Pour élaborer son objet de recherche, le chercheur peut partir soit des concepts, soit des théories, soit des modèles théoriques portant sur le phénomène à étudier, soit des outils et approches méthodologiques, soit des faits observés, soit d’une opportunité de terrain ou encore d’un intérêt pour un thème général (Allard-Poési et Maréchal, 1999). C’est ce dernier point de départ qui a été retenu pour ce travail, le thème de recherche initial se focalisant sur l’externalisation. Ce phénomène est largement répandu dans la pratique des organisations, l’externalisation est même parfois perçue comme un phénomène à la mode (Lacity et Hirscheim, 1993). C’est plus particulièrement dans les années 1990 que de nombreuses entreprises ont externalisé certaines de leurs fonctions. Récemment, en 2005, on constate que 65% des entreprises françaises ont externalisé une ou plusieurs de leurs fonctions ; le nombre de fonctions externalisées ne cesse d’augmenter, il est actuellement en moyenne supérieur à 6.
Certains consultants se sont spécialisés en externalisation, des outils de présentation sont apparus (comme le baromètre Outsourcing mis en place par Andersen dans les années 1990 et repris par Ernst & Young), des associations ou salons se sont mis en place (comme le salon PROseg/externaliser, L’Observatoire de l’externalisation géré par l’Institut Esprit Service du Medef, European Outsourcing Association au niveau européen ou encore Outsourcing Institute au niveau international…), un nouveau marché s’est développé et des entreprises de logistique, de services généraux, d’informatique… ont vu le jour.
Parallèlement, les articles académiques et managériaux se sont également intéressés à l’externalisation. Plusieurs chercheurs français se sont penchés sur le sujet (notamment au sein du CLAREE (LEM) : De la Villarmois-Tondeur-Dumoulin, Gosse-Sargis Sprimont, Chanson, Huynh, Geyer, Tondeur-De la Villarmois, Louart…, mais aussi Quélin, Barthélemy, Fimbel…) ainsi qu’au plan international, plusieurs chercheurs anglo-saxons (LacityHirscheim, Tapon, Pisano, Bettis-Bradley-Hamel, Cheon-Grover-Teng, Earl, Quinn, Alexander-Young…). Certaines revues ont consacré des numéros spéciaux à l’externalisation (académiques comme la Revue Française de Gestion en 2003, Expansion Management Review en 2002 et des revues plus spécialisées comme Revue Banque en 2000, Liaisons sociales magazine en 2002 et 2004, Personnel en 2003…).
L’externalisation consiste, de manière générale, à déléguer une fonction de l’entreprise à un prestataire de services extérieurs sur une durée contractuelle pluri annuelle . Plusieurs termes sont généralement associés au phénomène de l’externalisation : la sous-traitance, l’impartition, la délégation ou gestion déléguée, facilities management, body-shopping…, des termes spécifiques à la fonction externalisée comme l’infogérance, mais aussi la délocalisation ou le partenariat ou plus simplement les contrats de prestation de service. Bien qu’ayant une définition précise, ces termes sont très souvent considérés comme des synonymes et sont indifféremment employés dans la littérature ou sur le terrain. Ainsi peut-on trouver des définitions amalgamant ces termes, telles que : « l’impartition consiste en l’externalisation, par recours à la sous-traitance, de certaines activités » ou encore la définition de l’externalisation donnée par le Larousse: « action de sous-traiter ».
Lors de l’étude sur l’externalisation réalisée par Andersen en 2001 auprès d’entreprises françaises (Baromètre Outsourcing), seulement 29% des personnes interrogées définissent précisément le terme d’externalisation, 24% l’assimilent à de la sous-traitance et 25% pensent qu’il s’agit de faire faire ce qu’on pourrait faire soi-même.
L’externalisation touche un nombre de plus en plus important d’activités. Barthélemy (2001, pp17-19), reprenant des études du cabinet Bossard Consultants, décompose le phénomène en deux catégories :
– L’externalisation de certaines activités comme la comptabilité, la paie, les services généraux, la maintenance, bien établie depuis plusieurs années.
– L’externalisation de nouvelles activités comme les télécommunications, l’informatique, la logistique et la recherche et développement, plus récente mais en pleine expansion.
Il ajoute que des activités proches du cœur de métier des entreprises comme la R&D ou le SAV sont de plus en plus touchées par l’externalisation, le phénomène semblant donc s’étendre à un nombre de fonctions de plus en plus important. Le baromètre Outsourcing (2001) précise que les fonctions les plus externalisées par les grandes entreprises sont l’informatique et les télécommunications, puis la distribution-logistique et transport et enfin les services généraux. Le baromètre Outsourcing détermine 7 grandes fonctions dans l’entreprise, subdivisées en 38 sous-fonctions, comme susceptibles d’être déléguées.
Au vu de l’évolution du phénomène et des travaux déjà effectués qui, pour une grande partie, se concentrent soit sur l’externalisation dans une vision globale soit sur la fonction informatique, il semble intéressant de se focaliser sur une fonction proche du cœur de métier et dont l’externalisation semble plus délicate : la R&D.
La 2ème édition du salon professionnel consacré à l’externalisation (le salon PROseg/externaliser, 2001), qui rassemble près de 150 exposants représentant un diaporama relativement complet de l’offre de service dans 34 secteurs d’activités a délaissé (voire oublié) l’activité R&D ; alors que quelques semaines plus tard, Le Monde (6-11-2001) présente le classement des entreprises françaises en fonction du budget recherche et développement et précise leur budget de R&D externalisée (qui varie entre 1% et 23%). Ainsi, dans un premier temps, il semble que l’externalisation de la R&D ne puisse être comparée à l’externalisation d’une autre fonction et que l’offre de prestations en R&D ne puisse trouver sa place dans un salon consacré à l’externalisation.
Instinctivement, certains éléments permettent d’expliquer cette première constatation et paraissent fondamentaux pour la compréhension du phénomène : la R&D est une activité sensible, confidentielle et spécifique à l’entreprise, elle prend des formes variées et se base sur une multitude de domaines et de questions scientifiques relativement larges ou au contraire très ciblées (d’où une demande qui pourrait être très large) ; il existe de nombreux risques comme la propriété intellectuelle ou la fuite d’informations…
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