La révolution par le renversement des valeurs

Viril = lâche?

Admettons-le : les femmes ont fait des hommes ce qu’ils sont devenus aujourd’hui. Elles ont préparé leurs fils, quand ils étaient enfants, à ce rôle, elles le leur ont présenté comme le privilège exclusif du sexe masculin, elles les ont convaincus que c’est en agissant ainsi, et non autrement, qu’ils seront désirables pour l’autre sexe. Finalement, elles en tirent davantage.
Mais supposons qu’il y ait des femmes — et il doit y en avoir — qui ne recherchent pas les hommes manipulés et dressés à vie. Comment pourront-elles découvrir quelque chose de désirable chez ces masochistes serviles, vénaux, exténués, pleins de complaisance envers tous et envers eux-mêmes, qu’on leur présente au long de leur vie comme étant des hommes? Que leur reste-t-il d’autre sinon de demeurer solitaires ou d’entrer en silence dans les rangs des profiteuses?
Est-ce seulement par pitié que les femmes affirment sans cesse à leurs partenaires qu’ils sont forts, intransigeants, virils, alors qu’en réalité ils ne font très exactement que ce qu’on attend d’eux? Est-ce seulement un souci d’humanité qui les oblige à continuer à dresser leurs fils comme leurs maris ont été dressés par leur mère, pour qu’une fois devenus hommes ils n’arrivent jamais à concevoir à quel point ils sont ridicules? Serait-ce par résignation qu’elles exploitent les hommes comme des machines, une résignation due au fait que ce qu’elles recherchent vraiment — des hommes qu’elles pourraient aimer — n’existe presque plus?
Le rôle le l’homme est devenu absurde. En protégeant des êtres capables de se protéger eux-mêmes, il ne protège rien. En se sacrifiant pour qui n’a pas besoin qu’on se sacrifie pour lui, il se sacrifie pour rien. En s’enorgueillissant des succès qu’il doit à l’avidité d’autres que lui, il s’enorgueillit de rien. Pourquoi donc les hommes ne recherchent-ils pas un nouveau rôle? Ils devraient depuis longtemps s’être rendu compte que les représentations auxquelles ils participent se déroulent sur des scènes subventionnées et qu’ils ne doivent d’être applaudis qu’à la commodité de leur public, à sa corruption et à sa compassion. Cela leur est-il indifférent? Sont-ils satisfaits? Ou bien continuent-ils à se jouer, à force d’angoisse, cette fameuse comédie tant de fois répétée de la virilité? Les hommes sont-ils trop lâches pour se risquer à assumer un autre rôle?
Il est facile de prouver qu’ils rêvent au moins d’une vie toute différente : héros
Il est facile de prouver qu’ils rêvent au moins d’une vie toute différente : héros de westerns ou de romans policiers, ils risquent leur peau pour leurs convictions. Dans les romans d’aventures et de science-fiction, ils explorent le monde qu’on leur refuse. Dans les retransmissions sportives, ils laissent à d’autres hommes le soin de mesurer leurs forces à leur place. Dans les films sexuels, ils soumettent la partie de la société qui les a asservis. L’homme moyen a pour sujets préférés de conversation ceux où il domine les événements de sa vie de prisonnier : il y insulte ses gardiens, rosse ses contrôleurs, solde à coups de poing les offenses qu’il reçoit et prend les femmes selon son bon plaisir. Doit-on en conclure qu’il regrette la vie qu’il imagine ou — puisque dès le lendemain matin il reprend le chemin du pénitencier — qu’il préfère une fois pour toutes les illusions qu’on lui aménage? Rêver, serait-ce un but en soi pour l’homme, ou faut-il voir dans ces rêves l’expression des besoins qu’il a refoulés?
Il est malheureusement impossible de répondre à ces questions là où nous en sommes. Certes, on dit qu’au fond d’eux-mêmes les hommes n’aiment pas être libres, mais jusqu’ici rien n’est venu le prouver. Car, contrairement aux femmes, ils ne peuvent décider de leur manière de vivre. Dès leur naissance, on les forme au rôle qu’ils doivent tenir et on les y maintient par un système d’éloges et de reproches, de corruption et de chantage, tel qu’il est presque impossible qu’un homme seul puisse s’y soustraire. Et même quand il y parvient, il n’en est pas plus heureux pour cela. En règle générale, les hommes qui vivent autrement que les femmes le veulent, demeurent solitaires. Aussi la plupart n’essaient-ils pas de s’y risquer. Ils se joignent plutôt à la terreur, aux persécutions déclenchées contre les quelques dissidents qui ne pourront réintégrer les rangs des autres qu’après avoir subi, eux aussi, l’humiliation du joug. Alors seulement, ils deviendront de « vrais » hommes, c’est-à-dire des hommes qui servent les femmes avec le même zèle que pour eux-mêmes.
En d’autres mots : même si l’homme désirait plus d’indépendance il ne pourrait l’obtenir par ses propres forces. Seule la femme qui lui a ravi sa liberté pourra la lui rendre… Et il ne pourra affirmer qu’il ne désire vraiment pas d’autre vie que si on lui offre cette liberté et qu’il la refuse. Alors seulement on pourra dire qu’il se laisse emprisonner de bon gré, qu’il est d’accord pour se vendre, lui et son travail, qu’il accepte volontiers qu’on le châtre, que son asservissement économique et politique ne l’émeut guère et qu’il n’a pour ainsi dire rien à objecter à la manipulation de l’opinion publique dont il est la victime. On aura alors le droit de dire qu’on rend service aux hommes quand on les dresse en vue du travail puisque de toute façon ils ne sont bons à rien d’autre. Et on pourra alors dire que le type actuel de la virilité correspond exactement à ce que sont réellement les hommes et qu’ils mènent en somme la vie qu’ils souhaitent mener. Il s’agit donc de mettre les hommes à l’épreuve. Il est temps de leur offrir la liberté. Ce n’est qu’alors qu’on pourra savoir si oui ou non on doit se résigner.

Ce que la virilité pourrait être

Un homme viril est un homme apte à l’amour

De par sa nature même, l’amour — dont nous avons parlé dans le second livre de notre trilogie 1 — a toujours un but. Bien qu’il semble parfois que nous tombions amoureux pour notre plaisir, ce sentiment nous ramène finalement à l’instinct de conservation de l’espèce. C’est la raison pour laquelle, normalement, les hommes tombent amoureux des femmes et les femmes des hommes : nous sommes programmés en vue de nous reproduire, ce qui nous est impossible avec notre propre sexe. Et comme les générations à venir doivent elles aussi se reproduire et que l’hérédité des organes nécessaires à la procréation et à la nutrition de nouveaux êtres humains est scrupuleusement assurée, les hommes ont une préférence marquée pour les femmes qui sont largement pourvues de caractéristiques sexuelles féminines, tandis que les femmes recherchent pour faire l’amour les hommes virils. Quiconque ne remplit pas ces conditions, c’est-à-dire donne à son entourage l’impression d’être peu viril ou peu féminin, n’a guère de chances d’être aimé. Et si l’on veut ignorer cette loi et que l’on accepte les avances d’un être qui vous est indifférent au point de vue biologique, on a également peu de chances d’aimer.
Comme les femmes n’ont pas besoin de désirer l’homme avec lequel elles couchent — l’orgasme féminin ne joue aucun rôle dans la fécondation — il va de soi qu’elles sont les seules à pouvoir choisir leurs partenaires d’après un point de vue exempt de toute sexualité. Les hommes, au moins dans une certaine mesure, doivent se conformer à leur instinct. Et comme les femmes le savent, elles font tout pour accentuer la différenciation sexuelle. Plus les hommes verront en elles leur contraire — plus elles seront féminines — plus elles auront de chances d’être choisies et, par conséquent, plus elles auront de choix elles-mêmes.
Or, c’est justement le critère d’après lequel se fait le « contre-choix » féminin qui s’oppose finalement à ce que les hommes d’aujourd’hui soient sexuellement désirables. Car quand ils constatent qu’en règle générale les femmes attirantes ne choisissent pas l’homme le plus viril, mais celui qui réussit le mieux dans la vie, choisissent pas l’homme le plus viril, mais celui qui réussit le mieux dans la vie, ils ne font plus porter leur effort sur leur virilité, mais sur leur succès professionnel. Et comme ce succès n’est possible à un homme que lorsqu’il se dévirilise, celui qui fait une carrière brillante ne peut guère espérer que sa sexualité soit rayonnante. Pour vivre en homme — pour exprimer ce qu’il veut — il manque d’indépendance. Et pour agir en homme — pour déployer son activité sexuelle — il n’a plus la force nécessaire. Mais comme la présence d’une partenaire attirante suffit à le convaincre à tout moment qu’il est bien un homme, il ne se rend compte de rien et ne peut donc changer. Et les autres hommes, s’imaginant répondre ainsi à la représentation idéale que les femmes se font de l’homme, s’efforceront de faire comme lui.
Cette évolution leur permet peut-être de faire partie de la force de travail hautement rétribuée, elle ne fait pas d’eux des amants qu’une femme peut désirer. L’impression de puissance physique qui constitue une grande partie de l’attirance érotique de l’homme, doit aussi être complétée par une valeur intellectuelle correspondante. Pour que la robustesse virile soit crédible, elle doit s’accompagner d’intégrité, d’originalité, d’indépendance et de caractère. Et comme nous le verrons plus tard, c’est là un point si important que l’absence de vigueur physique peut être complètement compensée par une haute valeur intellectuelle.
Mais c’est justement cette qualité qui fait fréquemment défaut, aussi est-il peu d’hommes qui donnent une impression de virilité. L’indépendance du jugement, un comportement intègre et une façon de penser originale ne sont que préjudiciables dans une carrière professionnelle. En fin de compte, ce qui décide de l’échelon social qu’un homme peut atteindre, c’est la satisfaction de ses supérieurs et de ses clients, et ils n’élèveront la voix en sa faveur que s’il tient largement compte de leurs désirs et fait pour eux davantage que le reste des candidats à la même situation. On désigne donc à tort du nom d’agressivité la qualité qu’il faut pour réussir dans une profession. Le comportement qui consiste à s’approprier la clientèle des autres et à devenir le chouchou de ses supérieurs n’a absolument rien à voir avec un esprit offensif. Il ne s’agit certainement pas d’agressivité mais d’une faculté d’adaptation particulièrement poussée. Nul besoin pour cela de force de caractère, mais au contraire d’un genre bien défini de faiblesse.
Ainsi quiconque se voue démesurément à sa réussite professionnelle, donne, malgré ses succès, l’impression de subir une défaite permanente. Un homme travesti en femme n’exerce sur les femmes aucun attrait érotique, il en est de même de celui qui consacre toute son énergie à sa carrière et à son prestige social. Quiconque a manifestement besoin des applaudissements des autres — qu’il se tue au travail pour obtenir un titre ou un avancement, ou se considère tantôt important et tantôt insignifiant suivant ses succès et ses échecs en public — ne donne pas à son entourage une impression de force, mais de faiblesse. Même si cet homme avait le temps, la force et l’intérêt nécessaires à l’exercice de l’érotisme, les femmes ne le trouveraient guère désirable, au sens propre du mot.
Ce comportement ne neutralise pas seulement la puissance physique d’un homme, elle le ridiculise. Non seulement les hommes ne sont pas ce qu’ils prétendent être, mais ils se croient le personnage de leur rôle. Non seulement, ils passent à côté du but de leur vie, mais ils cherchent à faire accroire qu’ils l’ont atteint. Cette attitude, due en fin de compte à la manipulation dont ils sont l’objet de la part des femmes, ne peut que dégriser terriblement le petit nombre de celles qui ne se laissent guider que par l’amour. Car la contradiction entre ce que les hommes prétendent être — agressifs, intransigeants, volontaires et maîtres d’eux-mêmes — et ce qu’ils sont réellement — accommodants, fats, arrivistes et serviles — est si énorme qu’avec la meilleure volonté possible ils n’arrivent pas à s’en rendre compte. On peut admettre dans une certaine mesure qu’un homme joue à son entourage une comédie qui correspond finalement à sa volonté de survivre. Mais le fait qu’il se mente à lui-même, qu’il accepte les éloges de son chef pendant les heures de bureau, puis ceux de ses amies après son travail, gâte la joie que peut ressentir en sa compagnie la femme la plus complaisante. Lorsqu’elle doit commencer par lui affirmer qu’il est viril pour qu’il se conduise en homme, et qu’elle doit ainsi inventer d’avance le genre d’homme avec lequel elle a envie de faire l’amour, la peine qu’elle se donne ne vaut raisonnablement plus le plaisir qu’elle peut en tirer.
Soit dit en d’autres mots : les nombreuses femmes qui décident du choix de leur partenaire d’après des valeurs qui ne sont pas érotiques et qui, sans qu’il puisse y avoir le moindre doute à ce sujet, placent du même coup l’exploitation d’un homme au-dessus de leur instinct sexuel, privent le petit nombre des femmes différentes de la possibilité d’aimer. Car puisque les hommes veulent plaire aux femmes, le critère d’après lequel elles font leur choix aboutit à un excédent d’hommes utiles et à un déficit d’hommes virils. Ainsi y a-t-il un très grand nombre d’hommes qui excellent à travailler, tandis qu’on ne trouve que de temps à autre un homme apte à l’amour.
Les femmes qui recherchent les hommes pour l’amour n’ont pas la vie facile. Dans le meilleur des cas, c’est l’homme qui a aujourd’hui les plus grandes chances de pouvoir aimer, et c’est là enfin, pour une fois, un vrai privilège masculin. Aussi n’est-ce pas par hasard que des femmes de plus en plus nombreuses éprouvent des difficultés avec leur libido. Il leur est peut-être possible de se laisser désirer par ce « sexe fort » qu’elles ont formé à leur gré, mais pour qu’elles puissent désirer elles-mêmes cet homme manipulé, il faudrait un miracle.

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La révolution par le renversement des valeurs

Supposons donc qu’il existe des femmes incapables d’accepter cette situation. Imaginons — ce qui n’a rien d’absurde — qu’il y en ait auxquelles il soit difficile de renoncer à l’amour et qui aient par conséquent un intérêt tout à fait réel à ce que l’homme change. Ces femmes — en admettant qu’il y en ait — pourraient-elles inciter les hommes à devenir virils d’une manière plus conforme à la virilité? Pourraient-elles empêcher que virilité et utilité soient mises continuellement sur le même plan, et que les générations féminines de l’avenir rabaissent elles aussi leurs partenaires sexuels au rang de pères nourriciers?
Une chose est claire : dans nos sociétés occidentales, quiconque voudra faire admettre le modèle d’une nouvelle virilité ne devra pas compter sur le soutien des intéressés. Premièrement, les hommes n’ont pas conscience de ce qu’on a fait d’eux, et deuxièmement, même s’ils le voulaient, ils ne pourraient rien y changer. On leur a enseigné qu’ils sont faits pour donner tout ce qu’on leur demande : se soucier de leur propre sexe est pour eux un manque de virilité, et s’insurger contre les femmes leur paraît absurde puisqu’on leur serine continuellement que ce sont eux qui les oppriment. On peut donc soulever les hommes contre les privilèges d’une classe, d’une race ou d’une nation, mais non contre ceux des femmes. Ils sont prêts à se battre pour supprimer les injustices dont souffriraient les femmes, mais non celles qu’ils subissent. Car ils n’ont pas conscience de constituer un groupe en tant qu’hommes, et le seul intérêt qu’ils ont en commun — la Femme — est également, comme par hasard, celui des femmes! On ne pourra pas effacer au moyen d’une simple campagne d’explications un lavage de cerveau qui dure depuis des dizaines d’années : si l’on n’octroie pas aux hommes leur liberté, ils demeureront jusqu’à la fin des temps les fidèles serviteurs de leurs « esclaves », et ils continueront à se sentir d’autant plus virils qu’ils seront plus exploités.

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