La psychologie positive : données historiques et principaux concepts
La psychologie positive est née aux États-Unis dans les années 1990 (Cottraux, 2008) et est associée au passage de Martin Seligman à la présidence de l’American Psychological Association (Mandeville, 2005). Après avoir fait de nombreuses recherches sur la dépression et avoir constaté que la psychologie s’était surtout limitée au soin des troubles depuis près de 100 ans, Seligman s’est fixé comme objectif d’enrichir la mission de la psychologie et de promouvoir le meilleur chez l’humain (Mandeville, 2005).
Seligman ne niait aucunement les bienfaits du modèle médical, mais croyait qu’un accent trop marqué sur ce pôle limitait la possibilité d’encourager le talent (Mandeville, 2005). Seligman (2004) soutient que le développement des forces de caractère permettrait de prévenir la dépression et l’anxiété plutôt que de les traiter après qu’elles aient été déclarées. Des cliniques de l’optimisme furent créées à la fin des années 1990, où les programmes suggérés avaient pour objectif le développement des compétences plutôt que la réparation des faiblesses (Peterson & Seligman, 2004). L’optimisme entraîne une vision plus positive de la vie et de ses épreuves ainsi qu’un meilleur regard sur les perspectives offertes et les rêves possibles (Desjardins, 2006). Par son approche, Seligman désirait créer un équilibre entre la guérison des maladies et le développement des forces, car il croyait que l’identification et le développement des forces des individus pourraient procurer une protection contre la maladie mentale. La psychologie positive s’est donnée trois objectifs principaux : 1) l’étude des expériences subjectives positives, 2) l’étude des traits positifs individuels et 3) l’étude des organisations qui font la promotion des expériences et traits positifs (Seligman & Csikszentmihalyi, 2000).
La classification des forces personnelles
Considérant la valeur du DSM, Peterson et Seligman (2004) ont cherché à créer le pendant positif de ce manuel des troubles psychologiques. Ils ont voulu proposer une classification des forces de caractère selon un modèle se rapprochant du DSM, qui avait mis de l’avant un langage commun permettant l’opérationnalisation des concepts. À l’instar du DSM, différents critères basés sur des comportements et certaines règles devaient permettre de reconnaître les différentes forces de caractère. Les chercheurs souhaitaient offrir aux psychologues des moyens pour prendre en compte les différentes forces des individus, en les identifiant et créant un outil de mesure.
Élaboration du VIA-IS
Le VIA-IS (Peterson & Seligman, 2004) est un questionnaire qui permet d’évaluer les forces de caractère et les vertus humaines. Les forces de caractère ont été regroupées sous six facteurs, nommés « virtues » en anglais, qui se traduit par « vertus » en français. Toutefois, il importe de préciser que ce terme « vertu » peut être très associé à la religion pour certains qui préfèrent utiliser le terme « valeur ». Cependant, dans la présente étude, le terme « vertu » est utilisé, étant plus proche de la terminologie des concepteurs du VIA.
L’institut Values In Action (VIA), fondé en l’an 2000, a permis de réaliser un ensemble de recherches dont l’objectif était d’étudier les forces de caractère (Seligman, 2004). Les forces de caractère ont été définies comme des traits positifs de la personnalité (Peterson & Seligman, 2004). Selon les auteurs, ces traits seraient des éléments fondamentaux constituant le caractère. Ce sont aussi des capacités de penser, de sentir et de se comporter. Ces recherches ont ensuite mené à l’élaboration d’une classification des forces. Pour y parvenir, les auteurs ont jugé nécessaire de définir d’abord les vertus reconnues dans la plupart des cultures pour enfin les subdiviser en différentes forces de caractère. L’élaboration de la classification a fait appel à différentes méthodes. Dans un premier temps, un brainstorming a été initié par un groupe restreint de chercheurs dont l’objectif était de créer une liste de forces et de vertus humaines (Perterson & Seligman, 2004). Dans un deuxième temps, Christopher Peterson s’est joint au groupe et a collaboré à l’élaboration de la liste initiale. Peterson et Seligman se sont ensuite associés afin de rassembler un groupe de spécialistes des sciences sociales en vue d’élaborer leur ouvrage Classification of Character Strengths. Les divers scientifiques consultés possédaient des expertises en philosophie, en sciences sociales et en histoire des religions, desquelles a découlé un regroupement des différents traits individuels et des vertus prônés à l’intérieur des traditions orientales et occidentales. Par la suite, à partir d’une recension poussée de la littérature, les auteurs ont mis au point un cadre pour définir et conceptualiser les forces. Plusieurs inventaires de forces et de vertus ont été répertoriés, provenant tant de systèmes religieux et philosophiques que de personnages historiques, s’inspirant également de déclarations provenant d’organismes reconnus, de valeurs relevées dans des véhicules culturels (cartes de souhaits, chansons, etc.). Les vertus et les forces choisies pour concevoir le VIA-IS devaient être reconnues universellement.
Comme le laissent entendre Peterson et Seligman (2004), la classification proposée n’est pas considérée comme un produit fini. Les auteurs croyaient que leur classification pourrait être modifiée dans les années à venir, en fonction des différentes recherches. Peterson et Seligman insistent aussi sur le fait que le questionnaire ne doit pas être considéré comme un test diagnostique mais plutôt comme une autoévaluation cernant les forces d’un individu .
Qualités métrologiques du VIA-IS
Validité de contenu. Les forces de caractère ont été définies et opérationnalisées à l’aide de méthodes mixtes reconnues (sondages mondiaux, recension d’écrits, consultation d’experts, analyses des convergences, analyses factorielles, etc.), utilisant des échantillons de grande taille dans différents pays (USA : n = 83 576), ce qui appuie la validité de contenu du VIA-IS (Park, Peterson & Seligman, 2006). Noftle et al. (2011) appuient ce constat, en rapportant que l’outil présente une très grande validité de contenu puisque le contenu des items est généralement transparent (face validity). Peterson et Seligman (2004) ont accordé beaucoup d’attention à cette validité.
Validité de construit. Plusieurs études ont cherché à établir la validité de construit de l’instrument original au moyen d’analyses factorielles exploratoires. Les différentes études ayant soumis le VIA-IS à de telles analyses .
avant 2010 ont proposé des solutions à quatre facteurs (Brdar & Kashdan, 2010 ; MacDonald, Bore, & Munro, 2008 ; Park, Peterson, & Seligman, 2006 ; Shryack et al., 2010), à trois facteurs (Shryack et al., 2010 😉 ou cinq facteurs (Singh & Choubisa, 2010 ; Shryack et al., 2010 ; Park, Peterson, & Seligman, 2006). Ainsi, la recension des écrits jusqu’en 2010 permet de constater que les études réalisées à propos de la structure factorielle du VIA n’ont pas généré des résultats cohérents sur la structure factorielle du VIA-IS.
Une étude menée par Macdonald, Bore et Munro (2008) a démontré que le modèle du VIA basé sur six vertus ne produisait pas une structure factorielle cohérente. Selon leurs résultats, les 24 forces du VIA seraient mieux représentées par un modèle à un ou à quatre facteurs. Les chercheurs ont également observé que des liens entre chaque force du VIA et le modèle du Big Five seraient mieux établis en utilisant un modèle à un ou quatre facteurs.
Noftle, Schnitker et Robins (2011), pour leur part, ont rapporté qu’aucune analyse factorielle confirmatoire n’a démontré un bon ajustement des items à la structure théoriques du VIA-IS (les six vertus). Ils précisent que cela pourrait être attribuable à certains items possiblement problématiques.
Face à ce constat, McGrath (2015a) a décidé de réaliser une vaste recherche pour tenter de remédier à ces inconsistances. Dans un premier temps, McGrath a recensé sept études évaluant la structure factorielle du VIA-IS (Brdar & Kashdan, 2010 ; Peterson, Park, Pole, D’andrea, & Seligman, 2008 ; Macdonald, Bore, & Munro, 2008 ; Ruch et al., 2010 ; Singh & Choubisa, 2010 ; Shryack, Steger, Krueger, & Kallie, 2010 ; LittmanOvadia & Lavy, 2012). Un tableau présentant un sommaire de ces résultats est présenté en Appendice B. Six de ces études ont pu identifier de nouvelles combinaisons pour la structure du VIA. Par la suite, McGrath (2015a) s’est servi des réponses de 458 998 individus adultes des États-Unis, qui avaient complété le VIA en ligne. L’étude propose une série d’analyses en composantes principales et d’analyses factorielles. Le grand nombre de répondants pour cet échantillon a permis de réaliser deux analyses, l’une sur les échelles et l’autre sur les items de l’inventaire des forces de caractère. Les résultats obtenus aux analyses sur les échelles ont confirmé les résultats de certaines études antérieures, en proposant qu’une solution à cinq facteurs était la plus appropriée pour la population des ÉtatsUnis. Cependant, cette étude a surtout permis de mettre en évidence la multidimensionalité des échelles (vertus). Quant aux analyses sur les items, elles ont mené à des suggestions alternatives concernant le nombre d’échelles du VIA-IS. Une analyse de second ordre a permis à McGrath (2015a) de proposer certains éléments qui pourraient être le début d’une seconde génération du modèle des forces proposées par le VIA-IS.
Introduction |