Les récifs coralliens représentent la seule structure bio-construite visible depuis l’espace. Ces écosystèmes marins se situent globalement dans la zone intertropicale entre 30°N et 30°S (Figure 1) caractérisée par des eaux chaudes (16 to 34°C) et oligotrophes (Stoddart, 1969). Ces écosystèmes s’étendent sur environ 600 000 km² et représentent ainsi environ 0.17% de la superficie des océans (Smith, 1978). Ils concentrent environ 830 000 espèces, soit 32% des espèces marines connues à ce jour (Fisher et al., 2015), et assurent de nombreux services écosystémiques (Moberg and Folke, 1999). Ils sont une ressource naturelle d’une importance économique capitale, calculée à 375 milliards de dollars par an (Costanza et al., 1997). Les récifs coralliens se forment par accumulation successive de carbonate de calcium (CaCO3) sous forme d’aragonite sécrétée par les organismes calcifiants tels que les coraux scléractiniaires, et les algues corallines qui représentent les principaux bio constructeurs des récifs coralliens (Goreau, 1963).
La majorité des récifs coralliens (>60%) sont pourtant directement impactés par des actions locales de l’homme, notamment proche des zones les plus peuplées, comme la surpêche, le développement côtier, la pollution et la destruction physique. Si l’on combine les effets des stress associés à l’augmentation de la température moyenne globale, 75% des récifs mondiaux apparaissent menacés, dont la menace principale est le blanchissement massif des coraux, qui devrait toucher sévèrement 95% des récifs mondiaux d’ici 2050 (Burke et al., 2011). Ainsi le pourcentage de récifs coralliens considérés à risque a augmenté de 30% en 10 ans avec une augmentation à la fois au niveau local et au niveau global dans toutes les régions du monde. Les récifs coralliens du Moyen Orient et l’Atlantique sont ceux les plus à risques. Les rejets incessants de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère sont responsables du réchauffement climatique, avec une augmentation des températures de presque 1°C depuis les années 1880 jusqu’à nos jours, mais aussi de l’acidification des océans à cause de l’augmentation des concentrations en CO2 absorbés par les océans. L’augmentation de la température de l’eau de mer et l’acidification des océans sont les premières causes responsables, respectivement, d’épisodes de blanchissements massifs et d’altération de la croissance du squelette corallien (diminution de la zone de saturation de l’aragonite) des récifs coralliens au niveau global (Anthony et al., 2008; Burke et al., 2011; IPCC, 2014). De plus, bien que plus de 70% des récifs coralliens soient en dehors d’aires marines protégées, seulement 6% des aires marines protégées sont considérées comme efficaces. En considérant l’étendue et la sévérité des impacts que subissent les récifs coralliens aujourd’hui, des actions doivent être menées afin de protéger les récifs coralliens notamment par la mise en place de nouvelles méthodes de gestion au niveau local, mais aussi en travaillant sur les potentialités d’augmenter la résilience des récifs coralliens (Burke et al., 2011).
Biologie
Les coraux scléractiniaires modernes sont apparus pendant le trias entre 200 et 250 millions d’années et ont connu une radiation évolutive pendant le cénozoïque à l’époque du paléocène il y a 65 millions d’années (Veron, 2013). Les coraux scléractiniaires sont des animaux de l’embranchement des cnidaires hexacoralliaires, comportant une symétrie radiaire d’ordre 6. Animaux majoritairement coloniaux, tous les coraux scléractiniaires, ont une unité fonctionnelle commune qui est le polype. Ce sont des organismes diploblastiques, ne comportant que 2 feuillets cellulaires, l’ectoderme et l’endoderme, séparé par une mésoglée, non cellulaire.
L’ectoderme, en contact avec le milieu extérieur, possède des cellules spécialisées communes à tous les cnidaires, notamment les cnidocystes, pour la capture de proies (Mariscal and McLean, 1976) mais aussi des mucocytes, qui possèdent potentiellement de nombreux rôles. La production de mucus (matrices de protéines et de polysaccharides) pourrait être notamment favorable à la colonisation par les micro-organismes, l’hétérotrophie ou les défenses physico-chimiques (Fransolet et al., 2013; Piggot et al., 2009). L’ectoderme en contact avec le substrat est constitué de cellules calicoblastiques spécialisées dans la formation du squelette calcaire. La matrice extracellulaire séparant les deux feuillets cellulaires, la mésoglée est notamment reliée à la production de cellules germinales (Shikina et al., 2012). L’endoderme (gastroderme) contient notamment les symbiotes.
Symbiose
Les coraux scléractiniaires vivent en symbiose avec une algue microscopique appelée Symbiodinium, qui leur fournissent en 48h, entre 78% et 97% du carbone que les algues ont fixé (Muscatine et al., 1984; Tremblay et al., 2012). La symbiose entre le corail hôte et les Symbiodinium est de type mutualiste, le corail hôte et les algues bénéficient tous deux de cette symbiose. Si les Symbiodinium au travers de la photosynthèse procurent au corail hôte de la matière organique (glycérol, glucose), des acides aminés et des lipides, les Symbiodinium localisées dans une membrane, appelée symbiosome dans l’endoderme, bénéficient d’une protection physique de l’hôte et de nutriments inorganiques (CO2, NH3, PO4 3 -). Plus spécifiquement, le rôle de l’azote semble jouer un rôle particulièrement important dans le développement des Symbiodinium, dont la disponibilité pourrait, en partie, être influencée par des bactéries diazotrophes, qui sont capables de fixer le diazote (Rädecker et al., 2015; Yellowlees et al., 2008). Les Symbiodinium sont subdivisées en 9 clades (A-I), puis en sousclade et types (Pochon et al., 2014). Chaque clade à des propriétés éco-physiologiques qui lui sont propres. Par exemple, certaines clades comme le clade D et C sont plus résistantes à l’augmentation de la température (plus grande activité antioxydante des superoxydes dismutases) que les clades A et B (Lesser, 2011). Au contraire, la présence de certains clades (A) dans les coraux augmente la sensibilité des coraux aux infections virales (Rouzé et al., 2016).
Si pendant longtemps la symbiose du corail était centrée sur le corail hôte et les Symbiodinium, aujourd’hui d’autres organismes ont été intégrés, comme éléments inhérents au fonctionnement de l’organisme corail, comme les bactéries, les archées, les virus et les champignons. On parle alors des coraux comme d’un holobionte, un organisme hôte qui vit en symbiose avec divers autres organismes microscopiques (Symbiodinium, virus, bactérie, (Ainsworth et al., 2015; Ainsworth et Gates, 2016; Zilber-Rosenberg et Rosenberg, 2008).
La symbiose entre les Symbiodinium et les coraux est indispensable à la survie des coraux, mais malheureusement elle est aussi fragile aux modifications environnementales et peut être rompue lorsque les conditions de températures sont anormalement élevées pendant plusieurs jours, et associées à des épisodes d’intensité lumineuse importante. Ces épisodes de températures anormalement élevées induisent la production de radicaux libres de l’oxygène au niveau intracellulaire et conduisent à l’expulsion du symbiote algal. Le corail perd ainsi sa couleur, et des tissus coralliens transparents sont observés sur le squelette calcaire : c’est le blanchissement corallien (Glynn, 1983; Lesser, 2011, 1997).
Chapitre 1 : Introduction générale |