LA RESISTANCE DE M. TUBERCULOSIS AUX ANTITUBERCULEUX

LA RESISTANCE DE M. TUBERCULOSIS AUX ANTITUBERCULEUX

LA RESISTANCE NATURELLE AUX ANTITUBERCULEUX

Les membres du complexe M. tuberculosis sont naturellement résistants à la plupart des antibiotiques usuels (β-lactamines, les macrolides, les cyclines, les sulfamides et les glycopeptides) (Veziris et al., 2005). En effet, ils ne sont sensibles qu’à un petit nombre d’antibiotiques dits « antibiotiques antituberculeux ». Les mycobactéries non tuberculeuses présentent également une résistance naturelle à ces antibiotiques usuels. De plus, elles sont naturellement résistantes à la plupart des antibiotiques efficaces sur M. tuberculosis tels que l’INH, la PZA, l’EMB, le PAS… (Veziris et al., 2005). La faible perméabilité de la paroi mycobactérienne est la cause la plus évidente expliquant le niveau de résistance naturelle des mycobactéries aux antibiotiques (Jarlier et Nikaido, 1994). La paroi mycobactérienne est formée d’une architecture caractéristique et particulièrement complexe. Il a été estimé que la paroi des mycobactéries est 1000 fois moins perméable au β-lactamines que la paroi d’E. coli (Jarlier et al., 1991). D’autres facteurs tels que la production d’enzymes modifiant les antibiotiques et leur activité ont également été décrits chez M. tuberculosis comme, la β-lactamase responsable de la résistance naturelle aux β-lactamines (Voladri et al., 1998) ou l’aminoglycoside 2′-N-acetyltransferase impliquée dans la résistance aux aminoglycosides (Ainsa et al., 1997).

LA RESISTANCE ACQUISE AUX ANTITUBERCULEUX

A la différence des autres bactéries pathogènes qui acquièrent en général leur résistance aux antibiotiques par transfert horizontal de plasmides ou transposons portant des gènes de résistance, l’acquisition de la résistance aux antituberculeux chez M. tuberculosis provientb généralement d’altérations spontanées de gènes chromosomiques spécifiques sous la forme de mutations ponctuelles non-synonymes, de délétions ou insertions (Davies, 1998). Jusqu’à présent, aucun plasmide ou transposon de résistance n’a encore été décrit chez les mycobactéries (Veziris et al., 2005). Par conséquent, la résistance ne se transfère pas entre les mycobactéries présentes chez un même patient autrement que par multiplication, elle se transmet donc à la descendance de la bactérie mutée. Actuellement, les mutations impliquées dans la résistance de M. tuberculosis aux antituberculeux ont été mises en évidence : · dans des gènes codant les protéines cibles de l’antibiotique, diminuant l’affinité de la cible pour cet antibiotique ; · dans des gènes codant une enzyme impliquée dans l’activation de l’antibiotique, empêchant son passage de la forme pro-drogue à la forme active ; · ou dans une région génomique régulatrice provoquant la surexpression de la cible de l’antibiotique. C’est le cas de la résistance des souches tuberculeuses à l’INH ou on retrouve des mutations dans la région régulatrice du gène ahpC provoquant une surproduction de l’alkyl hydroperoxyde réductase AhpC impliquée dans la détoxification des peroxydes organiques. Malgré ces avancées majeures, certains mécanismes de résistance aux antituberculeux ne sont pas encore élucidés. Certaines souches résistantes ne présentent pas de mutation(s) dans le(s) gène(s) identifié(s) comme impliqué(s) dans la résistance aux antibiotiques concernés. Dans certaines études, des souches sensibles ont aussi montré des mutations décrites impliqués dans la résistance à l’antibiotique concerné (Hazbõn et al., 2005).

SELECTION DES MUTANTS RESISTANTS

Dès que la SM fut introduite comme agent anti-tuberculeux, l’émergence d’isolats résistants à la SM de M. tuberculosis fut observée (McDermott et al., 1947). Le même scénario s’est répété par la suite pour chaque utilisation d’anti-tuberculeux en monothérapie: INH, RIF,… (McDermott et al., 1947; Youmans et al., 1947). Par ailleurs, lorsque les bactéries sont exposées à un antibiotique, la pression de sélection favorise le développement de mutants résistants (David, 1971). GENERALITES 39 L’apparition des bactéries résistantes aux antibiotiques suit la théorie de Darwin sur l’évolution. En effet, la bactérie ayant acquis spontanément une mutation lui conférant une résistance à un antibiotique, présente un avantage sélectif par rapport aux autres bactéries. Dans ces circonstances, elle peut survivre et se diviser chez le patient traité avec l’antibiotique en question (Zhang et Yew, 2009). Diverses études ont montré que M. tuberculosis a acquis les mutations conférant les différentes résistances aux antibiotiques de façon spontanée et au hasard. La fréquence de ces mutations varie d’un antibiotique à l’autre. Quelques études ont essayé de déterminer cette fréquence malgré des résultats peu reproductibles d’une expérience à une autre (David, 1970; Tsukamura, 1972). La survenue de chaque mutant étant indépendante, la probabilité de développer un double mutant résistant à une bithérapie est égale au produit des fréquences de chaque mutant pris isolément, ce qui en fait un évènement peu probable. La thérapie combinée apparaît donc très avantageuse pour le traitement de la TB (Iseman et Madsen, 1989; Veziris et al., 2005). Une situation alarmante et potentiellement très dangereuse pour la santé publique réside dans l’émergence de souches résistantes à plusieurs antibiotiques (Chan et Iseman, 2008). Aucune mutation spécifique conférant une multirésistance n’a été encore décrite. Les souches multirésistantes sont le résultat d’une accumulation séquentielle de mutations indépendantes, conférant chacune une résistance à un antibiotique différent (Ramaswamy et Musser, 1998).

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COUT BIOLOGIQUE LIE A L’ACQUISITION D’UNE RESISTANCE A UN ANTIBIOTIQUE

La valeur sélective ou « fitness » d’une bactérie est une mesure de la capacité de celle-ci à survivre, se reproduire et être transmise (Cohen et al., 2003; Toungoussova et al., 2004). Des études antérieures ont démontré et ont proposé une théorie selon laquelle les mutations qui mènent au développement de la résistance à un antibiotique s’accompagnent d’une réduction de « fitness » car elles compromettent des fonctions vitales de la bactérie (Gillespie, 2001; Maisnier-Patin et Andersson, 2004). De ce fait, en absence de la pression de sélection des antituberculeux, les souches résistantes ne sont pas compétitives par rapport aux souches sensibles (Andersson, 2003; Cohen et Murray, 2004; Toungoussova et al., 2004). On sait néanmoins actuellement que chez M. tuberculosis certaines mutations ne sont pas associées à une perte de fitness, on parle dans ce cas de mutation « no-cost »  Gagneux et al., 2006a; Sander et al., 2002). Des mutations de compensation de perte de fitness existent aussi.

LA RESISTANCE PRIMAIRE ET SECONDAIRE

Une bactérie tuberculeuse résistante isolée d’un patient qui n’a jamais été traité pour une TB auparavant, est considérée comme une souche de « résistance primaire ». Par contre, une bactérie tuberculeuse résistante provenant d’un patient traité précédemment pour une TB (pendant au moins un mois), est probablement une mycobactérie mutante résistante apparue chez ce patient et est alors considérée comme une souche de « résistance secondaire ou acquise » (WHO, 1997). Plutôt que ces deux termes on préfère utiliser aujourd’hui respectivement les termes de « résistance initiale » et de « résistance acquise au traitement ».

LES METHODES DE DIAGNOSTIC DE LA RESISTANCE AUX ANTITUBERCULEUX

LES ANTIBIOGRAMMES SUR MILIEU DE CULTURE SOLIDE ET LIQUIDE

Les tests d’antibiogramme consistent à tester la sensibilité des bactéries aux antibiotiques par base de tests de croissance sur le milieu Löwenstein Jensen, en présence de concentration critique d’antibiotique par la méthode des proportions décrite par Canetti (Canetti et al., 1969; Canetti et al., 1963). Pour les mycobactéries, les résultats ne s’obtiennent qu’après 4 à 6 semaines mais l’antibiogramme demeure le test de référence pour la détermination de la résistance aux antituberculeux. Sur MGIT 960, il est également possible et en moins de temps que sur milieu solide, d’obtenir un antibiogramme à tous les antituberculeux (Siddiqi et al., 2012).

LES METHODES MOLECULAIRES

Les tests moléculaires ont été développés plus récemment et les résultats s’obtiennent en quelques heures ou quelques jours. Ces tests sont basés sur l’amplification des gènes impliqués dans la résistance à l’antibiotique concerné et à l’identification des mutations identifiées responsables de la résistance. Le tableau 04 récapitule les gènes connus actuellement impliqués dans la résistance de M. tuberculosis aux antibiotiques utilisés dans la thérapie anti-tuberculeuse.

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