Le deuxième plan du F.I.D.E.S
La santé et l’enseignement
Avec une échéance fixée entre le 1er juillet 1953 et 30 juin 1958 lors de la mise en oeuvre effective du programme en mai 1946, le deuxième plan devient quadriennal avec le décret de 1951 entre 1953 et 1957 avant l’entame du deuxième Plan décennal. Dans ce plan quadriennal le domaine de la santé publique est marqué par l’équipement des grands centres urbains comme la climatisation de l’Hôpital de Saint-Louis et la construction de son groupe opératoire qui s’élèvent respectivement à 5 600 000 francs et 64 000 000 de francs67. Dans le rapport N°48968, la Direction de l’Institut d’Hygiène Sociale de Dakar (I.H.S.D.) fait état au Directeur général de la santé publique de l’échec des informations sur le centre de phtisiologie et de protection maternelle et infantile à cause du retard noté dans l’exécution des travaux de construction et d’aménagement.
C’est pourquoi le médecin principal, directeur de l’I.H.S.D., dans un souci de transparence et de traçabilité des crédits alloués, demanda à l’ingénieur des travaux publics, plus précisément à la Subdivision Bâtiments Civils des renseignements concernant l’emploi des crédits F.I.D.E.S. pour les travaux de construction des bâtiments de l’I.H.S.D. pour le compte du Directeur Général de la santé publique de l’A.O.F.
Dans le rapport d’exécution de la section locale des programmes F.I.D.E.S. sur l’O.R.A.N.A.69, on peut noter quelques limites détaillées dans la réorganisation de la portion centrale qui ne disposait jusqu’en décembre 1954 d’aucun local autonome. L’arrêté N° 4602 du 16 août 1950 réglemente l’état civil des personnes régies par les coutumes locales en le généralisant. En 1956 est créée la Direction de la Statistique Générale et de la Mécanographie (D.S.G.M.). L’arrêté du 26 décembre 1956 opère la fusion de la Direction des Services Economiques (D.E.S.) et de la direction du plan en un service commun du gouvernement général appelé service commun de coordination des affaires économiques et du plan.
La situation de l’enseignement dans le territoire du Sénégal était mauvaise. Sur une population totale de 2 100 000 habitants et une population scolarisable de 400 000 enfants environ 43 000 élèves fréquentaient les écoles primaires contre 3200 élèves pour l’enseignement secondaire et technique70. L’état des lieux montre un ensemble de manquements et de limites ayant trait au niveau de formation des enseignants. Ces derniers ne détenaient que du certificat d’étude. Leur culture générale insuffisante ne pouvait donner à leur enseignement une valeur éducative acceptable. Les réalisations de 1949/1950 ont abouti à la construction du deuxième étage du Lycée Faidherbe de Saint-Louis et des aménagementsnouveaux en dortoirs et réfectoires.
La construction de groupes opératoires avec pavillons d’hospitalisation à Thiès
Kaolack et Ziguinchor devait compléter l’infrastructure hospitalière du Sénégal. La pharmacie d’approvisionnement de Saint-Louis installée dans les hangars ne présentait aucune garantie. L’extension de l’hôpital de Saint-Louis fut envisagée sous la forme d’une annexe sur la rive droite du Sénégal avec la construction d’une maternité, d’un pavillon d’hospitalisation et d’un laboratoire. Les crédits nécessaires à la climatisation étaient réévalués dans le plan décennal puisque accordés depuis 1947. La construction du centre psychiatrique fédéral de Thiès en l’absence d’établissement de cet ordre et devant l’impossibilité de conserver tous les malades mentaux à l’Ambulance du Cap Manuel. Le programme s’était efforcé de s’inscrire dans une vision perspectiviste comme la création d’un collège moderne à Thiès et la construction du Cour Normal de Mbour. Ces deux constructions sont justifiées par le développement important et rapide des deux villes.
Le développement urbain et le développement rural
Le territoire du Sénégal ne pouvait pas sur son propre budget soutenir l’effort exigé dans le cadre de la mise en place des centres urbains et des politiques d’urbanismes prévues dans le cadre du Plan quadriennal. Tous les efforts étaient ainsi concentrés dans l’harmonisation et la coordination à l’échelle du territoire le programme dans le cadre d’une action d’ensemble. Trois centres urbains77 ont fait l’objet d’investissements importants. Depuis 1948, la ville de Thiès a été dotée par le S.T.A.G.D. d’un plan d’urbanisme. La mise en application de ce programme fut entièrement réalisée avec un plan déguerpissement et regroupement des populations, viabilité, voiries sur la base de deux objectifs principaux :
– Agrandissement nécessaire des zones d’habitation par un urbaniste qualifié.
– Mise en application de ce plan par les services locaux.
Les résultats escomptés tournaient autour de la suppression des sources d’épidémies comme les terrains insalubres, les logements entassés sans aucune hygiène, les taudis ; l’amélioration des conditions de vie de l’ouvrier africain et par suite de son rendement propre ; l’émulation constructive et productive des masses. Dans la ville de Saint-Louis, il n’existait aucun plan officiel d’urbanisme réglementant les conditions d’installation et d’agrandissement de la ville. Les terrains susceptibles d’être bâtis aux abords de Saint-Louis sont, en nombre, très limités et la majorité des terres sont recouvertes par les eaux à chaque hivernage. Cette situation reste aggravée par l’absence de plan et de regroupements fébriles sur les quelques terrains disponibles. Ces conditions d’installation des populations donnent lieu à des situations difficiles en certains points à cause d’occupations illégitimes,d’implantations désordonnées et un manque absolu d’hygiène. Les objectifs dégagés tournaient autour de l’étude d’un plan d’urbanisme, l’implantation de ce plan par des déguerpissements qui passe par une politique de prédistribution des parcelles ainsi que d’un remblaiement des terres basses pour augmenter la surface des lotissements78. Comme Saint-Louis l’urbanisation de Kaolack est inexistante. On constate la même exigüité des terrains à bâtir, les mêmes problèmes de marécages et remblaiement les mêmes conséquences dans l’insalubrité et de la concentration dangereuse des populations dans les hauts quartiers.
Cette remarque coloniale de la situation de l’urbanisme à Kaolack a fait certes l’objet de remarques pertinentes sur les dangers qu’encourent les populations mais la principale inquiétude fut des craintes affichées à maintes reprises sur l’étouffement du quartier européen79. La ville de Kaolack s’étant agrandie du côté des quartiers de Kassaril et Kasnak, il fallait une extension du réseau de distribution d’eau et de la mise en place d’une L.H.T. pour satisfaire les besoins en eau potable et électricité des populations.
Le Centre Agronomique de Bambey a employé des crédits F.I.D.E.S mis à sa disposition pour l’extension de l’expérimentation agricole en vue d’améliorer les méthodes et les moyens de la culture traditionnelle avec respectivement 25.166.000 francs pour l’infrastructure et 10.703.000 francs pour l’expérimentation. On peut aussi ajouter le programme d’extension de la culture du riz en Casamance sur une base de crédit d’engagement de 7 215 474 francs ainsi que le paiement liquidé en un montant de 4 228 134 francs82. Dans la rubrique consacrée à la chasse et au tourisme, un crédit d’un million a été fourni pour l’installation d’un centre à Niokolo-koba et 40 000 francs pour l’achat d’une jeep pour Linguère. À ce niveau, la participation du budget local est très significative avec un effort financier de 51 900 365 francs pour les exercices de 1949-1950.
À la fin de 1954, 11 millions d’hectares furent transformés en Parcs nationaux et réserves de faune. En ce qui concerne le territoire du Sénégal le site choisi se situe dans sa région orientale notamment le Niokoloba pour 180 000 hectares. Les Sociétés Mutuelles de Production Rurale (S.M.P.R.) furent des entreprises d’impulsion et de coordination des activités productives rurales avec trois secteurs en charge (crédits, production, commercialisation). La première, fut crée officiellement à Thiès à la suite de l’arrêté du 24 aout 1953 avec la prise en charge plus tard par l’administration de la formation des cadres pour les coopératives. Avec l’augmentation du nombre des adhérents, une décentralisation fut opérée par la création des coopératives villageoises à la S.M.P.R. de Thiès83.
Le deuxième plan voulait favoriser les opérations de modernisation de l’agriculture
C’est ainsi que le Casier de Richard Toll, dans le delta du Sénégal fut crée à la suite d’une étude de la Mission d’Aménagement du Sénégal. Un casier expérimental de 600 hectares fut achevé en 1953, ainsi que 1500 hectares sur les 6000 hectares du casier d’exploitation. La rizerie entra en service en novembre 1953. L’année suivante les 3200 hectares en exploitation produisirent 5600 tonnes de paddy84. Ces prouesses réussies dans le casier de Richard Toll ont failli être réduites à néant par un fléau de petits oiseaux, les quéléas quéléas ou manges mil qui s’y installèrent par millions. Un arrêté du 24 juin 1953 déclara le « mange-mil » calamité publique sur tout le territoire de l’A.O.F. La Compagnie Générale des Oléagineux Tropicaux lança une vaste « opération arachide » en combinant travail mécanique et travail manuel à Sédhiou et à Kolda en moyenne Casamance mais l’expérience ne fut pas concluante malgré sa poursuite jusqu’en 1957.
Dans l’aménagement du territoire sénégalais restait au menu un projet d’étude de la rentabilité des 30 000 hectares reconnus arables entre la route de Saint-Louis, Rosso, le Fleuve Sénégal et les marigots de Kassahk et Gorun. Les ponts de Gouloumbou et Ouassadou prévus au Plan quadriennal précédent n’étaient pas encore reliés à la route. Il fallait envisager à ce niveau une déviation des routes sur la base d’un montant financier de 35 millions respectivement 28 millions pour Gouloumbou et 7 millions pour Ouassadou85.
Le but de l’opération dans l’électrification86 consistait à grouper en seul centre toute la production d’électricité dans le territoire du Sénégal par une réunification par les L.H.T. de toutes les agglomérations dotées d’usine électrique et l’électrification par des branchements du réseau des villages et des escales. Malgré les insuffisances constatées dans ce Plan, le F.I.D.E.S devait constituer une étape importante dans l’entame du processus de développement du Sénégal indépendant. Dans le tableau qui suit, un état financier récapitulatif des programmes F.I.D.E.S., qui se chiffrent à près de 1500 millions de F CFA.