LA RUPTURE UNILATÉRALE CONRÔLÉE PAR LE JUGE

 LA RUPTURE UNILATÉRALE CONRÔLÉE PAR LE JUGE

L’orientation.

– Traditionnellement, la rupture du contrat en droit français suppose un recours préalable au juge. L’article 1184 du code civil précise que la résolution du contrat doit être demandée en justice. En revanche, la loi a autorisé dans certains cas, une rupture unilatérale, car « De multiples contractants, en raison de leur vulnérabilité, se voient octroyer un droit de résiliation unilatérale » 157. En effet, l’article 1224 de l’ordonnance de 2016, admet que la rupture peut résulter d’un acte unilatérale en cas de manquement grave. Avec l’évolution jurisprudentielle, il est cependant possible de rompre un contrat sans l’intervention du juge, aux risques et périls de l’auteur. Un contrôle judiciaire reste alors indispensable voire primordial. Ce mode de rupture est contraire aux règles de l’article 1184 du Code civil; mais son admission peut être considérée comme une évolution de la pratique contractuelle ( Section 1 ) . Le juge, même s’il ne prononce pas directement la résolution du contrat, le pouvoir lui revient d’effectuer un contrôle de la rupture. Il lui appartient d’apprécier le caractère suffisamment grave du manquement, et, valide ou rejette la résolution de la convention. Il semblerait que, même en cas de rupture unilatérale du contrat, c’est le juge qui prononce la résolution, mais d’une façon indirecte (section 2 ) .

LA RUPTURE UNILATÉRALE AUTORISÉE PAR LA LOI 

Présentation.- Selon Monsieur GAMBARO, la résolution unilatérale du contrat est, « Le moyen le plus efficace et le plus économique pour rétablir la justice contractuelle » 158. Il faut préciser que si la majorité de la doctrine française n’est pas du même avis et ne partage pas l’opinion de l’auteur, elle159 est, en revanche, favorable à la continuité du contrat et donc à son exécution forcée.  La doctrine française. Même si la moitié de la doctrine n’est pas pour une rupture unilatérale du contrat, le législateur a pourtant toléré et même autorisé ce mode de rupture tout à fait noueux en droit positif français (§1) . En revanche, il a été admis la rupture du contrat à durée indéterminée (§2).

LA RUPTURE UNILATÉRALE LEGALEMENT AUTORISÉE

Les cas de rupture.- Si en droit français la rupture du contrat nécessite un recours préalable au juge, il existe des exceptions et des cas où la rupture est unilatérale (A). L’intervention judiciaire est en effet écartée, soit pour faire face à une situation qui demande une rapidité dans la décision ou bien quand il s’agit d’un contrat spécial (B).

L’EXCEPTION DE RUPTURE UNILATÉRALE DU CONTRAT

Présentation.- Pour une partie de la doctrine, le fait que le droit de rupture unilatérale soit contraire au principe régissant la rupture du contrat en droit positif français, celui-ci -autrement dit le droit de rupture unilatérale du contrat- doit être considéré comme étant illégal. Monsieur RIPERT par exemple estime qu’il est « Immoral qu’un contractant pût exiger l’accomplissement de la promesse d’autrui lorsqu’il ne voulait ou ne pouvait tenir la sienne ».160 Les principes édictés par le législateur dans l’article 1184 du code civil ne doivent pas rester intangibles. Certaines circonstances peuvent amener un contractant à rompre un contrat par sa seule volonté. Conformément à l’article 1224 de l’ordonnance du 10 février 2016, le contrat peut être rompu par  » notification ». Dans d’assez nombreuses situations, la théorie ne s’accorde pas avec la pratique; l’évolution des rapports contractuels et économiques ont aisément dépassé les situations prévues par le code civil, l’article 1224 de l’ordonnance a suivi cette évolution. 160 G. RIPERT, La règle morale dans les obligations, LGDJ, 4ème éd, 1949. 73 Le droit de rupture unilatérale ne doit pas être perçu comme une fin, un instrument aux mains d’une partie au contrat, un instrument qui pourrait être utilisé arbitrairement mais un moyen de rompre le contrat inexécuté et un moyen pour faire face à des situations particulières que pouvait rencontrer une partie au contrat. On peut donc estimer que l’action unilatérale d’un contractant peut être justifiée par l’urgence de la situation (1). Elle est en quelque sorte « Poussée par l’urgence et la mauvaise foi de l’autre partie »;161ou bien pour faire face à une impossibilité d’exécution de son partenaire (2).

UNE RUPTURE UNILATÉRALE POUR FAIRE FACE À L’URGENCE

Une rupture à titre exceptionnelle.- Le code civil français n’a pas admis la rupture unilatérale du contrat. l’ordonnance de 2016, n’a admis la rupture par notification qu’en cas d’inexécution suffisamment grave. Les exigences économiques et sociales d’un contrat dans le contexte socioéconomique actuel, demandent une certaine rigidité et exception. En matière de rupture contractuelle, la résolution judiciaire ne peut pas, dans certains cas, s’imposer; la lenteur de la procédure et l’insuffisance de la loi y sont pour beaucoup. Il faut donc dans des situations d’urgence, que cette procédure de rupture puisse être accélérée. L’urgence justifiant un anéantissement unilatéral du contrat, semble n’être que le fait de l’un des contractants, dont le comportement ne permet pas le maintien de la relation, en attendant le recours préalable au juge. « Celui qui envisage cette rupture unilatérale immédiate est certes à l’origine d’un dommage envers son coobligé, mais dans le seul but d’éviter une défaillance plus grave qui mettrait en péril le contrat lui-même » 162 . Invoquer l’urgence dans la rupture contractuelle justifie le fait d’outrepasser les règles classiques de rupture des contrats précisées par l’article 1184 du code civil. 91. Une rupture préventive.- La jurisprudence a raisonné dans le même sens, elle a, en effet, admis qu’un contractant pouvait rompre un contrat par  « Un acte de propre autorité » pour que le dommage qui sera subi soit moins important1 . Ainsi le tribunal civil de Seine avait-il précisé que la résolution judiciaire « Comporte des exceptions » ; ces exceptions concernent les cas où les intérêts d’une partie sont mis en péril. Ainsi, un spectateur qui sème le trouble dans un théâtre164, un collaborateur d’un garagiste qui ne vend qu’une seule voiture par an, alors qu’il est censé écouler le stock165 ou alors un médecin qui exerce sa profession en étant ivre et qui mettrait la sécurité des patients en péril166, constituent des exemples d’urgence qui, par conséquent, justifient une rupture unilatérale des liens contractuels. La jurisprudence a donc admis le recours à une rupture unilatérale d’urgence et a écarté l’application des principes de l’article 1184 du code civil. Le maintien des liens contractuels produirait un préjudice plus important et irréparable. La situation demande donc une rupture immédiate. Le problème qui se pose dans ce genre de situations est de savoir comment peut-on caractériser l’urgence? Quelles sont les situations qui peuvent être considérées comme telles? 92. La caractérisation de l’urgence.- La réponse à cette question est un peu délicate, on devrait se pencher sur les exemples dans lesquels la jurisprudence a autorisé la rupture d’un contrat unilatéralement pour faire face à une situation particulière167. Nous pensons que dans ces situations, même si le contrat a été exécuté, la rupture est inévitable. Un médecin ivre qui soigne les malades, s’exécute, mais sa situation d’ivresse ne peut pas être tolérée. L’urgence ne renvoie pas à une éventuelle inexécution, mais plutôt au comportement et aux agissements de l’autre partie. Force est de constater que l’urgence constitue une révolution jurisprudentielle. Le concept d’urgence comporte en lui-même des ambiguïtés qui changeraient la donne en droit des contrats.

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