La réhabilitation du bras de décharge de la Bouillie dans le val de Blois
Le contexte et les enjeux de l’opération
Le quartier de la Bouillie, au cœur d’un espace à risque Le val de Blois dans le Loir-et-Cher est situé en rive gauche de la Loire entre les communes de Montlivault et Candé-sur-Beuvron. D’une longueur de 25 km pour une largeur moyenne de 1,5 km, il s’étend sur une superficie de 3800 ha et est caractérisé par la présence de deux déversoirs : – sur sa partie amont, le déversoir de Montlivault d’une longueur totale de 560 m, réalisé dans le cadre du programme Comoy à l’emplacement d’une brèche de la crue de 1856 ; – à mi-hauteur, le déversoir de la Bouillie d’une longueur de 450 m, beaucoup plus ancien (première présence attestée en 1584) et dont le bras de décharge, appelé parfois la Boire, correspond à l’ancien canal de Blois (Person, 2001). D’un point de vue hydraulique et du fait de la présence de ces deux déversoirs, le val de Blois est couramment subdivisé en deux sous-ensembles : le val amont et le val aval à partir du déversoir de la Bouillie. Si notre étude de cas porte sur la requalification du bras de décharge de la Bouillie, les deux déversoirs sont à prendre en considération pour comprendre le fonctionnement hydraulique du val. Néanmoins, le déversoir de la Bouillie, appelé anciennement déchargeoir, a une raison d’être plus locale. La persistance de cet ouvrage au fil des siècles est ainsi justifiée par la protection du quartier de Vienne, entièrement endigué (levées de la Loire en rive gauche et levées intérieures) ainsi que par le rétrécissement du lit de la Loire au sein de la ville, plus particulièrement au niveau du pont Gabriel. En effet, dès une crue moyenne de la Loire (environ cinquantennale), ce pont construit au XVIIIe siècle se met en charge. Ce fait constitue une menace pour les quartiers riverains du fleuve situés à l’amont et au droit de cet ouvrage, dont au premier chef une partie du quartier de Vienne. Le fonctionnement du déversoir et la mise en eau du bras de décharge permettent d’éviter cette mise en charge du pont Gabriel et de diminuer sensiblement le risque de rupture des levées de Loire. Le déversoir de la Bouillie fonctionne pour une crue légèrement supérieure à la crue cinquantennale de la Loire (4200 m3/s au Bec d’Allier, écrêtement par Villerest) soit une hauteur d’eau de 4,9 m à l’échelle de Blois. Pour une crue de période de retour de 70 ans, l’eau s’écoule dans le déversoir pendant plus de deux jours avec un débit de 300 m3/s (Equipe_Pluridisciplinaire_PLGN, 2004). Le déversoir de la Bouillie a fonctionné durant les trois grandes crues du XIXe mais également deux fois durant le XXe siècle : 1907 et 1924214 . Pour une crue de retour de 170 ans (6500 m3/s au B.A, écrêté par Villerest), le déversoir de Montlivault entre en fonctionnement un jour après celui de la Bouillie. Ainsi, pour une telle crue, le déversoir de la Bouillie devrait fonctionner durant 3,5 jours laissant passer un débit de 500 m3/s en pointe, alors que le déversoir de Montlivault serait en service durant 2 jours laissant passer un débit maximal de 500 m3/s également. Mais dans un tel cas, la présence des flots dans le canal de décharge de la Bouillie, en provenance de l’amont du val, diminuera le débit pouvant passer par le déversoir de la Bouillie.
Le contrôle de l’urbanisation par la politique étatique
Le val de Blois aval situé en rive gauche au droit du centre-ville de Blois a été au cœur d’un projet urbanistique de rééquilibrage territorial centré autour du fleuve. Ce projet vise alors l’utilisation du potentiel foncier disponible dans le quartier de Vienne avant la restriction de l’urbanisation. Ainsi, en 216Information fournie sur le site internet d’Agglopolys. Il s’agit probablement de la section d’écoulement dans le bras de décharge à hauteur du quartier de la Bouillie. 282 Partie III 1997, la ville de Blois présente un projet de révision de POS qui sous-entend 2000 à 3000 personnes de plus dans le quartier de Vienne. Ce projet se veut ambitieux et a mobilisé fortement les services d’urbanisme de la ville. Il s’agit pour eux de mieux « répartir » la ville entre les deux rives, en s’appuyant en particulier sur un troisième pont, l’achat important de foncier par la municipalité et une réflexion globale sur la revalorisation des entrées de ville. Ce projet repose alors sur l’hypothèse que le système d’endiguement du val de Blois soustrait les enjeux à tout risque ; d’autant que ce projet ne va pas à l’encontre du Plan d’Exposition aux Risques (PER) en vigueur qui est peu restrictif. L’année 1997 voit également l’arrivée d’un nouveau préfet, décrit par les acteurs interrogés, comme étant déterminé à diminuer durablement le risque dans le val de Blois. En 1998, le préfet décide d’émettre un avis défavorable sur le projet de révision du POS, par application anticipé du PPR prescrit le 25 mai 1998 et ceci malgré l’existence préalable du PER217 . La préparation du PPR est conduite conjointement par les services de la DDE d’Indre-et-Loire, la DRE Centre et le Service de Bassin Loire-Bretagne de la DIREN Centre, illustrant ainsi la volonté des acteurs étatiques de mener le contrôle de l’urbanisation de façon coordonnée. Le PPR du val de Blois est adopté par arrêté préfectoral le 2 juillet 1999. Il classe le bras de décharge et le secteur de la Bouillie en zone A4218, en le considérant comme faisant partie du lit du fleuve. Il confirme l’interdiction de l’extension urbaine dans le val de Blois notamment dans la partie aval du quartier de Vienne, et ceci malgré son endiguement. Les réactions des élus locaux à la promulgation du PPR sont mesurées : d’après les techniciens de l’État, les élus blésois ont perçu le probable engagement de leur responsabilité en cas de rupture de levée sur le quartier de Vienne219 . Mais C. Reliant souligne que l’élaboration du PPR inondation de l’agglomération blésoise dans son ensemble ne s’est pas appuyée sur une expertise socio-économique poussée des enjeux exposés au risque qui aurait pu permettre une réponse plus globale (Reliant, 2004). Ainsi, l’expertise s’est limitée au recensement des enjeux stratégiques en particulier les établissements publics. Ce fait est à mettre en regard de la volonté de l’État, lors de l’instauration en 1995 de sa nouvelle politique de prévention du risque d’inondation (cf. partie II), de disposer avec le PPRi d’un outil privilégiant l’efficacité au détriment d’une complexité que revendiquait l’outil PER. Or l’Étude Globale Loire moyenne alors en cours de réalisation par l’Équipe Pluridisciplinaire aurait permis de disposer d’éléments beaucoup plus fins. Par contre, les éléments apportés par l’Équipe et le rôle de médiateur qu’elle a joué ont fortement contribué à la sensibilisation des élus sur le risque d’inondation et in fine à leur appropriation du PPRi. L’arrêt de l’urbanisation par le PPR répond donc à un des enjeux à résoudre : ne pas aggraver la vulnérabilité du val de Blois. Mais il n’apporte pas de réponse complète à la question de la requalification du bras de décharge et par là même à l’amélioration du système de protection et de gestion des écoulements. C’est pour dépasser la seule limitation de l’urbanisation et mettre en œuvre la délocalisation d’enjeux soumis au risque et perturbateurs du système de protection que va être mis en place un projet mettant en branle des crédits spécifiques au Plan Loire Grandeur Nature (cf. partie I).