La raison d’être particulière des entreprises publiques

La raison d’être particulière des entreprises publiques

La nature et la finalité du secteur public se révèlent fort différentes par rapport au secteur privé. En effet, le secteur public, c’est l’action de la société sur la société (Ouellet, 1992). Les activités du secteur public ont toujours par delà les citoyens « bénéficiaires », la société globale comme destinataire ultime. Par contre, l’activité du secteur privé se résume essentiellement à offrir des biens et des services commerciaux aux individus « consommateurs ». Ce qui motive les acteurs socioéconomiques, c’est le profit qu’ils peuvent tirer de leurs productions.

Les entreprises publiques ou sociétés d’État constituent une forme hybride d’organisation dans la mesure où, en plus de leurs activités à vocation commerciale, elles se voient généralement confier des mandats qui comportent des obligations de services à peu près toujours contraires à la rationalité économique et qui sont souvent la raison d’être de leur création. Elles doivent donc concilier les principes d’un organisme d’intérêt public avec une gestion de type privé. La dimension politique associée communément aux entreprises publiques réfère de manière plus explicite aux objectifs politiques qu’elles doivent mettre de l’avant.

Ces objectifs sont aussi mieux connus dans la littérature sous le vocable d’objectifs non commerciaux ou extra-entreprises (Ramanadham, 1991). Par exemple, le gouvernement, dans l’optique d’une politique générale visant à redistribuer la richesse et les revenus, peut être amené à dicter une structure de prix favorisant certaines classes de consommateurs, à imposer la fourniture de certains services à une population éloignée, …

Précisons, à cet égard, que les différences fondamentales qui distinguent généralement les entreprises publiques des entreprises privées tendent peu à peu à s’estomper. En effet, le secteur public subit depuis quelques années des restructurations majeures sur les plans organisationnel et environnemental. Cette période de transition est définie dans la littérature sous le vocable de corporatisation (Brown, 1995). La corporatisation consiste à inculquer aux organisations publiques les pratiques qui ont cours dans le secteur privé. Un des éléments clés de la corporatisation a trait au changement de mandat de l’entreprise publique à qui o demande dès lors de réaliser des profits (profit-seeking). Laux et Molot (1988) et Gordon (1981) parlent aussi de commercialisation des entreprises publiques. On référera, aujourd’hui, à un concept plus générique : le Nouveau Management Public (Hood, 1991-95; Stewart et Walsh, 1992).

La controverse sur les différences d’objectifs Plusieurs auteurs perçoivent le problème des différences d’objectifs entre les entreprises des secteurs public et privé comme un problème de mesure. Par exemple, Borins et Boothman (1986) démontrent, à la suite d’une revue de certaines études empiriques dans le domaine, que la rentabilité peut être une mesure trompeuse à cause des objectifs non commerciaux qui peuvent être assignés à une entreprise publique. De plus, ils constatent qu’un grand nombre des études qui conclut à la moindre performance des entreprises publiques néglige, ou du moins sous-estime, les avantages sociaux qui sont la contrepartie d’inefficiences commerciales. En fait, analyser la performance est un non-sens si l’analyste ne reconnaît pas au départ que ces objectifs (objectifs politiques) font partie du rôle objectif d’une société publique. Brooks (1989) note également que les preuves d’une amélioration de l’efficience ne sont pas significatives, du point de vue de ce qu’elles révèlent sur les effets du régime de propriété sur l’efficience, en l’absence de toute tentative visant à estimer ce qui a été perdu, le cas échéant, en termes d’objectifs sociaux et politiques.

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