La résistance des bactéries aux antibiotiques et conséquences

Le genre Salmonella

La contamination des volailles par Salmonella est à prendre en compte en fonction de son incidence chez l’homme, non seulement en raison des risques de toxi-infections alimentaires mais aussi et surtout à cause de la dissémination de ces microorganismes dans le milieu extérieur [20].
Les Salmonella sont des bacilles à Gram négatif appartenant à la famille des entérobactéries. Avec ces dernières elles ont en commun de fermenter le glucose, de réduire les nitrates en nitrites, et d’être dépourvues d’oxydase. Leur identification différentielle repose sur leur capacité à produire du H2S (sulfure d’hydrogène ), la possession d’une lysine-décarboxylase et l’absence d’uréase et de tryptophane désaminase. Le genre Salmonella comprend une seule espèce Salmonella enterica.
Plus de 2200 sérovars ont été isolés et ils se différencient par leurs antigènes de paroi (O) et leurs antigènes flagellaires (H). A l’exception de quelques sérovars ayant acquis une spécificité d’espèce, il faut considérer tous les sérovars comme potentiellement dangereux [12]. Les salmonelloses sont classées en deux catégories:
-les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes dues à des sérovars strictement humains, S. Typhi, S. Paratyphi A.
-les toxi-infections alimentaires et gastro-entérites du nourrisson, dues à des sérovars ubiquitaires, donc pouvant transiter chez l’homme et l’animal.
Les aliments incriminés sont les viandes et les produits carnés, volailles et produits dérivés, oeufs et ovoproduits.

L’espéce Escherichia coli

Les bactéries de l’espéce Escherichia coli sont des entérobactéries considérés comme des hôtes normaux du tube digestif de l’homme et de la plupart des animaux à sang chaud [22]. Leur présence est un indicateur de contamination fécale. Elles se caractérisent par leur capacité de produire une entérotoxine dont l’action sur les entérocytes perturbe les fonctions d’absorption normalement assurées au niveau de la muqueuse intestinale [26]. Ces microorganismes peuvent être présents dans certains aliments comme le boeuf haché, le lait et les produits laitiers et dans l’eau.

Les sources de contamination

La contamination des carcasses de volaille se fait par l’eau, le sol, l’air, les poussières, l’homme, les animaux et le produit lui-même [12], [24]. Les contaminations d’origine endogène se produisent soit directement par le sang, soit au moment de l’abattage à partir de la flore des muqueuses, de la peau, et de l’intestin [25].

Les facteurs de risque de contamination

Les enquêtes menées aux différents points de la filière de production (couvoirs, élevages, moyens de transport, chaînes d’abattage, ateliers de transformation…) ont permis de mettre l’accent sur le rôle possible des différentes étapes sur la contamination finale [19]. Les couvoirs peuvent devenir des sources de contamination si les conditions d’hygiène sont défectueuses dans les éclosoirs et dans les incubateurs. Les élevages sont des sites privilégiés d’intercontamination lorsque plusieurs paramètres peuvent apparaître potentiellement favorables (salmonelles résidentes, vecteurs animés, aliment,…) [10]. Les opérations ultérieures d’abattage et de transformation constituent aussi des étapes à risque pour l’introduction ou la diffusion des germes, notamment ceux résistants aux antibiotiques [18] [8].

La résistance des bactéries aux antibiotiques et conséquences

L’usage croissant des antibiotiques en pathologie animale s’est traduit comme en pathologie humaine par une augmentation progressive du nombre de bactéries antibiorésistantes. L’évolution de la résistance aux antibiotiques est décrite pour les espèces bactériennes majeures en pathologie animale que sont les Salmonelles et les Escherichia coli. Certains des facteurs responsables de cette évolution, pression de sélection par les antibiotiques, supports génétiques de la résistance, aspectsépidémiologiques sont envisagés afin de tirer des conséquences pratiques pour l’antibiothérapie actuelle et future.

Définition de l’antibiorésistance

L’antibiorésistance ou la résistance aux antibiotiques correspond à l’absence ou la diminution de sensibilité d’une souche bactérienne à un antibiotique [28].
On distingue deux types de résistance : la résistance naturelle qui est une caractéristique propre à une espèce bactérienne définissant le caractère « sauvage » ou sensible de cette espèce, et la résistance acquise qui caractérise certaines souches au sein d’une espèce bactérienne. Cette résistance est le résultat d’une modification génétique liée soit à une mutation, soit à une acquisition de matériel étranger [29]. Ce type de résistance constitue le problème majeur de l’antibiothérapie et explique l’usure des antibiotiques au cours du temps.

Supports génétiques de la résistance

Les gènes de résistance aux antibiotiques se situent soit sur le chromosome bactérien, soit sur des éléments extrachromosomiques appelés plasmides [13] .

Résistance chromosomique

La résistance chromosomique résulte d’une mutation chromosomique qui confère à la bactérie la possibilité de résister à un antibiotique. La mutation est un événement rare qui affecte une bactérie sur 107 à 109. Elle est spontanée c’est à dire que l’antibiotique n’intervient que comme agent de sélection en éliminant les populations sensibles et en laissant subsister et croître les mutants résistants.
La mutation est un événement stable et héréditaire, car les bactéries filles ont les mêmes caractères de résistance que la bactérie parentale. Elle est spécifique, elle n’affecte qu’un seul antibiotique [21]. La rareté du phénomène explique sa faible importance en thérapeutique, puisqu’elle ne représente que 10 à 20 % des résistances observées. Ce mécanisme de résistance est observé vis à vis des quinolones, desantibiotiques polypeptidiques, des furanes.

Résistance extrachromosomique ou plasmidique

La résistance d’origine plasmidique est un phénomène d’une grande ampleur, car elle intéresse plusieurs antibiotiques majeurs et elle s’exerce dans 90% des cas de résistance [21]. Elle résulte de l’acquisition par la bactérie de fragments d’ADN extrachromosomiques, les plasmides, qui ont la propriété de se répliquer indépendamment de l’ADN chromosomique et qui contiennent l’information génétique pour le mécanisme de résistance.
Le plasmide de résistance ou facteur R est constitué de deux unités : un déterminant de résistance qui possède l’information de résistance et un facteur de transfert de résistance qui contient l’information permettant de transférer cette résistance d’une bactérie à une autre. Ces déterminants de résistance peuvent eux mêmes passer d’un plasmide à un autre, d’un plasmide à un chromosome ou réciproquement, grâce à des transposons, c’est à dire des séquences d’insertion.
La résistance est multiple, elle touche plusieurs antibiotiques et l’usage d’un seul antibiotique peut sélectionner des souches multirésistantes. Elle est instable et réversible, car certaines bactéries peuvent perdre leurs plasmides de résistance.
Les plasmides ou facteurs de résistance sont rencontrés principalement chez les Staphylocoques et les bacilles Gram à négatif [21].

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Evolution de l’antibiorésistance

Depuis leur découverte, l’usage des antibiotiques n’a cessé de croître et de se diversifier. Ceci traduit le rôle précieux de ces substances dans la lutte contre les bactéries pathogènes, afin de réduire les effets des maladies dont elles sont responsables.
Mais après la découverte de la pénicilline par Fleming en 1929 et avant son usage thérapeutique, Abraham et Chain avaient observé que des extraits de différentes bactéries pouvaient détruire cette molécule. Ainsi le monde bactérien était capable de s’adapter aux antibiotiques et l’on a pu observer que les bactéries isolées d’infections humaines et animales, progressivement, étaient de plus en plus résistantes aux antibiotiques successivement apparus. L’évolution de la résistance des bacilles à Gram négatif est assez importante et ils sont responsables en milieu hospitalier de véritables infections endémiques. Le degré de résistance des bacilles à Gram négatif est inégal d’un groupe cellulaire à un autre. De 1950 à 1966, Smith a observé que la fréquence de résistance des E. coli aux tétracyclines, sulfamides, streptomycine, augmentait avec le temps et que la résistance à d’autres molécules (chloramphénicol, ampicilline, néomycine,…) suivait leur usage thérapeutique. A coté des E. coli, les Salmonelles restent dans l’ensemble sensibles mais peuvent par acquisition de plasmides, résister aux antibiotiques majeurs tels que le chloramphénicol, les tétracyclines, les sulfamides, et l’ampicilline.
La menace que représente, l’évolution du phénomène de résistance est directement liée au pouvoir infectieux des plasmides chez l’homme, l’animal, et dans leur environnement [21].

Conséquences de l’antibiorésistance

La fréquence de l’antibiorésistance aussi bien parmi les germes pathogènes que saprophytes, qui constituent les flores de l’animal, pose des problèmes thérapeutiques et hygiéniques.

Conséquences sur la santé animale

La résistance chez les agents pathogènes des animaux varie grandement de 0 à 90% selon l’antibiotique testé, les espèces hôtes de l’animal et l’emplacement géographique. L’antibiorésistance est une préoccupation pour la santé animale, lorsque les antibiotiques perdent leur efficacité pour le traitement ou la prophylaxie des infections bactériennes, entraînant ainsi une morbidité et une mortalité accrues chez les animaux. Ceci conduit à l’utilisation de médicaments plus coûteux, augmentant les coûts de soins de santé des animaux.

Conséquences sur la santé humaine

Au fil des années, on a observé une augmentation de la fréquence d’isolement de bactéries multirésistantes en médecine humaine. La résistance des bactéries des animaux destinés à l’alimentation peut se transmettre aux humains par la chaîne alimentaire, par l’eau, ou par contact avec des animaux [17][34]. Ceci met en cause l’usage d’antibiotiques chez les animaux d’élevage, mais il faut mesurer la part de responsabilité de l’antibiothérapie humaine. L’introduction permanente de souches en milieu hospitalier, par le biais de patients admis porteurs, quelle que soit l’origine de leur portage, ainsi que par le biais de la nourriture, a pour conséquence une possible dissémination ultérieure des souches dans l’hôpital [1]. La résistance de ces bactéries aux antibiotiques peut affecter la santé publique en limitant l’efficacité des traitements aux antibiotiques et en augmentant le nombre, la gravité et la durée des infections [31].
L’augmentation de la densité des gènes de résistance en circulation, que leur origine soit animale, ou humaine constitue un danger et pose de graves problèmes thérapeutiques.
C’est la raison pour laquelle seule une surveillance permanente de l’antibiorésistance des principaux germes pathogènes, doit permettre d’orienter le choix de l’agent antibactérien à utiliser dans le cadre d’une stratégie thérapeutique.

Surveillance de l’antibiorésistance

Face à l’augmentation de la prévalence des bactéries pathogènes résistantes aux antibiotiques, aussi bien en médecine humaine que vétérinaire, la mise en place de réseaux qui permettent de suivre cette évolution est indispensable [1] [17]. Ces réseaux permettent la détection de nouveaux phénotypes de résistance et l’étude des mécanismes correspondants, ainsi qu’une meilleure connaissance globale de l’antibiorésistance dans les élevages et donc une meilleure orientation thérapeutique. La comparaison des souches résistantes isolées dans les élevages d’animaux, les laboratoires de diagnostic vétérinaires, d’industrie alimentaire , d’hygiène, de bactériologie médicale devrait permettre de mieux définir la pratique d’emploi des antibiotiques [34]. Ces études épidémiologiques pourraient être entreprises avec la participation des pouvoirs publics et des fabricants d’antibiotiques. Des réseaux de surveillance de l’antibiorésistance ont vu le jour dans de nombreux pays, à la fois en médecine vétérinaire et humaine. En France, la surveillance chez les bovins est assurée depuis vingt ans et a été étendue à la filière avicole en 2001 [9] [17][30].
Au Sénégal, il n’existe pas de réseau de surveillance de l’antibiorésistance et peu d’informations sont disponibles sur ce sujet. Etant donné que la résistance bactérienne aux antibiotiques des animaux destinés à l’alimentation est une question préoccupante pour la santé publique, nous avons entrepris cette étude afin d’informer et de sensibiliser les différents acteurs concernés (éleveurs, consommateurs, communauté scientifique) sur les niveaux de résistance des souches de Salmonella spp et Escherichia coli isolées de la viande de poulet de chair dans la région de Dakar.

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