La radiothérapie cervico-faciale

La radiothérapie cervico-faciale

INTRODUCTION 

La radiothérapie cervico-faciale a longtemps été considérée comme une contre-indication absolue à la mise en place d’implants oraux. Néanmoins, le besoin de réhabilitation dentaire chez les patients atteint d’un cancer de la sphère oro faciale et ayant subi une radiothérapie a changé cette position. Lorsque le patient est atteint d’un cancer de la sphère oro faciale, 2 traitements sont généralement utilisés seuls ou associés : la chirurgie et la radiothérapie. La réalisation d’une restauration prothétique stable et fonctionnelle selon les procédés conventionnels s’avère alors compromise du fait des altérations tissulaires post-radiques et des dégâts structuraux post-chirurgicaux. C’est pourquoi, face aux échecs des prothèses classiques, l’implantologie orale doit être prise en considération dans l’arsenal thérapeutique ayant pour but la réhabilitation orale de nos patients. Reste à savoir si cette thérapeutique, malgré ses bénéfices, ne comporte pas trop de risques, si le taux de succès implantaire dans ce contexte est élevé et si oui dans quelles conditions ? L’implantologie en terrain irradié est étudiée chez l’animal puis sur l’homme depuis 1985. Ce sujet est au cœur des préoccupations actuelles puisque les cancers de la sphère oro-faciale sont très fréquents et ne cessent d’augmenter. Parmi les cancers de la sphère oro-faciale, les cancers des VADS (voies aéro-digestives supérieures) représentent la majeure partie mais les cancers de la peau et des glandes salivaires en font également partie. Dans cette thèse on s’intéressera plus particulièrement aux cancers des VADS car ce sont les plus fréquents (ils sont placés au 5ème rang des cancers les plus fréquents en France) avec pour principal facteur de risque le tabac. La première partie de ce travail se focalisera sur des rappels concernant les cancers de la sphère oro-faciale ainsi que leurs traitements, nous verrons plus spécifiquement la radiothérapie et ses conséquences au niveau buccal dans la 2eme partie. Puis après avoir décrit les limites de la réhabilitation prothétique classique chez les patients irradiés, nous verrons si l’ostéointégration des implants est possible après irradiation. Enfin, nous exposerons les différents facteurs permettant l’indication des implants sur un terrain irradié, puis une discussion sur les bénéfices et les risques clôturera le sujet. 

GENERALITES SUR LES CANCERS DE LA SPHERE ORO-FACIALE 

Epidémiologie 

Parmi les cancers de la sphère oro-faciale, les cancers des VADS, des glandes salivaires et de la peau sont les plus fréquents et peuvent engendrer directement ou indirectement (par leurs traitements) des conséquences au niveau de la sphère orale. Ces conséquences devront être étudiées si un traitement implantaire est proposé. En France, d’après une étude récente environ 17000 nouveaux cancers des voies aérodigestives sont dépistés par an avec une mortalité très élevée (>10000). Il s’agit du 5ème cancer le plus fréquent en France et concerne à la fois les hommes et les femmes à partir de 35 ans pour atteindre son maximum à 60 ans. Parmi les cancers des voies aérodigestives supérieures, le cancer de la cavité buccale est l’un des plus fréquent, en effet, il s’agit du 11ème cancer le plus fréquent dans le monde (1). Le cancer de la peau est moins fréquent avec près de 8000 nouveaux cas par an en France. Parmi ces cancers, les carcinomes basocellulaires représentent 70 % des cas et les carcinomes spinocellulaires et les mélanomes comptent pour environ 20 et 10 % des cas respectivement. Les carcinomes sont plus fréquents chez les hommes tandis que les mélanomes touchent majoritairement la population féminine. Le mélanome est le type de cancer le plus agressif, formant plus facilement des métastases que les autres. En moins de 20 ans, le nombre de nouveaux cas de carcinomes basocellulaires a doublé en France et le nombre de mélanomes a lui été multiplié par près de deux ces dix dernières années. Les tumeurs des glandes salivaires sont des tumeurs rares constituant 3 % à 5% des tumeurs de la tête et du cou. On distingue les glandes salivaires principales : parotide, submandibulaire, sublinguale et les glandes salivaires accessoires. Toutes les glandes salivaires peuvent être atteintes par des tumeurs bénignes ou malignes. La glande le plus souvent touchée est la glande parotide (85 % des tumeurs salivaires). Ce sont des tumeurs épithéliales dans 95% des cas, dont 70% sont bénignes (adénome pléomorphe), 10% mixtes (carcinome mucoépidermoide) et 20% malignes (carcinome adénoïde kystique, adénocarcinome). Mais la distribution est différente dans les deux groupes de glandes : les tumeurs des glandes salivaires principales sont trois fois sur quatre bénignes, alors que 60 % des tumeurs des glandes salivaires accessoires sont malignes .

Facteurs de risque

 Les principaux facteurs de risque des cancers de la sphère oro faciale et surtout des cancers des voies aérodigestives supérieures sont l’alcool et le tabac. Dans 90% des cas, ces cancers sont en rapport avec une intoxication alcoolo tabagique. Le tabac est de loin le facteur de risque principal avec un risque de cancer proportionnel à la dose et à la durée d’exposition. Arrêter le tabac diminue le risque de 30 % après un à neuf ans, de 50 % après neuf ans. Apres 15 ans, le risque revient au niveau de celui des non-fumeurs (3). Associé à l’alcool, le risque de développer un cancer n’est pas additionné mais multiplié, ainsi Castellsagué et al. ont montré que la consommation concomitante modérée de tabac (une à 10 cigarettes par jour) ainsi que d’alcool (un à deux verres par jour) est associé à une augmentation de cinq fois le risque d’avoir un cancer oral. Pour un gros fumeur (plus d’un paquet par jour), le risque pourrait être multiplié par quarante selon la quantité d’alcool consommée (4). D’autres facteurs de risque peuvent également engendrer l’apparition d’un cancer des VADS: les irritations chroniques de la muqueuse, une lésion précancéreuse, un état carentiel, immunodéprimé, une mauvaise hygiène buccodentaire, un facteur viral : EBV, HPV ou géographique : le cancer du nasopharynx est principalement observé chez les migrants de l’Asie du sud-est, des Antilles et du bassin méditerranéen. L’exposition au soleil ainsi que le vieillissement de la population ont fait exploser le nombre de cas de cancers de la peau. Concernant les glandes salivaires, le tabac, l’exposition à la radiation et le virus Epstein Barr (EBV) sont les principaux facteurs de risque. Il faudra donc être encore plus vigilant quant à la mise en place d’implants intra oraux chez un patient atteint d’un cancer de la sphère oro-faciale, du fait des destructions tumorales mais également des facteurs de risque souvent présents chez ces individus. La prise en charge de ces facteurs doit donc être pluridisciplinaire (tabacologue, addictologue, psychiatre..) et comporte un suivi avant, pendant et après la mise en place d’implants dentaires endo-osseux

Table des matières

1. INTRODUCTION
2. GENERALITES SUR LES CANCERS DE LA SPHERE ORO-FACIALE
2.1. Epidémiologie
2.2. Facteurs de risque
2.3. Localisation des différents cancers de la sphère oro-faciale
2.4. Classification
2.5. Diagnostic
2.6. Pronostic : Classification TNM
2.7. Traitements
3. LA RADIOTHERAPIE
3.1. Principes de la RT
3.2. Indications en fonction de l’état du patient et des stades cancéreux
3.2.1. La prise en charge dépend de l’état du patient
3.2.2. Principes thérapeutiques selon le stade du cancer
3.3. Les conséquences de la radiothérapie au niveau de la sphère oro-faciale
3.3.1. Physique
3.3.1.1. Sur l’épithélium et la peau
3.3.1.2. Sur les muqueuses
3.3.1.3. Sur les muscles et l’articulation temporo mandibulaire
3.3.1.4. Sur les glandes salivaires
3.3.1.5. Sur les dents
3.3.1.6. Sur l’os
3.3.2. Psychologique
3.4. Les limites de la prothèse conventionnelle après traitement carcinologiques : chirurgie et radiothérapie
3.4.1. Perturbation de l’équilibre prothétique
3.4.1.1. Rétention
3.4.1.2. Stabilisation
3.4.1.3. La sustentation
4. L’OSTEOINTEGRATION PATIENT SAIN vs PATIENT IRRADIE
4.1. Ostéointégration chez le patient sain
4.1.1. Définition
4.1.2. Facteurs influençant l’ostéo-intégration
4.1.2.1. Les facteurs liés à l’hôte
4.1.2.2. Les facteurs liés à l’implant
4.1.2.3. La technique chirurgicale
4.1.3. Processus d’ostéointégration
4.1.3.1. Phase de stabilité primaire (stabilité mécanique)
4.1.3.2. Phase de stabilité secondaire (stabilité biologique)
4.2. Ostéointégration chez les patients irradiés
4.2.1. Stabilité primaire chez le patient irradié
4.2.2. Stabilité secondaire ou remodelage osseux chez le patient irradié
4.3. Etudes sur le pronostic de l’implant en zone saine versus zone irradiée
5. INDICATIONS DES IMPLANTS SUR TERRAIN IRRADIE
5.1. Sélection du patient : Terrain
5.1.1. Anamnèse
5.1.2. Examen clinique
5.1.3. Examen radiologique
5.2. Site implantaire
5.2.1. Localisation selon le maxillaire
5.2.2. Irradiation
5.2.3. Os greffé ou non
5.3. Type d’implant
5.3.1. Dimensions
5.3.2. Etats de surface
5.4. Délai de chargement
5.5. Type de prothèse
5.5.1. La prothèse amovible (PACSI)
5.5.2. La prothèse fixe
5.6. Comment améliorer la survie implantaire ?
5.6.1. Oxygénothérapie à caisson hyperbare (HBO)
5.6.2. BMP (bone morphogenic protein)
5.6.3. OGP (osteogenic growth peptide)
5.7. Discussion bénéfices/ risques d’une thérapeutique implantaire
6. CONCLUSION

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