La résiliation pour mésentente une résiliation pour inexécution de l’obligation de coopération

La résiliation pour mésentente une résiliation pour inexécution de l’obligation de coopération

La mésentente : une application de l’article 1184 du Code civil

Inconciliable avec le principe de la force obligatoire dans sa conception volontariste traditionnelle, la consécration légale de la résiliation sur demande d’un associé laisse d’autant plus songeur qu’elle a pour effet d’anéantir la personne morale. Toutefois, dès lors que l’on place la coopération au cœur de la vie sociale, la résiliation ne surprend plus. En effet, la mésentente n’est rien d’autre qu’une perte de volonté collective de coopérer à l’aventure sociale1686. Il n’est dès lors guère étonnant que le législateur ait consacré la mésentente comme cause générale de dissolution de la société aux côtés de l’inexécution d’une obligation1687. Ce n’est pas une coïncidence. La seconde n’est en effet qu’une illustration de la première. La mésentente s’analyse comme le refus de travailler ensemble et témoigne donc d’un refus d’accomplir son devoir de coopération1688 . Partant, la mésentente n’apparaît plus incompatible avec la force obligatoire du contrat dès lors que l’on postule qu’elle s’identifie bien à l’inexécution d’une obligation de coopération mise à la charge de tous. La résiliation pour mésentente se révèle aussi comme une application de l’article 1184 du Code civil relative à la résolution judiciaire pour faute1689 . 450. Une méconnaissance collective de l’obligation de coopération. Toutefois, le manquement individuel d’un associé à son obligation de coopération ne peut suffire à justifier l’atteinte au principe d’irrévocabilité. Le législateur requiert en effet un manquement collectif à cette obligation comportementale. En d’autres termes, la mésentente ne peut être comprise comme la perte de volonté de collaborer d’un seul associé. De là, certains auteurs ont estimé que l’affectio societatis ne constituait donc pas une condition d’exécution du contrat1690. Si le défaut d’affectio societatis empêche l’entrée dans la société, sa disparition ultérieure se révèle indifférente. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. D’une part, il en va de la préservation de la sécurité juridique. D’autre part, il serait paradoxal d’accueillir la demande de résiliation contractuelle d’un associé qui n’exécute justement pas son obligation de coopération1691 . 451. Dès lors que, par une disposition spéciale, l’article 1844-7-5° du Code civil admet la mésentente comme cause de dissolution de la société, la recherche d’une conciliation avec l’article 1134 du Code civil s’avère inutile. La disposition spéciale prévaut en effet sur la disposition générale. En revanche, l’absence de disposition comparable en droit commun incite à rechercher les fondements juridiques qui permettraient de consacrer la mésentente comme cause de résiliation du contrat.

EN DROIT COMMUN DES CONTRATS

L’absence de consécration de principe. Aucune disposition du Code civil ne permet la résiliation du contrat pour mésentente. Ce silence se justifie sans doute au regard de la force obligatoire des conventions et, plus précisément, de son corollaire, l’irrévocabilité contractuelle. Dès lors que les parties se sont engagées, elles ne peuvent résilier leur contrat que d’un mutuus dissensus. On l’a vu, à l’aune de la lecture classique et volontariste de l’article 1134 du Code civil, la résolution unilatérale et prématurée du contrat apparaît comme une anomalie juridique. 453. Une consécration d’exception. Pourtant, le législateur a expressément autorisé les parties à un contrat de mandat ou de dépôt à rompre unilatéralement leur engagement et ce sans requérir la preuve d’un manquement contractuel1692. Bien que surprenantes, ces facultés légales se justifient par la rupture du lien de confiance qu’elles caractérisent et qui ne permet plus la poursuite de la relation contractuelle1693. En définitive, une partie a failli à son obligation de coopération et a, de fait, porté atteinte à la force obligatoire du contrat. 454. Vers une généralisation jurisprudentielle ? Dès lors, si l’on admet que la perte de confiance, qui n’est qu’une forme de mésentente entre contractants, révèle une exécution défaillante de l’obligation de coopération, la solution doit pouvoir être étendue à d’autres contrats que le mandat ou le dépôt1694. Une décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation semble au demeurant ouvrir la voie de la généralisation. En effet, alors qu’était en cause la poursuite d’un bail à métayage, la Cour d’appel avait accueilli la demande du preneur et prononcé la résiliation du bail « pour mésintelligence entre les parties ». De manière attendue, le pourvoi faisait alors valoir que « la résiliation de droit commun d’un contrat ne peut intervenir qu’en cas de manquement de l’un des contractants à ses obligations », et que, par conséquent, « la mésentente des deux contractants, si elle ne s’accompagne pas de manquements caractérisés à la loi du contrat, n’est pas une cause de résiliation ». Or, la Cour de cassation rejeta le pourvoi aux motifs que « la cour d’appel avait souverainement retenu que le comportement agressif, injurieux et menaçant des bailleurs à l’égard des preneurs rendait impossible la poursuite des relations contractuelles normales entre eux » 1695 . A suivre le Professeur Thomas Genicon, cette décision n’est pas nouvelle et ne fait que confirmer une lecture classique de l’article 1184 du Code civil. Si la résiliation a été prononcée, c’est en raison d’un manquement contractuel caractérisé dont la gravité ne permettait en l’espèce d’envisager aucune autre issue. Cette position doit être nuancée. En l’espèce, la Cour de cassation se fonde explicitement sur la mésintelligence des contractants en invoquant « le comportement agressif, injurieux et menaçant des bailleurs ». C’est dire s’il existait un comportement compromettant la réalisation de l’objectif commun et permettant de faire application de l’article 1184 du Code civil. Contrastant avec l’opinion précédente, le Professeur François Chénedé considère que la décision révèle bien une extension de la faculté de résiliation pour mésentente consacrée en droit des sociétés. La solution se justifie en réalité par la nature distributive du contrat de bail à métayage. En effet, dans ces contrats, « la cause de l’obligation des parties ne réside pas dans l’objet de l’obligation des autres, mais dans la réalisation de la finalité de leur association ». Partant, la résiliation ne se trouverait pas subordonnée à la preuve d’un manquement contractuel, mais à la seule preuve de l’impossibilité de poursuivre l’exploitation commune. Pour cette raison, l’article 1844-7-5° du Code civil aurait constitué un meilleur fondement que l’article 1184 du Code civil

UNE FLEXIBILITE CONDITIONNEE PAR L’ATTEINTE A L’INTERET OU A L’OBJECTIF COMMUN 

La mésentente ne peut constituer de manière inconditionnelle une cause de résiliation du contrat. Aussi doit-elle revêtir une certaine gravité. Cette condition exigée implicitement en droit des sociétés (A) doit également l’être en droit commun des contrats (B). A- EN DROIT DES SOCIÉTÉS 457. L’exigence d’une mésentente grave. Si le succès de l’action en dissolution ne dépend pas de la cause de la mésentente1701, le résultat de la mésentente conditionne en revanche son admission. En effet, compte tenu de l’importance des conséquences que peut entraîner la disparition de la société, il n’apparaît pas raisonnable d’admettre de manière inconditionnelle la dissolution pour méconnaissance de l’affectio societatis1702. Pour cette raison, législateur et jurisprudence ont requis l’exigence d’une méconnaissance d’une certaine gravité1703 . Deux conceptions de la gravité sont envisageables. Elle peut tout d’abord être appréciée de manière subjective, par rapport au comportement des associés eux-mêmes et aux relations qu’ils entretiennent.

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