La responsabilité morale des multinationales

Les risques économiques

Les risques économiques sont les plus récurrents au sein des entre-prises. Au plan macroéconomique, un retournement de cycle écono-mique, la chute des marchés financiers ou encore la baisse de la demande des ménages liée à une augmentation rapide du taux de chômage, pèsent sur le futur des entreprises et plus particulièrement sur leur capacité d’investissement. Les variations des taux de change constituent un autre risque pour les entreprises. Un euro fort par rapport au dollar peut affaiblir la compétitivité des entreprises euro-péennes face aux entreprises américaines. Il peut aussi mettre en danger une entreprise européenne qui a développé sa stratégie d’exportation en direction des États-Unis puisque ses produits sont plus chers et donc moins concurrentiels.
Au niveau microéconomique, la gouvernance d’entreprise pose aussi des difficultés. Celle-ci désigne l’ensemble des procédures régissant le fonctionnement de la relation entre les différentes parties prenantes d’une organisation (actionnaires, dirigeants, salariés). Or les défaillances de la gouvernance d’entreprise sont également vecteurs de risques majeurs pour l’entreprise. Les affaires Vivendi ou Enron sont là pour le démontrer.
On pourrait encore citer bien d’autres risques économiques : l’inflation ou à l’inverse la déflation, l’évolution du PNB ou encore l’endettement des ménages. En récession par exemple, comme l’activité économique dans son ensemble est atone, les entreprises vendent moins ; elles cherchent alors à attirer de nouveaux consommateurs en baissant leurs prix, ce qui a des conséquences sur le résultat net de leur bilan. Ayant vendu à des prix plus faibles que le prix souhaité, elles bénéficient d’un résultat net inférieur aux espérances, ce qui en chaîne implique l’affaiblissement de la capacité d’autofinancement, la dépréciation de leurs cours de bourse, etc.
Il est indispensable d’avoir conscience que les périodes de récession ne sont pas les seules génératrices de risques. Même en période d’euphorie, les risques peuvent s’avérer aussi importants et donc dangereux car les entreprises se réfrènent moins à effectuer des inves-tissements spéculatifs. On notera que la plupart des malversations jugées aujourd’hui ont été commises en pleine euphorie boursière en 1999 et 2000. « Les PDG et les directeurs financiers étaient obnubilés par l’idée que le cours de la Bourse ne devait baisser à aucun prix » rapporte David Brodsky (cité dans le Figaro Entreprise, « Les gangsters de Wall Street », lundi 22 mars 2004, p. 11), associé du cabinet Latham & Watkins, ancien procureur fédéral et spécialiste des contentieux. En effet, pour soutenir les cours, des sociétés comme WorldCom ou Enron sont accusées d’avoir réalisé des malversations comptables.

Les risques socioculturels

Les risques socioculturels peuvent prendre différentes configurations. Ils peuvent être rattachés aux évolutions démographiques, à la distri-bution des revenus, à la mobilité sociale, aux changements de modes de vie, à l’attitude par rapport aux loisirs et au travail, au consumérisme et au niveau de vie.
En fonction de son implantation, une entreprise est confrontée à ces différentes configurations aux allures plus ou moins critiques. Par exemple, la démographie peut être un élément fort perturbateur pour l’entreprise. Rares sont les études qui se sont intéressées aux consé-quences du vieillissement de la population sur le fonctionnement des entreprises et les risques qu’elles vont devoir affronter. Or si on suppose que plus les gens vieillissent dans les sociétés occidentales, plus ils ont tendance à rester longtemps au sein de leur entreprise, et que plus ils restent longtemps, plus ils deviennent difficiles à licencier, le licenciement devenant plus complexe et plus coûteux, à terme, les entreprises disposent de personnes peu mobiles, aux compétences obsolètes et difficiles à licencier. Dans ces conditions, une entreprise peut avoir intérêt à s’implanter dans un pays non occidental où la population est relativement jeune.
Les changements de modes de vie peuvent avoir aussi un impact important sur le dynamisme des entreprises. À cet égard, les trans-formations des modes de vie des Japonais n’ont-elles pas été l’une des composantes de la crise qui a affecté le Japon au cours de la dernière décennie ? L’économiste japonais Masahiko Aoki notait que le fonc-tionnement des organisations japonaises des années 1980, basé sur la solidarité et l’ostracisme qui puise ses sources dans la civilisation japo-naise, avait eu un impact positif sur les résultats des firmes japonaises. Or, entre les décennies 1980 et 1990, beaucoup de choses ont évolué au Japon. En même temps que l’individualisme progressait, l’attitude par rapport aux loisirs et au travail évoluait et l’efficacité des entreprises nippones s’altérait. Par exemple, la firme Sony fait aujourd’hui bien triste figure par rapport au Sony des années 1970, 1980. On peut alors se demander s’il n’y a pas de lien de corrélation entre l’évolution de la société japonaise et les performances de ses entreprises. Il n’est pas sûr que le Japonais consacre autant de temps et d’efforts à son entre-prise. Imitant le mode de vie occidental, celui-ci tend par exemple à prendre plus de vacances et par conséquent à travailler moins.

Les risques technologiques

Les risques technologiques correspondent à l’ensemble des risques industriels, nucléaires et biologiques. Ils concernent principalement les entreprises présentes dans les domaines d’activités suivants : les industries chimiques, les élevages intensifs ou les activités de traitement des déchets.
Les défaillances les plus célèbres sont celles de l’usine de Seveso en 1976, des centrales nucléaires de Tchernobyl, de l’usine chimique de Bhopal ou encore de l’usine AZF. Elles ont des conséquences matérielles et surtout humaines considérables.
En raison des drames produits, les sites à risques technologiques sont recensés depuis une vingtaine d’années. Les entreprises doivent impérativement obtenir une autorisation pour réaliser leur activité. En France, en 2001, 64 600 établissements bénéficient ainsi d’une autorisation. Parmi ces 64 600, 1 239 sont considérés comme très dangereux, soit 2 % des établissements d’après le classement Seveso, classement recensant au niveau européen les établissements les plus dangereux.
Par ailleurs, il faut savoir que depuis le 3 février 1999, ce classement est modernisé et remplacé par la Directive 96/82/CE du Conseil du 9 décembre 1996, dite Seveso II. Seveso II concerne principalement les établissements disposant de substances dangereuses, telles que des produits chimiques, des hydrocarbures, des produits phytosanitaires ou encore des explosifs. Seveso II a un intérêt par rapport à Seveso puisqu’elle met l’accent sur les dispositions de nature organisationnelle que doivent prendre les exploitants de ces établissements en matière de prévention des accidents majeurs.
En effet, il est apparu qu’une grande partie des risques était liée à des défaillances humaines ou des anomalies d’organisation. Selon les données du ministère de l’Écologie et du Développement durable, ces défaillances humaines et anomalies d’organisation seraient, en France en 2003, à l’origine de respectivement 28 % et 42 % des accidents chimiques, 35 % et 24 % de ceux touchant les industries alimentaires.
Par conséquent, la maîtrise des risques industriels nécessite le contrôle de l’organisation du travail dans les entreprises. C’est en ce sens que la réglementation Seveso II attire l’attention sur la nécessité de mettre en place un système de gestion de la sécurité, intégrant la mise en œuvre de procédures, la définition d’une organisation et des formations qui permettent de prévenir et de faire face à des accidents majeurs.

LES RISQUES DES ANNÉES 1990, 2000

À la fin des années 1990, les entreprises américaines, asiatiques, européennes et même africaines font face à la montée en puissance de risques qui n’avaient qu’une place mineure parmi l’ensemble des risques, une décennie plus tôt. De grands groupes ne sont plus seule-ment déstabilisés par les risques politiques, économiques, socioculturels et technologiques que nous avons décrits précédemment, mais égale-ment par l’émergence de nouveaux risques, tels que le développement de la cybercriminalité, la multiplication de plaintes pour harcèlement, le terrorisme, l’insécurité dans les entreprises ou encore la mauvaise santé de leur personnel.
Ce qui nous importe ici est de définir précisément les contours de ces nouveaux risques et de tenter de comprendre les raisons de leur appa-rition. En ce sens, d’après nous, les entreprises ont à prendre en compte avec plus de sérieux deux nouvelles formes de risques : d’une part les risques physiques et moraux, et d’autre part les risques informationnels, les uns et les autres en venant généralement à interagir.

Les risques physiques et moraux

Tout homme a le droit à la sécurité, à la dignité et à la santé. Ces droits qui correspondent aux Droits de l’homme sont fondamentaux à toute organisation humaine si celle-ci souhaite survivre. Or, pendant long-temps, les entreprises se sont peu intéressées à cette question, soit se reposant sur l’État, soit outrepassant dans certains cas les règles sociales les plus élémentaires.
Ce n’est qu’à partir des années 1990, que cette question leur est apparue problématique. En effet, à partir de ce moment-là, le nombre de plaintes pour harcèlements physiques ou moraux à l’encontre des dirigeants d’entreprises se multipliait. De même, des affaires impor-tantes (cf. encadré suivant) surgissaient, laissant apparaître que des entreprises de renom recourraient à de la main-d’œuvre infantile. On découvrait enfin que la sécurité ou la santé des employés n’était pas toujours assurée. Les affaires liées à l’amiante sont là pour le prouver.
Dans ce contexte, un grand nombre d’entreprises ont dû réagir. Ainsi, Richard Welford, responsable du programme de gouvernance environnementale des entreprises de l’université de Hongkong, a pu observer auprès de 15 entreprises d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie, qu’elles s’étaient toutes impliquées activement dans l’élabora-tion et la mise en œuvre de politiques RSE (Responsabilité sociale des entreprises). Ce type de politique a pour principal objectif de démontrer qu’elles ont à cœur la défense des conditions de travail des salariés et de leur dignité.
On peut également signaler que les entreprises utilisent de manière croissante des moyens de sécurité privés afin d’assurer la sécurité des biens et des personnes de leur entreprise. Agents de sécurité, sécurité électronique, télésurveillance sont maintenant utilisés de manière quasi systématique par les entreprises. De même, de plus en plus d’entre-prises sont attentives aux risques de harcèlement et mettent en place avec l’aide des partenaires sociaux des plans d’actions préventives.
Les équipes DRH de Canal+ formées aux aspects juridiques et psychologiques du harcèlement Suite à une plainte pour harcèlement moral, qui fut finalement rejetée par la Justice, Canal+ décida de former son équipe de DRH. Une fois la formation effectuée, celle-ci forma à son tour près de 200 managers. D’une part, des séminaires de sensibilisation furent réalisés, afin de s’assurer que ces managers prennent bien la mesure du problème et notamment les sanctions encourues. D’autre part, des formations spécifiques furent entreprises afin d’apprendre à gérer un conflit avec un collaborateur sans que cela prenne un tour personnel ou agressif. Enfin, un programme de vigilance fut élaboré avec un mode d’emploi sur intranet pour tous les salariés qui s’estiment victimes de harcèlement : chacun peut saisir des interlocuteurs à différents niveaux de l’entreprise, et si cela ne suffit pas, s’adresser à un comité de sages extérieurs.
Steinmann L., « Apprendre à mieux gérer son comportement face aux recours en justice », Paris, Enjeux Les Échos, p. 60, n° 210, février 2005.
Il est donc clair à travers ce qui vient d’être écrit, que les entreprises sont plus sensibles à la protection des Droits de l’homme qu’elles ne l’étaient dix ans plus tôt. Certes, cette sensibilité n’est pas la même en fonction des entreprises, leur degré d’investissement non plus. De même, de nombreux problèmes restent en suspens, tel que la ques-tion de la discrimination. Néanmoins, des avancées notables sont en cours par rapport à la gestion des risques physiques et moraux au sein des entreprises. Partant de ce constat, il est légitime de comprendre pourquoi celles-ci attachent plus d’importance à la sécurité, à la dignité et à la santé de leurs employés.
Première explication, les formes de l’insécurité se durcissent. Les atteintes aux personnes ont augmenté véritablement à partir des années 1990. Si ces atteintes augmentent lentement entre 1950 et 1988, elles prennent un essor quantitatif notable à partir de la décen-nie 1990. Ainsi en France, on dénombre 116 600 atteintes à la personne en 1988 et 254 023 en 2000.
Le monde de l’entreprise, comme la société en général, est exposé aux comportements agressifs. Des recherches ont récemment été effectuées démontrant le nombre grandissant de victimes dans le cadre de leur travail. D’après certaines statistiques, 40 % des employés rencontreraient de l’agressivité et de la violence, et 15 % des intimi-dations sexuelles. Les coupables de ces délits sont soit des clients, soit des collègues. Il est également observé que plus les contacts sont fréquents avec le public, plus le risque devient important pour le travailleur de devenir victime. En effet, d’après une enquête améri-caine effectuée entre 1992 et 1996, plus de la moitié des individus victimes l’avaient été dans un espace recevant du public (C. Mayhew, Preventing client-initiated violence : A practical handbook. Canberra : Australian Institute of Criminology, 2000).
La conséquence de cette observation est évidente. Les entreprises sont aujourd’hui obligées de prendre des mesures pour assurer la sécurité de leur personnel sur leur lieu de travail. Quand celles-ci ne parviennent pas à lutter contre l’insécurité, elles n’ont d’autres solutions que d’interrompre leur activité. Dans cette perspective, les multinationales de l’intérim, telles que Adecco ou Manpower, ont été obligées ces dernières années de sécuriser leurs agences en recrutant du personnel de sécurité et en mettant du matériel de surveillance pour faire face aux violences répétées de personnes à la recherche d’emploi sur le personnel de l’entreprise. Certaines agences ont même dû être fermées, comme c’est le cas de plusieurs agences Adecco en région parisienne au cours notamment de l’année 2004.
Deuxième explication, les formes de l’insécurité se diversifient. À l’étranger, les entreprises françaises sont à cet égard confrontées à une recrudescence de crimes qu’elles ne connaissaient pas ou peu une décennie auparavant. En Amérique latine, en Afrique ou en Asie, un développement sans précédent du nombre d’enlèvements, d’extorsions et d’actes de piraterie est recensé. Ainsi, par exemple, les détournements de navires et la piraterie seraient en augmentation selon le Bureau maritime international (IMB) puisqu’ils auraient triplé (Source IMB, 2003) dans la dernière décennie et constitueraient un risque lourd, notamment pour les sociétés de transport exerçant en Asie du Sud-Est. De même, les voyageurs d’affaires ou les expatriés sont des cibles privilégiées car ils ont une valeur marchande. Dans cette perspective, le nombre d’enlèvements a progressé de 70 % au cours de la dernière décennie : en 2000, il a été dénombré 15 000 enlèvements impliquant le paiement d’une rançon (Éric Dénécé & Sabine Meyer, Tourisme et terrorisme, Paris, Ellipses, 2006). Pour ce qui est du cas de la France, les formes d’insécurité sont tout autres. En effet, en France, les entre-prises connaissent aussi des phénomènes d’insécurité même si ces derniers prennent des formes moins excessives. On pense à ce que le politologue Sebastian Roché appelle des « incivilités » qui englobent toutes les petites nuisances, entraînant rarement des incriminations pénales et qui sont pourtant insupportables. Il s’agit d’actes de vanda-lisme, de dégradations ou du refus des codes de « bonnes manières ». Ils créent davantage un sentiment d’insécurité chez les individus qu’une augmentation du nombre des délits.
Ces incivilités ne pèsent lourdement sur les entreprises que depuis quelques années. Ainsi, on se rend compte que ce sont les secteurs employant de la main-d’œuvre peu ou pas qualifiée qui rencontrent le plus de problèmes : BTP, la grande distribution, le marketing téléphonique, la logistique, la restauration, l’hôtellerie, et même l’auto-mobile. En effet, pour faire face aux commandes, les constructeurs ont largement fait appel à l’intérim, sans se montrer sourcilleux dans la sélection. Certains constructeurs se seraient alors plaints d’actes d’incivilités en tout genre : affrontements entre bandes, altercations dans les ateliers, vols et dégradations.
Troisième explication, l’absence de prise en compte de la santé, de la dignité et de la sécurité des salariés a un coût de plus en plus élevé. D’une part, parce que les entreprises constatent depuis ces dernières années que l’insécurité au travail, la mauvaise santé ou des mauvais traitements ont un impact négatif fort sur l’activité économique de l’entreprise. En Afrique, par exemple, les grands groupes se sont rendu compte que la démultiplication des morts par le virus du sida (Debaswana, la plus grande société de diamants du Botswana, a vu par exemple le nombre de décès dus au sida tripler en son sein entre 1996 et 1999) avait pour conséquence une perte de savoir-faire, une baisse du moral des salariés et de la productivité. Dans ce contexte, de grandes entreprises, telles que Coca-Cola, DaimlerChrysler ou de Beers se sont engagées, depuis 2003, à payer les traitements pour leurs salariés et pour leur famille (Belot L., « Le sida, un risque croissant pour les entreprises en Afrique », Le monde, 21.05.2003).
D’autre part, parce que les conséquences juridiques peuvent être extrêmement onéreuses. Une entreprise qui ne respecte pas les droits du travail, qui pratique la discrimination sexuelle ou encore qui ne prête pas assez attention à la sécurité de ses salariés risque de voir ces derniers l’attaquer en justice. À ce titre, Wal-Mart, le géant américain de la distribution, doit actuellement faire face à la plus grande plainte collective jamais déposée aux États-Unis pour discrimination sexuelle. Autre exemple, la Direction des constructions navales (DCN) a appris à ses dépens qu’une entreprise ne doit pas sous-estimer les risques d’un attentat lorsqu’elle envoie du personnel à l’étranger. En effet, suite à l’attentat de Karachi (Pakistan), le 8 mai 2002, qui a entraîné la mort de onze de ses salariés qui étaient là-bas en mission, les familles des victimes ont saisi le tribunal des Affaires sociales de la Manche d’une action en reconnaissance de faute inexcusable et ont obtenu gain de cause, les juges ayant considéré que : « compte tenu des informations dont elle disposait à l’époque, la DCN aurait dû avoir conscience des risques majeurs d’un attentat pouvant être perpétré contre ses salariés » (F.H., « La DCN condamnée dans l’attentat de Karachi », La Tribune, 06.02.2004).
Enfin, il peut y avoir un coût en termes d’image. Une entreprise qui néglige les droits fondamentaux, risque de voir sa réputation ternie, et le public se détourner de ses produits. C’est particulièrement notable pour les grandes marques qui doivent en cas de négligence adopter une stratégie de reconquête d’image particulièrement coûteuse (cf. encadré suivant).

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