LA RÈGLEMENTATION DES CONTRATS SPÉCIAUX
Certains contrats se révèlent être des domaines spécifiques à l’intérieur desquels la protection du consommateur doit être accrue en raison d’abus manifestes de la part des professionnels de la branche : c’est le cas des contrats dits « de tourisme » D’autres parce 832 – Notons que l’article R-635-2 du code pénal français lui, sanctionne lui aussi l’envoi forcé d’objet sans commande préalable et que cette interdiction a été inscrite dans le Code français de la consommation qu’ils portent directement sur un objet financier. Le législateur communautaire est donc intervenu pour réglementer ce type de contrat. Mais pas seulement ; récemment certains aspect du plus usuel des contrats, le contrat de vente, ont été saisis par le droit communautaire. Aujourd’hui donc, ce dernier protège à la fois les droits de l’acquéreur d’un bien (§1), du « consommateur-touriste » (§2) et du « consommateur payeur » (§3).
LES DROITS DE L’ACQUÉREUR D’UN BIEN
Le consommateur qui cherche à acheter des biens dans des Etats membres autres que celui de sa résidence, a un rôle essentiel dans le développement du marché intérieur. Le développement récent du commerce électronique et de la vente à distance a conduit à développer cette pratique qui était jusqu’alors peu courante. Or, il existe entre les législations des différents Etats des disparités importantes en ce qui concerne la vente des biens de consommation. Ces disparités constituent une entrave à l’utilisation, par le consommateur, des nouvelles technologies permettant l’achat à distance. Le consommateur pour acheter un bien, dans un autre Etat que le sien, doit être mis en confiance quant aux garanties qui lui seront accordées en cas de défaut de conformité de ce bien. C’est dans ce souci qu’a été adoptée la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation 833. Ce texte, adopté près trois années de discussion, constitue un grand pas vers un droit européen de la consommation. Il s’agit probablement, du texte communautaire qui touche au plus près le droit des contrats, après la directive sur les clauses abusives. Le texte a vocation à se substituer aux règles françaises gouvernant la garantie contre les vices cachés 834. 371. Le champ d’application de la directive est déterminé en fonction des notions de consommateur et de professionnel . Rentrent dans le champ d’application de la directive les ventes conclues entre un professionnel, le vendeur et un consommateur, ces deux notions étant définies traditionnellement. Le consommateur est une « personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale » 835, et le vendeur est défini comme étant celui qui « en vertu d’un contrat vend des biens de consommation dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale » 836. Seules sont incluses les ventes portant sur des biens de consommation. Cette notion est définie de manière très large par la directive puisqu’il s’agit de « tout objet mobilier corporel ». Certains biens sont exclus du domaine d’application du texte : d’une part, les biens vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice et, d’autre part, l’eau et le gaz lorsqu’il ne sont 833 – Directive 1999/44 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, JOCE n° L171/12 du 7/07/99, pp. 12-16. 834 – Articles 1641 à 1648 du Code civil. 835 – Article 1er-2-a de la directive. 836 – Ibid, article 1er-2-c. 664 pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée ainsi que l’électricité. A côté de ces exclusions obligatoires, la directive laisse la possibilité aux Etats membres d’exclure de la protection les biens d’occasion vendus aux enchères publiques lorsque les consommateurs ont la possibilité de participer personnellement à la vente.
Les conditions de la garantie
La mise en jeu de la garantie est fondée sur la notion de « défaut de conformité » au contrat. Cette notion est définie très largement par la directive. Pour être conforme, le bien doit correspondre à la description donnée par le vendeur, doit être propre à tout usage spécial recherché par le consommateur pourvu qu’il l’ait porté à le connaissance du vendeur, ainsi qu’aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type. 837 Mais il doit aussi présenter la qualité et les prestations habituelles d’un bien de même type auxquelles peut raisonnablement s’attendre le consommateur, eu égard à la nature du bien et compte tenu des déclarations publiques faites par le vendeur, le producteur ou son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage. Ce principe contenu dans l’article 2-2 alinéa b du texte est particulièrement important pour deux raisons. Parce qu’il consacre juridiquement la notion « d’attente raisonnable du consommateur » mais surtout parce qu’il donne une valeur juridique à la publicité et à l’étiquetage faits sur le produit. Ce statut juridique de la publicité s’inscrit parfaitement dans la politique communautaire de protection du consommateur puisque, outre la directive sur la publicité trompeuse, différents textes consacrent une valeur juridique aux offres publicitaires : c’est le cas notamment pour les brochures publicitaires qui lient le détaillant ou l’organisateur en ce qui concerne les voyages et vacances à forfait ou encore pour les offres de crédit à la consommation pour lesquelles la directive prévoit des mentions obligatoires. L’idée est bien entendu de protéger le consommateur en lui permettant d’émettre un consentement éclairé. Pour se dégager de la responsabilité qui lui incombe, en vertu des déclarations publiques du producteur ou de son représentant, le vendeur devra prouver qu’il ne connaissait pas et qu’il ne pouvait raisonnablement connaître les déclarations en cause, ou que celles-ci avaient été rectifiées au moment de la conclusion du contrat ; ou encore s’il démontre que le consommateur n’a pas pu être influencé par ces déclarations dans sa décision d’achat 838. Notons pour conclure sur ce point que, selon le considérant 8 de la directive, la qualité et les prestations que le consommateur peut raisonnablement attendre doivent être évaluées en tenant compte, entre autres, du caractère neuf ou d’occasion du bien. 837 – Ce qui est conforme à l’article 1641 du Code civil français en vertu duquel la chose ne doit pas être impropre à l’usage auquel on la destine.Le défaut de conformité ne peut être constitué, en vertu de l’article 2-3, si le consommateur connaissait ou ne pouvait raisonnablement ignorer ce défaut, ou bien si celui-ci résulte des matériaux que le consommateur a lui-même fournis. Cette précision est parfaitement conforme avec le droit français qui requiert que le vice de la chose soit caché. Par contre, en vertu du paragraphe 5 du même article, le défaut de conformité est réalisé lorsque celui-ci résulte d’une installation défectueuse, lorsque l’installation fait partie du contrat de vente et a été effectuée par le vendeur ou sous sa responsabilité. Il en va de même lorsque le consommateur a lui-même réalisé l’installation infructueuse et que celle-ci résulte d’une erreur dans les instructions de montage. 374. La responsabilité du vendeur ne peut être engagée que si le défaut de conformité apparaît dans un délai de deux ans à compter de la date de délivrance du bien. Le délai choisi est donc un délai relativement long, en tous cas bien plus long que les délais en vigueur dans certains Etats membres : Allemagne, Autriche Grèce, Espagne et Portugal où le délai en vigueur n’est que de six mois. La directive prévoit logiquement que les Etats membres qui ont édicté des délais plus long peuvent les conserver. L’Irlande et la Grande-Bretagne peuvent donc parfaitement maintenir leur délai légal de six ans après le 1er janvier 2002, date à laquelle a expiré le délai de transposition de la directive. L’application de ce délai en France nécessitera une adaptation jurisprudentielle. En effet, en vertu de l’article 1648 du Code civil, l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un « bref délai ». Les juges, auxquels il appartient souverainement de fixer la durée de ce « bref délai » en fonction de la nature des vices rédhibitoires et de l’usage du lieu où la vente a été faite, auront donc à prendre en considération cette garantie minimale de deux ans imposée par le droit communautaire. Concernant le point de départ du délai, fixé au jour de la délivrance de la chose, la solution communautaire s’avère plus simple mais peut être moins protectrice que celle du droit français qui est fixé à la connaissance du vice par l’acheteur.
Le contenu de la garantie
L’article 3 de la directive offre au consommateur qui découvre, dans les délais, un défaut de conformité trois moyens d’y remédier. Tout d’abord le consommateur a le droit de demander la mise en état conforme du bien, sans frais. L’expression sans frais désigne les frais nécessaires exposés pour la mise en conformité : frais d’envoi et frais liés au travail et au matériel engagé 839. Cette mise en état conforme peut résulter soit d’une réparation soit d’un remplacement du bien en cause. Le consommateur dispose en théorie du choix entre ces deux moyens de mise en conformité. Cependant cette liberté de choix est limitée par le principe de proportionnalité. Un mode de dédommagement peut être considéré comme disproportionné s’il impose des coûts qui, par rapport à l’autre mode, sont déraisonnables en fonction de la valeur initiale du bien, de l’importance du défaut décelé. Il est aussi recherché si l’autre mode de dédommagement peut être mis en œuvre sans inconvénient majeur pour le consommateur. C’est ainsi par exemple qu’un objet de faible valeur sera certainement remplacé et non réparé dès lors que la réparation se révèle trop coûteuse. Quel que soit le moyen choisit, la mise en conformité devra être effectuée « dans un délai raisonnable et sans inconvénient majeur pour le consommateur ». Il devra être tenu compte, sur ce point, de la nature du bien et de l’usage recherché par le consommateur. Dans le cas ou la mise en conformité n’était pas accomplie ou ne pouvait être accomplie, le consommateur a le droit d’exiger, en vertu du paragraphe 5 de l’article 3, une réduction adéquate du prix ou encore la résolution du contrat. Le consommateur dispose de la liberté de choix entre les deux moyens, dans la limite, encore une fois, du principe de proportionnalité puisque le paragraphe 6 prévoit que « le consommateur n’est pas autorisé à demander la résolution du contrat si le défaut de conformité est mineur ». Si la directive n’emploie pas le terme de « remboursement » mais celui de « réduction adéquate du prix » c’est tout simplement parce qu’il faut tenir compte de l’usage qu’a pu faire le consommateur du bien depuis le jour de la livraison de celui-ci. Le considérant 16 est relatif aux biens d’occasion. Il est prévu, au regard de la spécificité de ce type de bien, compte tenu du fait que leur remplacement est souvent impossible, que les Etats puissent prévoir un délai de responsabilité plus court. 667 377. Il est courant que le vendeur offre, sans y être légalement obligé, pour l’achat de certains types de biens, essentiellement l’électroménager, une garantie permettant au consommateur de faire réparer ou échanger le bien par le magasin lui-même, lorsqu’un défaut survient dans un certain délai. Ce type de garantie est généralement perçu comme très favorable à l’acquéreur puisque celui-ci, pour en bénéficier, n’a pas à faire la preuve du vice caché de la chose. Le législateur communautaire a pourtant entrepris d’encadrer ces garanties contractuelles offertes par le vendeur. Il est d’abord prévu que la garantie offerte « doit lier juridiquement » 840 celui qui l’émet. La garantie doit être remise au consommateur par écrit ou sur un autre support durable. Elle doit impérativement contenir certaines mentions. Tout d’abord il doit être inscrit que le consommateur dispose de droits au titre de la législation nationale et que ceux-ci ne sont pas affectés par ladite garantie. Le document doit par ailleurs établir « en termes simples et compréhensibles » 841 le contenu de la garantie, ces conditions essentielles de mise en œuvre tels que sa durée, son étendue géographique et enfin le nom et les coordonnées du garant. Le législateur laisse les Etats membres libres d’imposer que la garantie soit exprimée dans une ou plusieurs langues parmi les langues officielles de la Communauté. Cet essai du législateur de consacrer un statut légal de la garantie offerte par le vendeur s’inscrit dans un souci de protection efficace du consommateur. Ce type de garantie, s’il n’est pas réglementé, peut paradoxalement se révéler néfaste pour les intérêts du consommateur, en induisant celui-ci en erreur. En effet, mal informé, le consommateur peut être tenté de penser que cette garantie constitue le seul moyen dont il dispose en cas de défaut du bien acquis. Une fois le délai de la garantie dépassé, ou lorsque pour une raison quelconque celle-ci ne peut jouer, il n’engagera aucune action en justice pour obtenir la mise en conformité ou en dédommagement, persuadé que l’ensemble de ses droits sont épuisés. L’insertion de cet article 6 dans cette directive devrait pallier cet inconvénient grâce à une meilleure information du consommateur. L’importance d’un tel apport du droit communautaire pour la protection du contractant consommateur ne devrait pas être négligé.