LA RESILIATION CONTRACTUELLE

LA RESILIATION CONTRACTUELLE

La résiliation, corollaire de la force obligatoire du contrat. Paradoxalement, la résiliation ou la résolution895 qui génère la disparition du contrat est consubstantielle de la force obligatoire. Elle permet en effet de sanctionner le débiteur qui n’a pas correctement exécuté ses obligations. Le créancier dispose ainsi d’une alternative896. Plutôt que de requérir l’exécution forcée, il peut solliciter l’anéantissement du contrat pour réparer l’atteinte portée à la force obligatoire897. La résiliation n’est donc qu’un instrument parmi d’autres de préservation de la volonté des parties. 235. Force obligatoire et résiliation judiciaire. Traditionnellement, en droit commun des contrats, la résiliation constitue l’apanage judiciaire. C’est au juge qu’il revient en principe de constater non seulement la réalité de l’inexécution contractuelle mais également d’apprécier l’opportunité de la sanction898. Elle se justifie, d’une part, par le refus de la justice privée. De crainte que le créancier ne se délie trop facilement de son engagement, le législateur a érigé le juge en gardien de l’irrévocabilité contractuelle, corollaire de la force obligatoire du contrat. Cette intervention judiciaire est d’autant plus nécessaire qu’elle permet, d’autre part, de prendre en considération les conséquences de la résiliation. Le juge ne se contente pas de vérifier que le débiteur a failli à ses obligations et que la sanction se révèle ainsi justifiée. Plus encore, il apprécie son opportunité eu égard à l’ensemble des intérêts mis en jeu par le contrat899. En somme, ce n’est que lorsque les autres remèdes se révèlent insuffisants à sauvegarder la force obligatoire du contrat que le juge est amené à la prononcer. 236. Force obligatoire et résiliation unilatérale. Si le principe de la résiliation judiciaire demeure, le droit commun développe concurremment un principe de résiliation extra-judiciaire par simple notification900. Ce dernier permet au créancier de mettre fin unilatéralement au contrat en cas de comportement grave de son débiteur. A l’instar de la résiliation judiciaire, la résiliation unilatérale permet de restaurer la force obligatoire du contrat901. Plus dangereuse car susceptible d’une utilisation abusive par le créancier, la résiliation unilatérale est appréciée pour son pragmatisme. Elle permet de pallier les inconvénients inhérents à la décision judiciaire. A la fois longue et coûteuse, la résolution judiciaire nuit à la bonne marche des affaires. C’est dire que, simple de mise en œuvre et peu onéreuse902, la résiliation extra-judiciaire devrait être consacrée par le législateur903 . 237. Application dualiste de la résiliation au contrat de société. Qu’elle soit judiciaire ou non, la résiliation s’impose comme l’un des remèdes institués par le droit commun pour corriger de manière définitive l’atteinte portée à la force obligatoire. Même si elle ne constitue pas le remède privilégié, son opportunité n’est guère contestée. Aussi peut-on s’étonner de prime abord que législateur et jurisprudence, en matière de société, se montrent tout particulièrement réticents à son exploitation. Au vrai, l’opportunité de recourir à une telle sanction diffère selon que l’on est en présence du contrat de société stricto sensu ou du contrat d’apport qui lui est sous-jacent. En effet, si l’influence du droit commun est indéniable, la résiliation étant connue des deux contrats (SECTION 1), elle mériterait d’être davantage développée concernant le contrat d’apport (SECTION 2). 

UNE INFLUENCE PATENTE DU DROIT COMMUN DES CONTRATS 

Alors que l’influence du droit commun des contrats se manifestait déjà à l’origine du Code civil par la faculté légale reconnue aux parties de résilier le contrat de société en cas d’inexécution par un associé de ses obligations (§1), la jurisprudence a accru cette influence en généralisant la validité des clauses d’exclusion qui permettent à la société de mettre fin au contrat d’apport souscrit par l’associé défaillant (§2). 

 LA CONSECRATION LEGALE DE LA RESILIATION JUDICIAIRE DU CONTRAT DE SOCIETE 

A l’instar du droit commun des contrats, les associés disposent en théorie de la faculté légale de solliciter du juge la résiliation du contrat de société pour inexécution d’une obligation par un coassocié (A). Cependant, cette faculté ne sera en pratique que rarement mise en oeuvre 

UNE INFLUENCE THEORIQUE CERTAINE 

Si le législateur a offert aux associés la possibilité de dissoudre la société en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle par l’un d’entre eux, il n’est pas certain qu’il eût été utile d’instituer un fondement textuel spécifique (1), d’autant que l’étude des conditions de mise en œuvre révèle d’importantes similitudes avec le droit commun des contrats (2). 1- La remise en cause de l’intérêt d’un fondement textuel autonome 241. La dualité des fondements textuels. En droit commun des contrats, l’article 1184 du Code civil consacre la possibilité pour un créancier de requérir du juge la résolution du contrat pour inexécution d’un engagement904 par son débiteur. En parallèle, en droit des sociétés, l’article 1844-7-5° du Code civil offre à un associé la possibilité de demander en justice la dissolution de la société pour inexécution d’une obligation par un autre associé. Or, sur le plan juridique, la dissolution de la société a les mêmes effets que la résiliation du contrat instituée pour les contrats à exécution successive : il est mis fin pour l’avenir aux relations entre les associés. Partant, cette disposition semble de prime abord ne constituer que la réplique exacte de l’article 1184 du Code  civil905. La consécration de la résiliation judiciaire du contrat par le droit commun ne rend-elle pas inutile la disposition spécifique ? Est-on en présence d’une redondance volontaire906 ? A bien les analyser, ces deux dispositions font cependant apparaître des différences non négligeables quant à leur domaine d’application. Si le droit commun a vocation à recouvrir un champ plus large, il n’est pas pour autant certain qu’en l’absence de disposition spéciale, il puisse s’y substituer et s’appliquer au contrat de société lui-même.

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