La réalisation de la protection des droits de l’enfant dans l’action extérieure de l’Union européenne

Télécharger le fichier original (Mémoire de fin d’études)

L’enjeu de l’acquisition du statut d’acteur du développement pour l’Union européenne

L’Union européenne poursuit plusieurs objectifs en ayant choisi de devenir un acteur de la réalisation des OMD sur la scène internationale. La croissance économique des pays en voie de développement est bien sûr le premier but recherché par l’UE puisque la PAD elle-même poursuit ce but. Mais il y a un autre enjeu à l’acquisition par l’UE de ce statut d’acteur de la réalisation des OMD, l’aide publique au développement n’est pas seulement dans l’intérêt des pays en voie de développement, cette aide sert aussi les intérêts de l’Union européenne. Il faut adopter une conception réaliste de l’action européenne pour le développement puisqu’elle lui permet de défendre ses intérêts commerciaux (1) d’une part et d’autre part et surtout, cette aide lui permet de servir ses intérêts politiques (2) au détriment de l’objectif de protection particulière des droits de l’enfant visé à l’article 3 §5 du TUE.
1) La coopération au développement au service des intérêts économiques de l’Union européenne
La PAD ne sert pas seulement les droits de l’enfant ou les autres objectifs que l’UE s’est astreinte à atteindre qu’ils soient issus des OMD ou du TFUE. Nous pourrions même dire que l’action en faveur des droits de l’enfant n’est qu’un effet secondaire de la coopération au développement menée par l’Union. Sans pour autant tomber dans le cynisme, il ne faut pas occulter le fait que l’aide publique au développement exercée dans le cadre de la PAD est commercialement profitable à l’UE. Insistons encore sur le fait qu’à l’origine l’article 177 du TCE prévoyait sans ambages que l’objectif immédiat de la PAD était « l’insertion harmonieuse et progressive des pays en voie de développement dans l’économie mondiale ». Aujourd’hui, l’article 21 §2 du TUE dispose que l’UE mène ses politiques extérieures afin « d’encourager l’intégration de tous les pays dans l’économie mondiale, y compris par la suppression progressive des obstacles au commerce international ». Il faut réitérer l’évidence selon laquelle la PAD a un intérêt commercial indéniable pour l’UE puisqu’il faut relever « un problème de cohérence de la politique de développement de l’UE601 ». En effet, il faut revenir ici sur les accords préférentiels puisque ce sont ces accords qui vont servir l’intérêt de l’Union. Nous les avons traités dans le titre précédent en raison du fait qu’ils s’inscrivent dans le cadre des accords commerciaux conclus sous les auspices de l’OMC, ils relèvent donc de la PCC. Toutefois, ils
participent également de la PAD en ce sens qu’ils ont vocation à aider au développement les États cocontractants. Ainsi malgré leur caractère intrinsèquement commercial, ils servent la coopération au développement. Nous avons eu l’occasion de dire que la violation des droits de l’enfant en tant qu’élément de la conditionnalité politique de ces accords n’est jamais sanctionnée puisque les considérations commerciales l’emportent sur les objectifs politiques que sont censés aussi servir ces accords. L’une des causes de cela peut se trouver dans le « fait que la politique commerciale soit une compétence exclusive de l’UE, tandis que la politique de développement n’est qu’une compétence complémentaire [ce qui] a contribué à la domination des considérations commerciales602 ».
Les conséquences commerciales positives de la PAD ont été mises en évidence par Corinne Balleix dans son ouvrage L’aide européenne au développement. Selon cet auteur, les accords préférentiels aussi appelés accords de partenariat économique sont conclus dans
l’intérêt commercial de l’UE en raison de l’inégalité entre les deux parties, l’UE se trouve en position de force tandis que les États en développement sont en position de faiblesse, les négociations sont dès lors désavantageuses pour ces derniers. Par ailleurs, outre le déséquilibre de l’accord lui-même, la dépendance commerciale entre les parties est asymétrique. Les États qui bénéficient des accords préférentiels « tiennent une place négligeable dans le commerce extérieur de l’Union de l’ordre de 3%603 » alors que l’UE a une place très importante dans leur commerce extérieur. De même, ces accords permettent à l’UE de s’approvisionner en matière première, toutefois, les importations de produits agricoles en provenance des États en développement réduit leur indépendance alimentaire voire leur suffisance alimentaire. Par ailleurs, les exigences toujours plus grandes de l’UE relatives aux importations ont deux conséquences : d’une part, cela augmente les contraintes liées aux exportations des pays en développement à destination de l’Union, ce qui constitue une forme d’entrave au commerce international. Mais d’autre part, cette forme de restriction aux échanges augmente le niveau de sécurité des produits. Nous pensons ici à l’importation de produits destinés aux enfants dont la réglementation est stricte et ne cesse d’être de plus en plus exigeante604. Finalement, seuls les pays en développement les plus puissants profiteront des accords avec l’UE, les États les plus Pour un exemple de réglementation contraignante : le règlement REACH relatif aux importations de produits entretenant un lien avec un produit chimique (il va de l’importation de vêtement aux produits agroalimentaire en passant par la construction d’automobiles) : Règlement (CE) no 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances pauvres et les moins développés, autant dire ceux qui en ont le plus besoin, ne profitent pas de l’aide au développement telle qu’organisée par les accords préférentiels.
L’UE ne recherche pas seulement son intérêt économique, l’aide au développement lui sert également à servir ses ambitions politiques sur la scène internationale.
2) La coopération au développement au service des intérêts politiques de l’Union européenne
La PAD permet à l’UE d’exister sur la scène internationale comme le premier pourvoyeur d’aide au monde, ce statut lui assure une visibilité autre que commerciale au niveau mondial. L’Union est un acteur économique incontournable, son atout est « avant tout son économie605 » avec la plus grande contribution au PIB mondial (22,6%). En tant que première
puissance commerciale au monde, sa crédibilité commerciale n’est pas à démontrer, toutefois elle a un véritable déficit de légitimité en matière politique. La PAD participe de cette campagne visant à lui donner au niveau international une légitimité politique et un statut d’acteur global. En effet, même si la mise en œuvre de la PAD use d’instrument économique, l’aide au développement est considérée au niveau mondial comme une action globale faisant aussi œuvre de finalité politique.
La PAD lui permet de se positionner en tant qu’acteur du développement, le fait d’avoir
pris part à la réalisation des OMD et surtout d’avoir occupé une place importante dans la détermination du Programme pour l’après-2015 et la définition des ODD lui permet d’être plus présente dans les enceintes internationales. La coopération au développement est donc un enjeu pour l’UE dans sa quête du statut d’acteur global. Remarquons que le Nouveau Consensus européen pour le développement qui couvre bien plus de domaines que le premier Consensus européen s’inscrit parfaitement dans le cadre de l’adéquation recherchée par l’UE entre ses objectifs propres et ceux de la Communauté internationale puisqu’il est la suite directe du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui porte les ODD606. La Commission européenne n’hésite pas à affirmer que : « L’Europe est un chef de file pour ce qui est du
développement durable et de la mise en œuvre du programme de développement durable à l’horizon 2030, par l’intermédiaire de ses politiques extérieures (…)607 ».
Ainsi, le développement recouvrant une multitude de domaines, y prendre part est donc indispensable à l’Union pour la réalisation de son dessein. En effet, l’UE connait quelques difficultés à mener une action politique marquée étant donné que la PESC reste dans le giron de l’intergouvernementalité et que de ce fait, les intérêts étatiques des membres se retrouvent parfois en contradiction ou en inadéquation avec ceux de l’UE notamment ceux prévus à l’article 3 §5 du TUE, c’est pourquoi à défaut d’acquérir un statut d’acteur politique par le biais de la PESC, l’UE tente de le faire par le biais de la PAD. Ainsi, nous constatons que toutes les démarches de l’Union tendant à inscrire son action dans un contexte international plus général participent de ce changement de paradigme visant à contourner les problèmes institutionnels de la PESC pour préférer l’action commune de la PAD.
En se servant ainsi de sa politique de coopération au développement, en plus d’avoir une visibilité et une crédibilité internationales en matière d’aide au développement, l’UE va
également avoir un impact sur la politique des bénéficiaires puisqu’elle va exporter son modèle. L’Union promeut l’idée ayant présidé à sa création selon laquelle « une union sans cesse plus étroite entre les peuples608 » permet d’aboutir à la prospérité économique mais aussi à l’augmentation du niveau de vie. Indiquons ici qu’à l’origine la coopération au développement avait aussi pour but de prévenir l’adoption du modèle communiste par les pays nouvellement indépendants. Il s’agissait de « limiter, en période de guerre de froide, l’attrait de ces pays pour le modèle soviétique609 » plus imperméables aux influences économique et politique extérieures. Le Consensus européen pour le développement de 2005 indiquait clairement que l’UE « aidera les pays en développement dans le domaine du commerce et de l’intégration régionale610 ». Le Nouveau Consensus européen prévoit lui aussi « de promouvoir le commerce et l’intégration régionale comme la clef pour atteindre la croissance et la réduction de la pauvreté dans les pays en développement611 ». Ainsi, la PAD est également un vecteur de transposition du modèle d’intégration européen à l’extérieur et ce rôle de soutien de l’Union en faveur de la construction d’une intégration régionale lui est utile pour maintenir son influence.

LIRE AUSSI :  Le système d’intérêt S dans l’ensemble microcanonique

Table des matières

LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Paragraphe introductif – La place des droits fondamentaux dans l’Union européenne
A- La timide entrée des droits de l’homme dans l’Union européenne
B- La consécration des droits de l’homme dans l’Union européenne
Paragraphe 1 – L’intérêt particulier de l’Union européenne pour la protection des
de l’enfant
A- Le statut des droits de l’enfant au sein de l’Union européenne
1) Un nouvel objectif constitutionnel
2) La compétence de l’Union européenne pour assurer la protection des droits
l’enfant
B- La protection des droits de l’enfant dans l’action internationale de l’Union européenne
1) La particularité des droits de l’enfant en droit international
2) Les droits de l’enfant : un enjeu pour l’identité d’acteur international global
l’Union européenne
Paragraphe 2 – Les moyens d’action à la disposition de l’Union européenne pour réaliser l’objectif de protection des droits de l’enfant dans son action extérieure
A- Les politiques extérieures de l’Union européenne pertinentes pour la protection
droits de l’enfant
1) Les politiques extérieures de l’Union européenne cadre de la protection des
de l’enfant au niveau mondial
2) Une politique extérieure par externalisation d’une politique interne cadre de
protection des droits de l’enfant
B- Les limites à la protection des droits de l’enfant dans les politiques extérieures
l’Union européenne
1) La sauvegarde des intérêts économiques de l’Union européenne
2) La diplomatie de l’Union européenne
Paragraphe 3 – La réalisation de la protection des droits de l’enfant dans l’action extérieure de l’Union européenne
A) La difficulté d’encadrer l’action extérieure de l’Union européenne
B) La difficile concrétisation des mesures de protection des droits de l’enfant dans l’action extérieure
PREMIERE PARTIE :
LA PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT DANS LES POLITIQUES EXTERIEURES ECONOMIQUES DE L’UNION EUROPEENNE
TITRE 1
LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE COMME OUTIL DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT AU NIVEAU INTERNATIONAL
CHAPITRE 1
LES INSTRUMENTS DE PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT DANS LA POLITIQUE COMMERCIALE COMMUNE
SECTION 1 – LES NORMES DE PROTECTION DES DROITS DE L’ENFANT APPLIQUEES PAR L’UNION EUROPEENNE
Paragraphe 1 – L’intégration lacunaire des droits sociaux des enfants dans le droit de l’Union européenne
A – Le manque de prise en compte par l’Union européenne des normes fondamentales du travail relatives aux enfants adoptées par l’Organisation internationale du travail
1) La détermination des normes pertinentes de l’Organisation internationale du travail
a) L’opposabilité renforcée des conventions du Programme international pour l’abolition du travail des enfants
i) La Convention n°138 de l’Organisation internationale du travail
ii) La Convention n°182 de l’Organisation internationale du travail
b) Le régime d’opposabilité traditionnel des autres conventions de l’Organisation internationale du travail
2) L’application des normes pertinentes de l’Organisation internationale du travail dans l’Union européenne
a) L’application des conventions pertinentes de l’Organisation internationale
travail par l’Union européenne

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *