La seconde moitié du IIIe s.
L’évolution du décor domestique est difficile à saisir après 250 car la documentation est beaucoup plus éparse et souvent plus fragmentaire. Par ailleurs, les fourchettes de datation auxquelles on peut parvenir pour les quelques peintures conservées sont beaucoup plus larges qu’aux périodes précédentes, en partie parce qu’il s’agit souvent de réfections pour lesquelles on dispose seulement de TPQ, parfois eux-mêmes fragiles. Quelques grandes tendances émergent toutefois, que nous présenterons en guise d’ouverture vers le IVe s. 1. Rome a) Développement des imitations de marbre et maintient du style linéaire Les imitations de marbre, apparues encore timidement au début du IIIe s., semblent prendre de l’importance après 250. Nous rencontrons dans notre corpus quelques cas de peintures marmoréennes pour lesquelles on dispose au moins d’un TPQ, dans la mesure où elles ont été appliquées par-dessus des enduits sévériens. Ainsi, la zone inférieure du décor de la pièce 28 dans la « Villa Grande » sotto S. Sebastiano est refaite une nouvelle fois, vraisemblablement entre le milieu du IIIe s. et le début du IVe s. La phase du début du IIIe s. se caractérisait déjà par un opus sectile fictif, qui se trouve alors restauré. L’enduit le plus récent montre l’alternance des plaques rectangulaires simples et d’autres ornées de losanges, séparées par des lésènes (ROM 21.02 état 3). Les couleurs sont peu lisibles. De même, dans la domus sur la pente nord-est du Palatin, un second état a été appliqué par-dessus les peintures linéaires de l’époque sévérienne. Ne sont conservés, à nouveau, que quelques lambeaux, suffisants toutefois pour restituer une imitation d’opus sectile constituée de grandes plaques rouge sombre (imitant sans doute du porphyre) ; on distingue encore un disque à l’intérieur d’une d’elles (ROM 13.01 état 2). Une peinture retrouvée sous le Battistero Costantiniano sur le Cælius (ROM 05.01) peuvent être datées dans le courant du IIIe s. et ont en tout cas été réalisées avant le début du IVe s. Elles appartiennent en effet à une maison sur laquelle s’est installé le Battistero Costantiniano. La construction de la maison est par ailleurs datée par A. M. Colini de la première moitié du IIIe s. 402 – vraisemblablement à partir de la stratigraphie de la zone et du 402 Colini 1944, p.359. la seconde moitié du IIIe s. 251 type de construction, mais A. M. Colini ne justifie pas réellement sa proposition ce qui la rend difficile à évaluer. Encore une fois, ces peintures sont malheureusement assez lacunaires et documentées seulement par un cliché en noir et blanc et une description rapide. N’étaient conservés au moment de la découverte que la plinthe, vraisemblablement uniforme, et le bas de la zone médiane. Celle-ci est divisée en panneaux encadrés par des bandes colorés, éléments qui imitent, d’après A. M. Colini, des marbres polychromes. Comme on le voit, on ne conserve bien souvent qu’une partie de ces compositions, laissant ouvertes un certain nombre de questions : ces imitations de marbre couvraient-elles ou non toute la hauteur de la paroi ? Si oui, se déployaient-elles sur une ou plusieurs zones ? Si non, quel motif prenait place au-dessus ? On peut répondre dans le cas de la pièce 28 de la « Villa Grande », mais la zone supérieure du décor est bien antérieure à l’opus sectile fictif. La pièce 31 de la même maison a en revanche livré une peinture à imitation de marbre dont presque toute la hauteur est conservée et qui semble appartenir à la même phase (ROM 21.05). Au-dessus d’une plinthe beige uniforme, les marbres fictifs (des plaques de jaune antique séparées par des bandes imitant le cipolin) sont surmontés d’une haute zone à fond blanc occupée par un motif de claie. Au-dessus, se déploie une dernière zone, à fond blanc également, divisée en compartiments par des filets colorés. Le tout peut être rapproché des compositions linéaires, dans la mesure où la claie elle-même est rendue par le croisement de simples filets colorés obliques. La datation dans le courant du IIIe s. de cette peinture, à la réalisation assez grossière, est essentiellement stylistique. On dispose cependant d’un précieux TAQ puisque la basilique Saint-Sébastien a été construite sur ces structures dans la première moitié du IVe s. Ces peintures doivent être rapprochées de deux décors de la domus sotto S. Giovanni e Paolo qui présentent la même succession d’imitations de marbre assez grossières et de motifs linéaires simples. Il s’agit des pièces m, où le motif linéaire dessine une imitation d’opus quadratum, et n’’, où la paroi, structurée de façon un peu plus complexe, voit se succéder deux zones d’imitation de marbre, une zone à fond blanc occupée par une imitation minimale d’appareil isodome et, enfin, une dernière zone, toujours à fond blanc, où se déploie une composition linéaire rehaussée de motifs ornementaux et figurés (fig. 37 et 38). On observe ainsi la même succession d’une haute plinthe de marbre fictive, d’un motif linéaire couvrant évoquant également une réalité architecturale (un type d’appareil ou une claie) et d’une zone haute dont la composition n’a plus guère de liens avec la réalité. Le reste de la maison a par ailleurs livré de belles peintures, dans un très bon état de conservation, parmi lesquelles on compte de nombreuses compositions linéaires à fond blanc, richement décorées de motifs 252 ornementaux et figurés, qui prennent place au-dessus de hauts socles de marbre, réels ou fictifs. Il semble cependant que ces peintures appartiennent déjà au IVe s403 . Les quelques éléments que l’on peut attribuer à la seconde moitié du IIIe s. permettent donc de mettre en lumière un développement des imitations de marbre, au moins dans les parties basses des parois, et le maintient du style linéaire dans les parties hautes. b) Analyse spatiale L’analyse spatiale est aussi délicate à mener que l’analyse stylistique, puisqu’il s’agit bien souvent de décors isolés d’un programme décoratif cohérent. On peut néanmoins observer que les imitations de marbre se généralisent au point de décorer des espaces très différents les uns des autres : des petites pièces autrefois ornées de peintures linéaires (dans la domus du Palatin) ou qui occupent manifestement un rôle secondaire dans l’économie de la maison (pièce 31 de la « Villa Grande ») aussi bien que des pièces de vie importantes qui se signalent par leurs dimensions et/ou leur position dans le plan (dans la domus sous le Battistero Costantiniano et dans la pièce 28 de la « Villa Grande »). On note cependant une sorte de hiérarchisation : les imitations occupant les pièces les plus prestigieuses mettent en œuvre des motifs d’opus sectile plus ou moins complexes (par exemple dans la pièce 28 de la « Villa Grande »), tandis que, dans les pièces plus modestes, on observe de simples plaques juxtaposées (pièce 31 de la dite « Villa Grande »). Il aurait été également intéressant d’examiner le rendu des matériaux, malheureusement les peintures sont trop fragmentaires et trop peu documentées pour une approche de ce type. Ces observations sont pleinement confirmées par le cas plus tardif de domus sous S. Giovanni e Paolo où presque toutes les pièces, y compris les plus petites, ont livré des imitations de marbre, avec des degrés de complexité très variés selon la hiérarchisation des espaces.
Ostie
Les données fournies par les maisons d’Ostie sont un peu plus nombreuses et permettent de restituer des tendances similaires. a) Compositions linéaires de type 2 Nous avons évoqué précédemment (p. 219) le cas de ces compositions linéaires de type 2, constituant pour la plupart des réfections qui ne couvrent pas toujours l’intégralité de la paroi et sont parfois appliquées sur de simples laits de chaux posés directement sur les peintures antérieures. La datation de ces décors, délicate, est souvent établie dans le courant du IIIe s., sans plus de précision. Nous avons vu à partir des exemples de Rome et d’autres sites d’Italie centrale (Bolsena et Marina di S. Nicola en particulier) que ce type de compositions pouvait être contemporain des peintures linéaires de type 1. A Ostie cependant, les quelques exemplaires pour lesquels on dispose de critères de datation extérieurs, nous orientent plutôt vers l’époque post-sévérienne. C’est le cas de la peinture retrouvée dans la pièce 7 de l’insula dell’Aquila. Elle a en effet été appliquée par-dessus un premier état d’enduit contemporain de l’installation de l’insula, datée vers le milieu du IIIe s. (OST 23.07). Seul un panneau est encore visible : on y voit un cadre à côté inférieur convexe, matérialisé par une fine bande rouge et occupé en son 254 centre par un personnage masculin nu, portant un thyrse. De fines bandes plus claires forment des motifs en angle droit – caractéristiques du IIIe s. d’après C. Liedtke404 – dans les coins du panneau et relient le cadre aux bandes de divisions verticales. Elles dessinent également, sous le cadre, une sorte de compartiment aux côtés latéraux convexes. On peut comparer ce décor aux peintures qui ornent la pièce XIV de la Caupona del Pavone, dont la datation est établie autour de 250 puisqu’elles seraient liées à la transformation de l’édifice en auberge405 . Ce qu’il reste du dernier état de décor de la pièce 5 dans l’insula delle Volte Dipinte semble également devoir être attribué à l’époque post-sévérienne, comme le suggère la stratigraphie relative des enduits de la maison (OST 08.05 état 3). La datation de la phase antérieure est cependant tout sauf certaine, nous invitant à la prudence. Le décor est structuré par de fines bandes rouges qui dessinent des panneaux et interpanneaux. Comme dans les peintures de la Caupona del Pavone, des segments curvilignes, d’où partent d’autres segments verticaux, relient les bandes de division des interpanneaux, évoquant un motif de guirlande à laquelle serait suspendu un ruban. Quant aux panneaux, ils ne présentent aucun encadrement intérieur mais sont décorés de petites scènes érotiques, à la réalisation assez rapide. Un décor similaire devait occuper la pièce voisine 6 mais n’est plus conservé que sur la voûte. On y observe une composition de cercles concentriques, dans laquelle prennent places des motifs à la réalisation rapide (un petit personnage ailé dans le cercle central, des dauphins dans le deuxième cercle, des fleurons aux angles de la voûte). Il semble probable que cet enduit soit contemporain du précédent. C’est en revanche dans le courant du IIIe s., de manière large, qu’est datée la peinture qui vient décorer, en troisième phase, le couloir 7 de la Casa delle Muse (la peinture antérieure étant datée dans la seconde moitié du IIe s.). La paroi est scandée en panneaux et interpanneaux déterminés par des bandes rouges (OST 16.06 état 3). Les interpanneaux, assez étroits, sont simplement occupés par une bande centrale qui évoque le lointain souvenir de la rainure d’un pilastre. Dans les panneaux prennent place des cadres ; deux d’entre eux, dont les formes diffèrent, sont encore lisibles. Le premier, le plus proche de la porte menant vers la pièce 8, prend la forme d’un simple rectangle décoré en son centre d’un petit personnage, vraisemblablement un Amour ; le second est plus petit et se distingue par son côté supérieur, matérialisé par un filet vert bouleté de forme convexe, filet qui rejoint par ailleurs les bandes de division horizontale. En son centre, se trouve une panthère bondissante. Cette 404 Liedtke 2003, p.223-227. 405 Gasaparri 1970, p. 26 et 32-33. 255 hétérogénéité et le rendu assez grossier des motifs donnent au total l’impression d’une réalisation rapide et peu soignée. Enfin, des traces d’un décor comparable, appliqué sur un simple lait de chaux, sont encore visibles dans la pièce 10 du Caseggiato degli Aurighi mais elles sont très fragmentaires (OST 17.06 état 2). Au total, bien que l’on observe une continuité dans le choix des motifs par rapport à la période précédente (félin bondissant dans la Casa delle Muse, petits personnages en vignette dans la Casa delle Muse et dans l’insula dell’Aquila, dauphin et motif phytomorphe dans la Caupona del Pavone et dans l’insula delle Volte Dipinte), leur réalisation apparaît souvent plus grossière. De même, si on les compare aux décors romains, les filets sont assez épais, se rapprochant parfois de fines bandes, et les compositions moins régulières.