La rétine

La rétine

La vision est l’un des cinq sens développés chez l’être humain, c’est le sens dédié à la perception de la lumière. Cette perception est assurée par l’organe visuel, l’œil et plus particulièrement par son capteur, la rétine. La rétine qui tapisse le fond de l’œil est composée de deux tissus, la rétine neurale et l’épithélium pigmentaire rétinien (EPR) (Figure 1). Par abus de langage, la rétine neurale est communément appelée rétine, il en sera donc ainsi dans ce mémoire. La rétine est le lieu de traduction des photons en signaux nerveux envoyés au cerveau via le nerf optique. Il s’agit d’un tissu neuronal, partie intégrée au système nerveux central (Dowling, 1987), de 0,1 à 0,5 mm d’épaisseur qui est localisé entre l’humeur vitrée et l’EPR. La rétine possède une structure stratifiée composée de 5 types de neurones (photorécepteurs, cellules bipolaires, cellules amacrines, cellules horizontales et cellules ganglionnaires) et 3 types de cellules gliales (cellules gliales de Müller, astrocytes et microglies). Ces différents types cellulaires sont arrangés en 5 couches nucléaires (Behar-Cohen et al., 2020) (Figure 2).  La couche nucléaire externe contenant le corps cellulaire des photorécepteurs  La couche plexiforme externe qui est formée par les jonctions synaptiques entre les photorécepteurs et les cellules de la couche interne  La couche nucléaire interne contenant le corps cellulaire des cellules horizontales, bipolaires et amacrines  La couche plexiforme interne, qui fait la jonction synaptique des cellules bipolaires et des cellules ganglionnaires  La couche des cellules ganglionnaires, qui se compose essentiellement des cellules ganglionnaires et de quelques cellules amacrines. Les photorécepteurs, comme leur nom l’indique, sont des neurones récepteurs de la lumière. Ils sont responsables de la transduction du signal lumineux en signal biochimique, puis électrique via une cascade appelée phototransduction. Il existe deux types de photorécepteurs, les bâtonnets et les cônes qui n’ont pas la même sensibilité spectrale. Les photorécepteurs étant le sujet majeur de la thèse, ils seront traités dans une chapitre qui leurs sera dédié. Les La rétine 40 Figure 2 : Organisation des différentes couches cellulaires de la rétine. (BioRender) 41 photorécepteurs ont des contacts synaptiques avec un type particulier d’interneurones, les cellules bipolaires qui permettent la transmission du signal lumineux. Il existe plusieurs groupes de cellules bipolaires (Euler et al., 2014) : les bipolaires des bâtonnets, reliant plusieurs bâtonnets à une cellule ganglionnaire, et les bipolaires des cônes, reliant un ou plusieurs cônes à une cellule ganglionnaire. Le signal est ensuite transmis aux cellules ganglionnaires. Ce sont les seuls neurones de la rétine à transformer le signal nerveux en potentiel d’action (Figure 3). L’ensemble des axones des cellules ganglionnaires se regroupe au niveau de la papille optique pour former le nerf optique qui propage le signal visuel, au niveau du cerveau. Il existe une très grande diversité de cellules ganglionnaires qui ont des caractéristiques anatomiques, physiologiques, fonctionnels et moléculaires spécifiques (Nguyen-Ba-Charvet and Rebsam, 2020). Le signal provenant des photorécepteurs est modulé par d’autres neurones au niveau de la couche plexiforme externe par les cellules horizontales qui sont de trois types, HI, HII et HIII (Poche and Reese, 2009). Les cellules horizontales sont connectées latéralement à plusieurs cônes, bâtonnets et neurones bipolaires et leur rôle est d’inhiber l’activité des cellules avoisinantes par inhibition latérale dont le principe est d’augmenter le contraste du signal visuel. Au niveau de la couche plexiforme externe, les cellules amacrines forment une voie alternative de communication entre la rétine externe et interne que ne repose pas sur les cellules bipolaires. La morphologie des cellules amacrines est très diversifiée, il en existe 29 types (Hartveit and Veruki, 2012), qui ont des prolongements dendritiques distincts et utilisant une grande diversité de neurotransmetteurs. Leur corps cellulaire est situé dans la couche nucléaire interne. 

Les photorécepteurs

La structure des photorécepteurs est particulière car ce type cellulaire possède un segment externe qui est le siège de la phototransduction, un segment interne où se trouve toute la machinerie cellulaire, un cil connecteur qui relie le segment externe et le segment interne et un pied où se situent les terminaisons synaptiques (Figures 5). Le cil connecteur est l’unique connexion entre les deux segments, il est donc impliqué dans les processus d’échange de nombreuses molécules, notamment des protéines mais aussi des phospholipides (Trojan et al., 2008). Le segment externe est formé d’un empilement de disques, fait d’une bicouche lipidique, interne à la membrane cellulaire, pour les bâtonnets et dans le prolongement de la membrane cellulaire pour les cônes. C’est sur ces disques que sont localisés les pigments visuels sensibles à la lumière, des protéines à 7 domaines membranaires couplées aux protéines G, les opsines. Pour les bâtonnets, ce segment externe est particulièrement long et contient donc de très nombreux pigments visuels, c’est ce qui les rend 1 000 fois plus sensibles à la lumière que les cônes, dont les segments sont plus courts. Pour les cônes, ces segments ont une forme effilée, en cône. Les segments externes des photorécepteurs sont constamment renouvelés (Young, 1967). Les membranes et protéines membranaires qui les composent, migrent donc progressivement du pôle basal (côté segment interne), où ils sont synthétisés et assemblés vers le pôle apical (en regard de l’EPR), où ils sont phagocytés. Le segment interne des photorécepteurs contient toute la machinerie cellulaire : le noyau et les organites (les mitochondries, l’appareil de Golgi, etc.) indispensables au fonctionnement cellulaire du photorécepteur. La terminaison synaptique est le lieu de transmission du signal électrique produit par la lumière vers les neurones internes de la rétine. 

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Les bâtonnets

Les bâtonnets, très sensibles à la lumière, sont le support de la vision scotopique, c’est à dire la vision nocturne, à faible luminosité. Cette vision n’est qu’en noir, blanc et nuances de gris car les bâtonnets ne perçoivent pas les couleurs. Les bâtonnets, comme la plupart des récepteurs cellulaires du système sensoriel, n’expriment qu’un seul pigment visuel, la rhodopsine « du grec rhodos, rose, et opsis, vision ». Cette molécule est une protéine à sept domaines transmembranaires, l’opsine. La rhodopsine établit une liaison covalente avec le rétinal, qui n’est autre qu’un aldéhyde de la vitamine A (rétinol). La molécule d’opsine qui lie le rétinal, est synthétisée dans l’appareil de Golgi dans le segment interne, puis est transportée via des vésicules jusqu’au cil connecteur où elle est incorporée dans la membrane des disques (Bachmann-Gagescu and Neuhauss, 2019). Le rétinal, produit de la vitamine A est issu de l’alimentation et transportée par la circulation sanguine à la choroïde et transmis aux photorécepteur à travers l’EPR. La molécule de rétinal est commune aux bâtonnets et aux différents types de cônes. 2.2. Les cônes Les cônes sont responsables de la vision photopique, c’est à dire la vision de jour, à forte luminosité. Ils permettent une vision très résolutive chez les primates et les oiseaux, grâce à la présence au centre de la rétine de la fovéa (Figure 6) qui ne comprend exclusivement que des photorécepteurs à cônes. Les cônes permettent également de distinguer les couleurs grâce aux différentes sensibilités spectrales de sous-types de cônes. En effet les cônes se répartissent en trois grandes familles chez l’homme et les autres primates, L (long), M (medium) et S (short) correspondant respectivement à leur sensibilité aux longues, moyennes et courtes longueurs d’ondes (Wilkinson et al., 2017). Les cônes exprimant l’érythropsine sont sensibles pour des longueurs d’onde correspondant au rouge (opsine-L), ceux exprimant de la chloropsine, au vert (opsine-M) et ceux exprimant de la cyanopsine, au bleu (opsine-S) (Figure 7). Ces trois types de récepteurs sont inégalement répartis sur la rétine des primates. Alors que la fovéa comporte essentiellement des cônes L et M, les cônes de types S se trouvent essentiellement en région parafovéolaire. En dépit de la régularité évoquée plus haut, la répartition des différents types de cônes dans la rétine, est aléatoire. Cette répartition aléatoire des différents types de cônes permet  d’éviter des aberrations visuelles lorsque le sujet regarde des motifs réguliers. C’est la séquence en acides aminés des opsines des cônes qui détermine le spectre de longueurs d’ondes absorbées.

La phototransduction

Les molécules d’opsine sont des protéines à sept domaines transmembranaires couplées à la protéine G, également appelées récepteurs couplés aux protéines G (Baylor, 1987; Wilkinson et al., 2017). Les opsines établissent une liaison covalente à travers une lysine intramembranaire avec le rétinal (Wald, 1933). Le rétinal existe sous forme de deux stéréoisomères, le 11-cis- et le tout-trans-rétinal. Lors de l’absorption d’un photon dans le domaine visible, celui-ci déclenche une isomérisation cis/trans du rétinal appelée photoisomérisation. La photoisomérisation entraîne un changement de conformation de l’opsine à laquelle le rétinal est lié et initie la cascade de phototransduction. En effet ce changement de conformation qui est détecté par une protéine G intracellulaire, la transducine qui va induire toute une cascade de réactions biochimiques (Figure 8). Cette cascade induit la fermeture de canaux sodium puis des canaux calcium, ce qui provoque l’hyperpolarisation membranaire du photorécepteur et bloque la libération d’un neurotransmetteur, le glutamate. Le signal électrochimique est alors transmis aux neurones internes de la rétine. La phototransduction la plus connue est celle des bâtonnets1 .

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