La définition des arts de la rue : concept de base
Afin de comprendre le lien qui existe entre les arts de la rue et l’espace public, il est important de définir le concept « arts de rue » encore flou et pas nécessairement sectorisé. En effet, il existe une multitude de définitions émanant du caractère pluriel des performances artistiques et également de leurs frontières mouvantes notamment dans la délimitation du lieu où se déroulent les représentations. (Académie d’Aix-Marseille, 2013). Toutefois, il est possible de les définir en mettant en lumière des principes qui sont caractéristiques aux arts de rue et qui sont plus ou moins communément admis par tout le monde, mais dont l’assemblage ne crée pas une définition unique. Les arts de rue regroupent une diversité de représentations artistiques qui se déroulent normalement en extérieur, tels que le théâtre, le cirque, la musique, la danse, le carnaval, les spectacles, les installations et la pyrotechnie. Ce secteur artistique est également nommé de différentes manières « arts vivants de rue », « théâtre de rue », « culture urbaine », « spectacles de rue » etc. Cette multitude de noms attribuée est à l’image des diverses prestations artistiques qu’il propose. Dans cette confusion artistique, il est possible de classer les représentations en deux secteurs, d’une part les arts (cirque, acrobatie, théâtre etc.) et d’autre part les arts plastiques dont le noeud central est l’utilisation d’outils autres que le corps (son, musique ou encore effets spéciaux) (Floch, 2007).
Cependant, cette pluralité de dimensions se retrouve également dans les parties dites prenantes au développement du concept. En effet, les acteurs sont multiples tout comme les expressions. Mis à part les artistes et le public, certes deux acteurs importants, les pouvoirs publics, les politiques et les institutions interviennent et ceci en réaction à la démocratisation du secteur. En effet, ces acteurs clés contribuent à la légitimité et à la reconnaissance de ce secteur, notamment en France (Floch, 2007). Une autre dimension importante dans la définition est l’endroit dans lequel les artistes de rue jouent. En effet, malgré les formes de théâtre présentes dans les arts de rue, ceux-ci ne se déroulent pas en espace fermé, comme une salle de théâtre, mais dans des espaces extérieurs (Floch, 2007). Cet espace de jeu inhabituel n’a pas de frontières, ce qui permet au public d’y accéder gratuitement, d’en partir librement et fait partie de cet esprit démocratique, culturel et artistique des arts de la rue. Ces espaces de jeu peuvent se situer en milieu urbain ou rural et sont parfois de grande envergure ou plus intimistes (Floch, 2007). Toutefois, ils sont contraignants, ce qui est paradoxal à la liberté d’action que possèdent tant le public que les artistes. En effet, les représentations d’arts de rue impliquent, selon leur ampleur, de bloquer une rue, un espace, d’acquérir des droits d’usages etc. D
e plus, ces expressions artistiques jouées en extérieur « obligent » les artistes à vivre avec cet environnement toujours en mouvement (La Plage des Six Pompes, 2015). Les espaces et ces expressions artistiques conduisent à la créativité, au rassemblement artistique, mais également développent le tissu social de la ville, en regroupant les habitants à un moment donné, dans un lieu précis, ce qui a pour effet de renforcer les liens d’appartenance (Floch, 2007). Les arts de rue répondent également à des besoins ; « le besoin de fête, le besoin d’échange, le besoin d’expression libre et le besoin de croyances en des mythes » (Floch, 2007). De plus, ils ont un caractère politique, représentent la voix des citoyens de la ville devenant ainsi « un vecteur de communication » (Floch, 2007) et contribuent au développement de l’économie locale (Floch, 2007). Les arts de rue sont innovants de par leurs « démarches alternatives par rapport aux codes et aux pratiques dominantes dans les autres secteurs artistiques, comme le choix de l’espace urbain et l’approche différente des publics» (Floch, 2007).
Jürgen Habermas : quelles sont les frontières entre l’espace public et l’espace privé ? Les termes « Espaces privés » et « Espaces publics » s’imposent comme des concepts clairs et précis dans le monde urbain. Cependant, les termes et les fonctions que renferme le modèle « d’urbain » ne sont pas si banals (Paquot, 2009). Afin de comprendre la suite du dossier, il semble important de définir ces deux termes. Le premier auteur à avoir défini l’espace public dans toutes ses dimensions complexes est le théoricien allemand Jürgen Habermas dans son ouvrage Espace public. Archéologie de la publicité comme dimension construite de la société bourgeoise. Son étude traite de l’évolution de la sphère publique et ceci au travers de la « publicité ». Dans sa thèse, il la décrit comme un outil de contrôle de l’autorité politique, mais également comme un instrument qui développe l’esprit critique de la population vis-à-vis de cette autorité politique. Avec l’apparition du capitalisme au 13e siècle, l’émergence de nouveaux échanges commerciaux engendra des modifications dans les relations et les interactions entre les individus et entraîna la création d’une « sphère publique bourgeoise », médiateur entre la société et l’Etat, qui sera par la suite institutionnalisée (Baranger, 2010-2011).
Les intérêts de la société étaient ramenés aux intérêts individuels de « la sphère publique bourgeoise », mettant ainsi en péril la pérennité de la monarchie » (Baranger, 2010-2011). L’espace public, selon Jürgen Habermas, rassemble des personnes « privées » afin de débattre et de discuter d’intérêts communs (Encyclopédie de l’Agora, 2012). Au 18e siècle, cette notion d’espace public apparaît comme « critique littéraire ». Elle se définit comme « une sphère publique littéraire » s’exprimant au travers de journaux, de salons, de clubs etc. (Goepfert, 2010). C’est ainsi que « la sphère publique littéraire devint donc le lieu d’expression des subjectivités détachées des impératifs des lois du marché » (Goepfert, 2010, pp. 67-70). Un endroit où règne « une logique d’échange et d’égalité de nature » (Goepfert, 2010, pp. 67- 70). La sphère publique va être un lieu de médiation entre la population et l’Etat, un lieu où un groupe social assure la socialisation des individus en se réunissant, permettant de se questionner sur le système politique, économique, religieux ou encore les acteurs sociaux et culturels (Baranger, 2010-2011).
Ces interactions ont permis une reconnaissance et une légitimité envers autrui, qui n’était pas effectuée au travers du pouvoir de l’Etat. En effet, l’Etat intervenait constamment dans la sphère publique et également privée, a contrario de la sphère publique qui représentait l’expression de la démocratie (Baranger, 2010-2011). Selon Habermas, la sphère publique transmet une notion de consensus1, contrairement à la sphère privée qui adresse une notion de compromis2. Ces deux termes ne sont pas dépendants l’un de l’autre, mais sont en constante interrelation. En effet, selon l’auteur, il y a un respect de la vie privée, mais cela tout en ayant un regard de la sphère publique sur la sphère privée. Où est la limite du privé ou du public ? Des violences conjugales se déroulant dans une famille recèlent-elles de la sphère privée ? Mais ne faut-il pas que la sphère publique intervienne afin de couper court à ces violences ? Est-ce que tout ce qui se passe dans une sphère privée doit rester privé ou devenir public ? (Causer, 2005).
L’espace urbain ou rural
Les frontières de l’espace public s’étendent également à l’espace rural. Ce dernier est parfois défini comme le « négatif d’une ville » (Bertrand Schmitt, 2000) et la différence entre l’espace rural et urbain réside dans les caractéristiques des lieux, des activités qui s’y déroulent, de la population etc. (Bertrand Schmitt, 2000). Cependant, les frontières entre les espaces ruraux et urbains ne sont pas aussi claires qu’elles paraissent. (Thomsin & Houillon, 2001). La définition d’une commune rurale est définie comme telle si « la proportion des personnes résidentes travaillant dans le secteur primaire, c’est-à-dire l’agriculture, est supérieure au double de la moyenne nationale » (Thomsin & Houillon, 2001). De plus, cet espace est défini par sa « faible densité d’habitations (…), une forte dépendance des centres suprarégionaux » ainsi qu’un manque, tant par son volume que par sa qualité, de services sociaux et économiques (Schuler, Perlik, & Pasche, 2004). L’espace urbain, quant à lui, est composé certes d’un noyau qui contient une zone périphérique et d’une population supérieure à 10’000 habitants mais possède également un caractère économique, c’est-à-dire, une zone qui est définie par des flux journaliers entre le lieu de résidence et de travail (Thomsin & Houillon, 2001). En effet, la définition d’une ville ne s’arrête pas à son nombre d’habitants, mais également à son centre d’activité. Depuis l’apparition de la sédentarisation, les villages se sont développés en ville, lors de l’apparition d’activités artisanales, commerciales et de centres religieux. Ce n’est qu’au 10e siècle que la ville connut un renouveau et retrouva les fonctions économiques et sociales qu’elle avait, « les centres d’échanges », « les lieux de refuges pour la population » ou encore « les lieux de pouvoir » (églises et châteaux) (Larousse, 2015). Les fonctions des espaces urbains contemporains sont de nature commerciale et industrielle. En effet, après la révolution industrielle du 19e siècle, les villes se sont agrandies et ont développé des activités commerciales à l’échelle nationale, puis internationale. Suite à cela, certaines villes se sont développées administrativement et politiquement. Depuis lors, les villes entretiennent des liens de nature non seulement économique et financière, mais également culturelle et sociale de par l’organisation d’évènements festifs (Larousse, 2015).
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