Directive «Habitats » : 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (92/43/CEE)
Le 21 mai 1992, l’Union européenne se met en branle une fois encore pour protéger l’environnement. Cette fois-ci la directive porte sur l’ensemble des habitats naturels et pas seulement sur ceux relatifs aux oiseaux sauvages. Ainsi la directive 92/43/43 constitue une approche enrichie de la problématique de l’environnement et des aires protégées. Le rapprochement de l’article 1 «Définitions » 66 avec l’article 2 met clairement en lumière la largesse du champ d’application de la directive. En vertu de l’article 2.1, la directive s’applique aux habitats naturels : «La présente directive a pourobjet de contribuer à assurer la biodiversité par la conservation des habitats naturelsainsi que de la faune et de la flore sauvages sur le territoire européen des Étatsmembres où le traité s’applique. » 67. Aux termes de l’article 1, la notion d’ «habitatsnaturels » doit s’entendre largement. Ainsi tous les habitats naturels sont concernés, dès lors qu’ils présentent un intérêt environnemental, ce qui inclut les aires marines : « b) habitats naturels: des zones terrestres ou aquatiques se distinguant par leurs caractéristiques géographiques, abiotiques et biotiques, qu’elles soient entièrement naturelles ou semi-naturelles».
Par la suite, à de multiples reprises, les instances européennes ont fait référence explicitement au procédé du zonage. Mais une différence est à mettre en exergue parrapport à ladirective « oiseaux » : la directive «Habitats » met en place un réseaueuropéen d’aires protégées, baptisé « Natura 2000 ». En effet l’article 3 énoncesimplement : « Un réseau écologique européen cohérent de zones spéciales deconservation, dénommé «Natura 2000», est constitué » protection spéciale classées par les Étatsmembres en vertu des dispositions de ladirective 79/409/CEE. »
Mais encore, la directive «Habitats », malgré son nom, sesoucie aussi des espèces. Les articles 12 et 13 y font référence, en ordonnant aux Etats de prendre « les mesures nécessaires » pour protéger les espèces animales et végétales.
La création d’aires marines protégées peut faire partie de ces «mesures nécessaires ».Ainsi, la directive du 21 mai 1992 valorise le dispositif normatif préexistant enrenforçant les obligations des Etats.
Directive sur l’eau : 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politiquecommunautaire dans le domaine de l’eau
La directive du 23 octobre 2000 n’évoque pas explicitement les aires marines protégées.
Par rapport aux deux directives « Oiseaux» et « Habitats », la directive du 23 octobre 2000 a un champ différent puisqu’elle s’intéresse à l’eau. C’est une directive générale sur la protection de l’eau dans l’Union européenne. Elle tend à établir un régime pour plusieurs eaux dont les eaux côtières: «La présente directive a pour objet d’établir un cadre pour la protection des eaux intérieures de surface, des eaux de transition, deseaux côtières et des eaux souterraines » Ce n’est pas une directive fondamentale en matière d’aires marines protégées dans la mesure où la directive ne mentionne pasdirectement les aires marines protégées. D’ailleurs, elle n’évoque pas la merspécifiquement. Elle se concentre sur les « eaux de surface » qui comprennentnotamment les eaux des mers. Cependant elle revêt un intérêt malgré tout puisque, certes en des termes généraux, elle incite les Etats à protéger leurs eaux : « les Étatsmembres mettent en oeuvre les mesures nécessaires pour prévenir la détérioration de l’état de toutes les masses d’eau de surface, sous réserve de l’application desparagraphes 6 et 7 et sans préjudice du paragraphe 8; » création des aires marines protégées. En effet, contrairement aux directives évoquées précédemment, la directive sur la stratégie pour le milieu marin, comme son noml’indique, a pour ambition de contraindre les Etats membres à définir des stratégies afin de préserver l’environnement marin, stratégies nationales qui doivent déterminer les mécanismes de mise en place des aires marines protégées. La directive évoque sans ambages la création d’aires marines protégées. De plus la différence avec les autresdirectives ne se réduit pas simplement à une volonté d’établir des stratégies. En effet, la directive impose un délai aux Etats membres pour protéger leurs eaux : 2020. Enfin, parmi les quatre directives mises en évidence, seule la directive du 17 juin 2008concerne exclusivement le milieu marin. L’article 1 reprend ces différences : « La présente directivemet en place un cadre permettant aux États membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour réaliser ou maintenir un bon état écologique dumilieu marin au plus tard en 2020. »
L’article 1.2 évoque les stratégies marines. Cettedirective est d’autant plus influente qu’elle bénéficie d’un champ d’application important : «La présente directive s’applique à toutes les eaux marines telles quedéfinies à l’article 3, point 1), et prend en compte les effets transfrontaliers sur la qualité du milieu marin des États tiers appartenant à une même région ou sous-région marine »
La directive, cependant, est plus explicite quant aux aires marines protégées dans les éléments qui précédent le premier article. Aux points 6 et 7, les têtes pensantes de l’Union européenne orientent clairement les Etats membres vers l’instauration d’airesmarines protégées. Le point 6 fait référence au droit dérivé européen tandis que le point7 invoque lesconventions internationales. En outre, le droit européen est accompagné des éléments nationaux comme fondements supplémentaires.
Les éléments nationaux
La stratégie de 2007
Durant le quinquennat de Monsieur Sarkozy, la France a adopté une stratégie en matièrede création d’aires marines protégées. Cette stratégie se caractérise par une portée géographique restreinte. En effet, elle n’embrasse que la problématique des airesmarines protégées de la France métropolitaine. La France d’outre-mer est délaissée.
Néanmoins cette stratégie excelle dans la précision. Elle définit des objectifs clairs et75 Article 1.1 de la directive sur la stratégie pour le milieu marin du 17 juin 2008 établissant un cadred’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin.76Article 2 de la directive sur la stratégie pour le milieu marin du 17 juin 2008 établissant uncadred’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin. géographiquement identifiés. Tout d’abord elle soutient les projets de création denouvelles aires marines protégées. Mais encore elle fixe comme objectif de créer huitparcs naturels marins d’ici 2020. C’est un projet ambitieux en ce qu’il détermine undélai, qui plus est un délai assez court. De plus, la stratégie de 2007 encourage ladiversification, l’enrichissement de la catégorie des aires marines protégées. En effet,elle préconise notamment de reconnaître comme des aires marines protégées les sanctuaires abritant les mammifères marins. Enfin elle a désigné des zonesgéographiques prioritaires sur lesquelles des efforts particuliers devront être produits. Ilen va ainsi des espaces Natura 2000, des parcs naturels marins en Gironde et dans lebassin d’Arcachon notamment. Mais encore, les stratégies recommandent une prise encompte des avis des acteurs locaux pour ce qui est du développement des aires marines protégées en Corse et en Bretagne du sud notamment.
Ainsi il s’agit d’une stratégie succincte, ayant une visée sur le court terme, maisdéfinissant des objectifs précis et relativement ambitieux.
Le Grenelle de l’environnement et Le Grenelle de la mer
En 2009 la France vote la loi sur le Grenelle de l’environnement et adopte un ensemble d’engagements relatifs à la mer qui forme le Grenelle de la mer. Ces deux textesconstituent des fondements certains à l’action d’instauration des aires marines protégées.
La loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre duGrenelle de l’environnement s’intègre dans le paysage juridique. C’est un texte quirecouvre un spectre très large de problématiques environnementales et en cela, notamment, il se distingue de la stratégie de 2007 qui portait uniquement sur les aires marines protégées. Mais à l’instar de la stratégie de 2007, la loi de 2009 énonce des objectifs chiffrés. Ainsi, aux termes de l’article 23, d’ici à 2012, les aires marines protégées devront recouvrir au moins 10% des eaux territoriales de la France métropolitaine. Pour la France d’outre-mer le délai est porté à 2015. Clairement, la loiincite à créer des aires marines protégées.
Le Grenelle de la mer occupe une place prépondérante dans le système incitatif. Unlivre bleu recense, reprend tous les engagements pris par la France au cours de tables rondes organisées le 10 et 15 juillet 2009. Une section est consacrée à la protection de l’environnement marin et est intitulée «Protéger et valoriser la biodiversité marine ». Au point 14, la France s’engage à développer son réseau d’aires marines protégées. Deplus, le Grenelle évoque la mise en place d’une méthode présidant à la création des espaces protecteurs. Le Grenelle insiste sur la nécessité de créer des réserves marines 77 Page 14, livre bleu des engagements du Grenelle de la Mer (10 et 15 juillet 2009) pour les «zones de reproduction » 78 sensibles. Il met en avant également la nécessité d’une politique davantage intégrée et proche des milieux de la pêche. Le Grenelle de la mer est plus complet que le Grenelle de l’environnement en matière de politique marine, ce n’est pas une surprise.
La stratégie des mers et océans adoptée en décembre 2009 évoque subrepticement la question des aires marines protégées dans la partie II C.2, mais se contente de décrire l’action de l’Etat en la matière sans assigner de nouveaux objectifs.
La stratégie de 2012
Le gouvernement a travaillé à l’instauration d’une nouvelle stratégie, plus complète et plus ambitieuse que celle de 2007.
La stratégie de 2012 identifie plusieurs axes forts. Directement ou indirectement legouvernement, à travers cette stratégie, encourage la création de certains types d’aires marines protégées ou invite plus largement à concentrer les efforts sur des zones géographiques précises.
Ainsi, le gouvernement souhaite une mise en place plus importante des réserves naturelles (point 1.7.3). Il vante leur caractère très protecteur et leur faculté à s’intégrer au sein d’aires marines d’un autre type. Sans l’exprimer clairement, le gouvernement veut que les espaces littoraux qui font partie des domaines relevant de l’autorité duConservatoire du littoral se multiplient. En effet, ce sont des espaces qui permettent d’assurer une cohérence terre-mer satisfaisante (point 1.7.4). De plus, les instances dirigeantes évoquent l’idée de créer une nouvelle catégorie d’aires marines protégées qui réponde à l’exigence d’une gestion efficace des ressources halieutiques (1.7.5). Outre la problématique des types d’espaces marins choisis, la France est portée par unevolontéd’élargissement géographique : la France veut créer davantage d’aires marines protégéesen haute mer et dans les eaux ultra-marines (1.8.1 et 1.8.2). Dans ce dernier cas, lanécessité de développer des zonages est particulièrement prégnante dans la mesure où seulement 1,15% des eaux de la France d’outre-mer sont protégées. Pour ce qui est des eaux métropolitaines, le gouvernement demande davantage d’efforts en matière de création d’aires Natura 2000 (1.8.3).
Enfin, les responsables politiques se sont intéressés aux zones du monde dans lesquelles la France est présente, livrant une stratégie pour chacune d’entre elles. Ainsi en Atlantique, il est demandé d’intensifier la création d’aires marines dans le cadre des 78 Page 16, point 14 g), livre bleu des engagements du Grenelle de la Mer (10 et 15 juillet 2009) engagements relatifs à OSPAR (1.9.1). Le gouvernement s’est aussi penché sur des zones beaucoup plus restreintes . Par exemple, Saint-Pierre-et-Miquelon (1.12) devra faire l’objet d’une étude pour déterminer les besoins environnementaux pour fonder unestratégie de création d’aires marines protégées, étant en ce domaine très en retard.
Ainsi on s’aperçoit que la stratégie de 2012 est très complète en matière d’aires marinesprotégées tranchant en cela avec la stratégie de 2007.
Le droit national
Tous les projets de création d’aires marines protégées trouvent leurs fondements dans lecode de l’environnement (hormis les zones créées en vertu d’un accord international).
Ainsi l’article L.334-1 dresse une liste non limitative des différentes catégories d’aires marines protégées : « Les aires marines protégées comprennent :
1° Les parcs nationaux ayant une partie maritime, prévus à l’article L. 331-1 ;
2° Les réserves naturelles ayant une partie maritime, prévues à l’article L. 332-1 ;
3° Les arrêtés de biotopes ayant une partie maritime, pris en application de l’article L. 411-1 ;
4° Les parcs naturels marins, prévus à l’article L. 334-3 ;
5° Les sites Natura 2000 ayant une partie maritime, prévus à l’article L. 414-1 ;
6° Les parties maritimes du domaine relevant du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.
7° Les zones de conservation halieutiques, prévues à l’article L. 924-1 du code rural et de la pêche maritime ;
8° Les parties maritimes des parcs naturels régionaux, prévus à l’article L. 333-1 duprésent code ;
9° Les réserves nationales de chasse et de faune sauvage ayant une partie maritime, prévues à l’article L. 422-27. »
Outre cet article fondamental, il existe une kyrielle d’articles portant chacun sur un type particulier d’aires marines protégées qu’il conviendra d’étudier plus tard.
Ainsi il apparaît, à l’issue de ce bref exposé, que les processus de mise en place des aires marines protégées se fondent sur une multitude de textes juridiques ou stratégiques. Ces derniers relèvent de différents échelons : international, européen et national. Tout ce 79 Article L.334-1 du code de l’environnement.corpus textuel tend à inciter et à permettre la création de zones protectrices del’environnement. Mais la richesse des aires marines protégées ne se manifeste passeulement à travers la diversité de fondements juridiques. En effet, les aires marines protégées françaises sont riches en elles-mêmes.
La richesse des aires marines protégées françaises
La richesse des aires marines protégées françaises se manifeste à deux égards : au niveau des outils juridiques (chapitre 1) et par rapport aux systèmes juridiques étrangers (chapitre 2).
Les divers outils juridiques français
La France a mis en place un système juridique très divers. Au sein de ce système, des outils juridiques sont classiques (section 1) et d’autres sont marginaux (section 2).
Les outils juridiques classiques
Le parc national
Le processus de création d’un parc national est long. Plusieurs étapes doivent être franchies. Cette procédure donne lieu à l’intervention d’un panel très large d’acteurs qui couvre un spectre allant du politique au scientifique en passant par l’économique etl’écologie. Une forte diversité imprègne cet élan créatif. Cette diversité est prégnante du début jusqu’à la fin du chemin.
L’article L.331-1 du code de l’environnement est l’article majeur, central dans la sphère juridique du parc national. En effet, le législateur, par cet article, énonce les principes qui doivent présider à la création du parc national. Ainsi, l’article L.331-1 exprime le caractère multidimensionnel du parc national : il peut comporter des « espaces terrestres ou maritimes »
Le législateur entend favoriser un large usage de l’instrument juridique qu’est le parc national pour protéger l’environnement. Cette idée se vérifie clairement à l’aune de la richesse des éléments naturels dont la protection peut motiver la création d’un parc national.