude peuvent aussi expliquer certains autres résultats. Par exemple, Lorimer & Hart (2010) ont fait ressortir que la majorité des participants était bien au fait que la non-utilisation du condom est le principal facteur de transmission de la chlamydia. Pour leur part, Henning et al. (2007) ont fait ressortir le fait que les jeunes ne connaissent pas les moyens de prévention. Sur le plan des connaissances liées à la chlamydia, les participants de sexe féminin présentent de meilleurs résultats que les participants du sexe opposé (Greaves et al., 2009; Lorimer & Hart, 2010). Ce constat a aussi été mis en lumière dans une étude québécoise, nommée PIXEL, sur la santé sexuelle des jeunes adultes du Québec âgées de 17 à 29 ans (INSPQ, 2017). Finalement, les quatre études concluent qu’il faut améliorer les connaissances des jeunes concernant la chlamydia, sa détection et son traitement pour influencer la participation à une activité de dépistage des ITSS (Henning et al., 2007; Greaves et al., 2009; Lorimer et Hart, 2010; Richardson et al., 2010).

En outre, Lorimer et Hart (2010) et Henning et al. (2007) indiquent que des efforts accrus sont nécessaires pour augmenter la connaissance de la chlamydia chez les jeunes dans un objectif de réduire la prévalence de l’ infection. Cependant, comme souligné par Godin et Côté (2006) ainsi que Greaves et al (2009), l’augmentation des connaissances ne se traduit pas nécessairement par un changement de comportement. En effet, il existe un modèle, le « Knowledge-AttitudeBehavior Model », qui a comme assise que le changement de comportement se fait graduellement par l’entremise du changement d’ attitude qui sera initié par l’augmentation des connaissances (Baranowski, Cu lIen, Nicklas, Thompson, & Baranowski, 2003). Toutefois, ce modèle semble être inadéquat comme moyen de comprendre ou de promouvoir un changement de comportement lié à la santé (Baranowski et al., 2003). Par exemple, selon Greaves et al. (2009), bien que les étudiants en médecine aient une meilleure connaissance des ITSS, cette dernière n’augmente pas les moyens de prévention tels que l’ utilisation du condom ou la demande de dépistage. En bref, la seule acquisition des connaissances sur la chlamydia ne se manifesterait pas nécessairement par l’augmentation de la participation à une activité de dépistage de cette infection.

Table des matières

Sommaire
Liste des abréviations
Remerciements
Introduction
Problématique
La situation des ITSS comme problème de santé publique
Définition des ITSS
Prévalence des ITSS
Prévalence selon les individus
Prévalence selon les régions
Prévalence selon le temps
Conséquences et coûts associés aux ITSS
Pratiques sexuelles chez les jeunes de niveau secondaire
Dépistage des ITSS
Recommandations liées au dépistage des ITSS
Dépistage en milieu scolaire et l’apport des infirmières
Cadre de référence
Théorie du comportement planifié
Ajout de variables externes à la théorie du comportement planifié
Recension des écrits
La participation à une activité de dépistage des ITSS
Théorie du comportement planifié d’Azjen (1991)
Les connaissances générales sur les ITSS
Les connaissances spécifiques sur le dépistage
La perception des jeunes
Objectif et questions de recherche
Objectif
Questions de recherche
Méthodologie
Devis de recherche
Milieu de recherche
Population et échantillonnage
Taille de l’échantillon
Instruments de mesure
Volet 1 : Préparation du questionnaire principal
Volet 2 _ Questionnaire principal
Définitions conceptuelles et opérationnelles
Collecte des données
Analyse des données
Analyse descriptive
Analyse inférentielle
Aspects éthiques
Respect de la personne
La préoccupation pour le bien-être
Lajustice
Les risques
Les bénéfices
Article scientifique
Discussion générale
Conclusion
Références
Appendices
Appendice A. Résumé de la recension des écrits sous forme de tableau
Appendice B. Questionnaire préliminaire
Appendice C. Questionnaire principal

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