La régulation des champs solaires linéaires à génération directe de vapeur
Stratégies de régulation pour l’architecture en recirculation
L’architecture en recirculation résout le problème de la difficulté à prédire la zone de fin de vaporisation propre au mode « once-through ». Ainsi qu’expliqué au chapitre 2, un débit plus élevé que ce qu’il est possible de vaporiser est injecté en entrée du vaporiseur, et le titre vapeur en sortie reste donc inférieur à 1. Un champ solaire avec cette architecture est plus complexe et plus couteux à mettre en œuvre, car des équipements supplémentaires sont nécessaires : un séparateur, une tuyauterie externe plus longue (et donc plus de perte de charge), une pompe de recirculation (et donc une consommation auxiliaire plus élevée). Cependant, cette architecture apporte plus de stabilité en donnant une plus grande inertie à la génération de vapeur, et ajoute un paramètre à la régulation, le débit de recirculation.
Structures de contrôle simple : feedback et PI
Régulation d’une ligne simple de vaporiseur et surchauffeur
Les travaux de recherche avec l’architecture en recirculation ont démarré autour des années 2000 avec le projet DISS à la plateforme solaire d’Almeria. Valenzuela et al. [1] proposent une structure de régulation, illustrée par la figure ci-dessous (également présentée au chapitre 2), uniquement en « feedback » (mesure d’erreur) avec des contrôleurs proportionnel-intégral. En commençant par le surchauffeur, les boucles de régulation sont détaillées ci-dessous. Leur description est aussi l’occasion de discuter du comportement dynamique du système de génération de vapeur en mode recirculation. Température de sortie de vapeur surchauffée : la température est régulée en injectant de l’eau « froide » à l’entrée du dernier collecteur parabolique. L’eau est très vite vaporisée du fait du haut niveau de température de l’écoulement principal, et vient abaisser sa température. On parle alors de désurchauffe. La boucle régule le débit grâce à une vanne ; La régulation des champs solaires linéaires à génération directe de vapeur 81 Pression de sortie de vapeur surchauffée : la vapeur surchauffée est envoyée dans un dernier séparateur (pour les points de fonctionnement en dehors du nominal), avant d’alimenter la turbine. La pression est maintenue constante en ajustant la position d’une vanne de sortie. Le fonctionnement nominal se fait donc à pression constante ; Figure 3-1 : Schéma de la boucle expérimentale DISS et de ses boucles de régulation, en mode recirculation [1] Niveau de liquide du séparateur final : Le niveau d’eau liquide dans le séparateur ne doit pas dépasser une certaine limite. Toutefois, uniquement de la vapeur surchauffée s’écoule ici en fonctionnement nominal, une simple régulation on/off suffit donc à abaisser le niveau lorsque c’est nécessaire ; Boucle de recirculation : Le débit de recirculation de l’eau liquide du séparateur intermédiaire vers l’entrée du vaporiseur est maintenu constant en régulant la vitesse de rotation de la pompe. Cette régulation est nécessaire, car la caractéristique interne du vaporiseur change selon le flux solaire disponible et le niveau de génération de vapeur (voir chapitre 2), et donc sans régulation, la perte de charge et le débit sont modifiés. En modifiant la vitesse de rotation de la pompe, on vient rechercher le point de fonctionnement avec le débit voulu ; Niveau de liquide du séparateur central : La vanne en entrée du champ solaire contrôle le niveau de liquide dans le ballon. En effet, le débit de recirculation étant maintenu constant par une boucle indépendante, et en considérant les équations de la section 2.2.1 (chapitre 2), on voit que le titre vapeur en sortie de vaporiseur dépend directement du débit d’alimentation. On ajuste donc les débits d’eau liquide et de vapeur produits par le vaporiseur et envoyés au séparateur. Si le titre diminue (en cas de chute brutale du DNI par exemple), le niveau du ballon va augmenter, la régulation va donc chercher à l’abaisser en fermant la vanne d’alimentation pour diminuer le débit et augmenter à nouveau le titre. Perte de pression à travers la vanne d’alimentation : En régulant la vitesse de la pompe d’alimentation, la perte de charge à travers la vanne est maintenue constante. Cela permet à la 82 boucle de régulation du niveau de ballon de contrôler directement le débit à partir du réglage de l’ouverture. Ces boucles de régulation sont toutes des boucles fermées basées sur la structure basique PIfeedback, schématisée sur la figure ci-dessous. Le contrôleur PI inclut un dispositif dit « antiwindup » pour annuler l’effet de l’emballement de l’intégrale dû à l’usage de saturateurs. Les boucles de régulation utilisent en effet des saturateurs, car les actionneurs sont des paramètres de fonctionnement du champ solaire (ouverture de vanne, vitesse de rotation de pompe) ayant des limites physiques. Si le signal du régulateur dépasse une limite de saturation, celle-ci n’a plus d’effet sur l’actionneur, mais le terme intégral de l’erreur continue d’augmenter, ce qui mène à un calcul erroné de l’action de correction du régulateur. C’est ce qu’on appelle le « reset windup », ou emballement de l’intégrale.
Régulation d’un surchauffeur à lignes parallèles
température et débit Koch et al. [4] proposent un modèle de surchauffeur à plusieurs lignes parallèles, aboutissants au même séparateur. Chaque ligne est composée de deux collecteurs cylindro-paraboliques, d’une injection de désurchauffe située entre les deux collecteurs, et d’une vanne en sortie du deuxième collecteur. L’étude montre l’utilité de ces vannes de sortie pour la régulation de la distribution des débits dans les lignes si elles sont soumises à des perturbations d’ensoleillement différentes (asymétriques). Elle est également intéressante au sens où est proposée une méthode globale de régulation des lignes parallèles en utilisant les actionneurs individuels. L’étude comporte une partie de modélisation acausale du surchauffeur, ainsi qu’une linéarisation du modèle pour la définition du système de régulation. Cette dernière étape est décrite ci-dessous.
Modèle linéaire d’une ligne unitaire
Les équations de bilan de masse, d’énergie et quantité de mouvement, ainsi que de l’équation d’échange thermique à la paroi du tube, sont d’abord linéarisées avec la méthode suivante (exemple du coefficient d’échange thermique à la paroi ߙ (: (-4III (ሻݐሺߙ∆ + ̅ߙ = ሻݐሺߙ 85 avec ߙ̅ la valeur stationnaire et ∆ߙሺݐሻ la perturbation. A partir des équations linéarisées, les fonctions de transfert sont établies, fonctions ayant la température de sortie de vapeur en variable de sortie. Les entrées sont le flux thermique, le débit et la température d’entrée. Les trois fonctions de transfert ainsi obtenues ont un terme commun ܩ ሺݏሻ, composé d’un terme de retard pur et d’un terme non algébrique : ܩ ሺݏሻ = ݁−௧௦݁ − �௦ ௦+�௦ (III-5) Le terme non algébrique n’est pas adapté à la simulation numérique (les solveurs fonctionnant en effet mieux avec des termes polynomiaux), il est donc approximé par un modèle PT d’ordre n, selon la méthode de Marsik et Fortova [5] (en Allemand) : ݁ − �௦ ௦+�௦ = ͳ ሺܶ௧ݏ + ͳሻ (III-6) Avec ݊ = � ଶ = ௧ܶ ݐ݁ ʹ − � � (III-7),(III-8) Le terme de retard est lui remplacé par une approximation de Padé : ݁ −௧௦ = ͳ − ݐௗ ʹ ݏ ͳ + ݐௗ ʹ ݏ (III-9) 3.1.1.2.2. Modèle multilignes matriciel Le surchauffeur, composé de ݊ lignes identiques, est modélisé par une relation matricielle qui relie le vecteur des différentiels d’ouverture de vanne ∆ࡴ au vecteur des différentiels de débit ∆ࡹ̇ : ࢌ� ቀ − = ெுࡷ avec ࡴ∆ெுࡷ = ̇ࡹ∆ ̇ࡹ� ቁ −ଵ . ࢌ� ࡴ� (III-10), (III-11) La fonction ݂ est établie à partir de deux considérations physiques : la perte de charge totale est la même dans chaque ligne, étant connectées au même séparateur et au même collecteur pré-turbine, et il y a conservation du débit de masse total. La perte de charge dans une ligne ݅ est la somme des pertes dans les 2 collecteurs et dans la vanne de sortie : ∆௦௦, = ∆,ଵ + ∆,ଶ + ∆,௩ (III-12) La perte de charge de la vanne est fonction du débit en entrée de collecteur ܯ̇ , le débit de désurchauffe ̇ܯ ,, la masse volumique ߩி௩, (fonction de la pression d’admission turbine ௧௨ et la température de sortie ܶி,ଶሻ, des caractéristiques de vanne ܭ௩ et ܭ௩௦ et l’ouverture relative ܪ/ܪଵ. La relation matricielle entre le vecteur des ouvertures de vanne et le vecteur des températures (pré-injection de désurchauffe, indice ͳ) ∆ࢇࡲࢀ, peut donc être écrit : ∆ࢀி,ଵ = ࡳெ,ଵࡷெு ∆ࡴ) III-13) avec ࡳெ,ଵ la matrice diagonale des fonctions de transfert de chaque ligne ܩெሺݏሻ = ∆��� ∆ெ̇ (III-14) 86 3.1.1.2.3. Principe du système de contrôle Le principe du système de contrôle proposé est de maintenir les températures intermédiaires de toutes les lignes sur une valeur homogène. Il s’agit d’un système feedback où l’erreur mesurée est l’écart par rapport à la moyenne de températures avant désurchauffe, et où la consigne est donc 0. Les régulateurs PI sont utilisés avec des paramètres adaptatifs. Le vecteur des températures ∆ࢀி,ଵ est transformé en vecteur des écarts à la moyenne ∆ࢀி,ଵ ௗpar la transformation linéaire suivante: ∆ࢀி,ଵ ௗ = ௧௦∆ࢀி,ଵ (III-15) La matrice diagonale de « dilatation » ࢛ࢉࡿ est aussi introduite, elle est utilisée pour introduire des coefficients de pondération (détaillés plus loin). La transformation linéaire reliant le vecteur de consigne du contrôleur au vecteur des variables régulées ∆ࢀி,ଵ ௗest donc : భ,���ࡳ � = ௧௦ࡳெ,ଵࡷெு࢛ࢉࡿ (III-16) La structure générale de la régulation est schématisée sur la figure ci-dessous. La partie basse est globalement la boucle fermée modélisant l’action du régaleur ࡷ) ici un PI, mais pouvant être plus complexe) et la dynamique du surchauffeur, et la partie haute est le modèle linéaire des perturbations d’ensoleillement et de débit.