La protection des associés minoritaires par la prévention de conflits
Le conflit d’intérêts procède, dans le domaine sociétaire, de la volonté du dirigeant ou de l’associé de satisfaire des intérêts personnels contraires aux intérêts de la société. Il transfère à son profit une partie de la richesse sociale en sacrifiant son intérêt d’associé pour s’enrichir en dehors de la société. Le problème s’avère majeur lorsqu’il s’agit d’un groupe de sociétés où l’intérêt des associés minoritaires se limite au patrimoine de leur société, et où l’intérêt de la société mère transcende cette sphère étroite en concevant le groupe tout entier comme une unique entreprise. Les solutions habituelles à cet antagonisme semblent en l’espèce consister en trois précautions : lutter contre l’égoïsme de la société mère, faire prévaloir l’intérêt du groupe, et ne pas sacrifier l’intérêt social de la filiale. Aussi, lorsque la société mère – associée majoritaire ou dirigeante de sa filiale – choisit de faire prévaloir l’intérêt commun à toutes les sociétés de son groupe, le conflit est écarté à travers une solution satisfaisant tous les intérêts particuliers de ces sociétés ; dans le cas contraire, la communauté d’intérêts est rompue au détriment des sociétés sacrifiées. 82. Toutefois, au sein d’un groupe de sociétés, le conflit d’intérêts entre la société mère et les associés minoritaires dans la filiale procède de l’antagonisme entre le fait et le droit : l’unité économique du groupe et l’indépendance juridique des sociétés membres, lequel place les associés minoritaires dans une situation incommode. La société mère, favorisant ses intérêts personnels, risque de commettre des actes abusifs débouchant sur des conflits d’intérêts avec les associés minoritaires dans ses filiales.
Le conflit d’intérêt issu des actes conclus entre la filiale et sa mère
Mais, il faut tenir compte de la différence entre société membre d’un groupe et société isolée. En effet, dans un groupe, la mise en application de la stratégie commune nécessite l’existence d’une complémentarité des activités entre les différentes sociétés, et implique ainsi l’existence d’une certaine marge de liberté contractuelle pour les dirigeants. La soumission de tous les actes conclus entre les sociétés membres du groupe ou entre elles et leurs dirigeants peut perturber le fonctionnement normal du groupe sans pour autant servir l’intérêt des associés minoritaires dans ces dernières. De même, l’unité de direction qui caractérise les groupes de sociétés peut constituer un risque majeur pour les filiales et leurs associés minoritaires. Les dirigeants de celles-ci, liés à la direction centrale les conventions conclues entre la société et ses dirigeants ou associés sur le même pied d’égalité. La procédure d’autorisation représente en effet la règle générale (1ère sous- section) à laquelle dérogent les conventions libres (2ème sous-section) et celles interdites (3ème sous-section). Etudions successivement ces trois types.
Cette procédure ne s’applique cependant qu’aux sociétés à risque limité, mais non à celles à risque illimité, pour qui la loi n’impose aucune obligation aux associés et dirigeants. C’est le droit commun de la responsabilité qui devra s’appliquer lorsque ces derniers abusent de leur situation pour imposer à la société une convention désavantageuse. Pour la société civile (régie par le Code civil), une procédure spéciale de contrôle a été créée par la loi NRE du 15 mai 2001 qui s’applique à ses gérants et associés. Selon cette loi, les conventions passées entre « une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique » et « l’un de ses administrateurs ou l’une des personnes exerçant un rôle de mandataire social163» doivent être qualifiées de réglementées et soumises au contrôle des associés. Cette disposition ne vise pas la société civile selon sa forme juridique, mais par son activité qui doit être purement économique : professionnelle ou de construction-vente. intéressée164.
Ces conventions ne résultent pas forcément d’une volonté égoïste de l’intéressé, mais d’une éventualité de mettre en péril l’intérêt social. Elles se caractérisent essentiellement par leur nature et leurs effets sur la société. Ainsi, les conventions bénéfiques pour la société, qui n’emportent pas d’intérêt personnel au cocontractant peuvent échapper à la procédure de contrôle : un prêt sans intérêt présenté à la société par son actionnaire, une garantie, un aval ou une remise de dettes octroyée à la société de son actionnaire ou du gérant créancier. résiliation d’actes existants166. Une société mère actionnaire majoritaire ne peut, de son propre chef, décider à l’assemblée générale de sa filiale de l’exonération de ses dettes à l’égard de cette dernière, ou du renouvellement d’un contrat de prêt ou de location conclu avec elle. De même, les articles précités ne s’appliquent pas seulement aux conventions signées par le représentant légal de la société, mais encore à tout acte conclu par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, accordant un droit à l’un de ses membres. Il en va ainsi de la décision du conseil d’administration d’une société mère anonyme de transférer des actifs ou des fonds à une filiale, ayant avec elle des dirigeants communs. L’accord de cette décision par la filiale constitue une convention réglementée soumise à l’article L. 225-38 du Code de commerce puisque les dirigeants communs sont influencés par un intérêt extérieur à la société mère, celui de la filiale. Ces articles ont également vocation à s’appliquer aux actes conclus entre la société filiale et un associé disposant d’une fraction égale à 10% de son capital ou de ses droits de vote. S’il s’agit en l’état d’un associé ou actionnaire personne morale, les règles s’appliquent à la société qui le contrôle.