LA PROPOSITION D’UN CONTRAT SPÉCIAL DE
RÉNOVATION
Le champ d’application du contrat de rénovation
Qu’est-ce donc que le contrat de rénovation immobilière ?
Compte tenu de l’omniprésence du phénomène de rénovation dans notre société, proposer la création d’un contrat de rénovation peut paraître ubuesque. Toutefois, il n’en est rien ! Ce concept est, à certains égards, étranger au domaine de la promotion immobilière qui ne le compte pas toujours dans ses rangs. 365. Les deux auteurs, à l’origine de la présente formule contractuelle, la définissent par rapport aux circonstances de l’arrêt précité700. Le contrat de rénovation serait en réalité une espèce de CCMI aménagé pour les seules opérations de rénovation701 . Monsieur Jean-Philippe Tricoire, dans un élan avant-gardiste évoquait, juste deux mois après le verdict de 2013, la possibilité d’instaurer un contrat de rénovation de maison individuelle (CRMI)702. Il ne restait plus que Monsieur Vivien Zalewski-Sicard lui emboîte le pas. Leur association va donner naissance à ce « nouveau contrat » qu’ils souhaitent voir intégré à la nomenclature des outils à la disposition des acteurs du secteur de la construction. Pour ne pas déroger à l’usage, les auteurs s’attèlent d’abord à déterminer les conditions de mise en œuvre du contrat de rénovation. Pour ce faire, ils listent, dans un premier temps, les travaux visés par la convention (Paragraphe 1), puis dans un second temps, établissent dans quelle mesure la convention peut jouir d’une protection en phase avec les règles du secteur protégé (Paragraphe 2).
La nature des travaux considérés
En tenant compte du contexte ayant conduit à la proposition du contrat de rénovation, une tendance légitime et évidente émerge avec force. Le champ d’application établi par les artisans du présent contrat procèderait a priori de l’exclusion des travaux d’entretien (A), au profit d’ouvrages plus importants (B).
L’exclusion des travaux d’entretien
Il a été envisagé, lors des réflexions menées sur la typologie de travaux sur existants et le contrat de vente d’immeubles à rénover, qu’appartiennent notamment à la catégorie des ouvrages de faible importance, les travaux dits d’entretien. Même s’il est d’usage que l’administration fiscale, les juges et le législateur les assimilent aux travaux de réparation, ceux-ci s’en distinguent nettement. Les travaux d’entretien contribuent communément au maintien en l’état de l’immeuble, tandis que ceux de réparation qui dépassent le cadre de l’entretien, concernent la remise en état, la réfection ou le remplacement d’équipements essentiels à la conservation et à l’utilisation de l’immeuble conformément à sa destination . L’essentiel étant que la consistance, l’agencement ou l’équipement initial ne soient pas modifiés. À cet égard, nous avons vu que la jurisprudence administrative a considéré comme faisant partie de cette famille de travaux, ceux de remise en état du mur d’une propriété705, ou encore des travaux de réfection d’une toiture ou de traitement des bois d’une propriété contre certains insectes nuisibles Au regard de ces définitions, les concepteurs du contrat de rénovation ne sauraient être favorables à une assimilation des deux notions, étant donné que les travaux de réparation semblent, au fond, plus conséquents que ceux d’entretien. Bien que Monsieur Zalewski-Sicard708 veuille expressément exclure de la catégorie des travaux d’entretien, ceux d’amélioration, au motif que ces derniers supposent de grosses réparations et induisent inévitablement au processus de rénovation, cette exclusion à notre sens mérite quelques nuances. En effet, il est tout à fait imaginable que le terrain conçu pour les travaux d’entretien accueille favorablement certains travaux d’amélioration. De manière générale, les travaux d’amélioration sont décrits comme ceux apportant des éléments supplémentaires de confort et d’habitabilité aux existants. Ils doivent nécessairement apporter à un édifice, un équipement innovant, une forme d’amélioration nouvelle ou mieux adaptée aux conditions modernes de vie, sans nécessairement en modifier la structure . Parallèlement, garantir aux occupants de l’existant , un surcroît de sécurité ou une qualité supérieure des prestations . Le cas échéant, il peut s’agir de l’installation d’un détecteur de fumée ou d’incendie , ou du remplacement d’un système de chauffage obsolète par un autre plus moderne et moins énergivore4. Certes, ces cas de figure améliorent les conditions de vie de l’existant et de ses occupants, mais ne suscitent pas nécessairement d’importants travaux. Ce n’est en revanche pas le cas des améliorations plus importantes, du type installation d’un ascenseur dans une copropriété, qui a priori ne saurait constituer une opération légère, quand bien même la structure de l’existant ne serait pas considérablement impactée. 3. Dans une certaine mesure, le concept de travaux d’amélioration rejoint l’esprit de la réhabilitation immobilière qui consiste à mettre un édifice aux normes d’habitabilité en vigueur5. Ce mécanisme s’applique à des immeubles devenus inhabitables du fait d’un défaut d’entretien, de l’usure ou de la vétusté de leurs composantes. Il peut, à l’image du mécanisme d’amélioration, être envisagé sous une forme moins importante6 . 372. À notre sens, la nature des travaux importe peu en réalité. Ce qui devrait davantage compter, c’est leur ampleur et la teneur des dépenses déployées pour leur réalisation. Partant, si les travaux projetés sont d’une moindre importance et ne représentent que les dépenses courantes et nécessaires à l’entretien de l’existant, leur exclusion du champ d’application du contrat de rénovation ne peut alors qu’être justifiée. Sous un autre angle, l’exécution des ouvrages, ainsi que le coût des prestations afférentes au déroulement de l’opération, doivent être assimilés à une véritable construction pour que le présent contrat puisse s’appliquer.
L’admission exclusive des travaux lourds
En matière de non-vente, l’encadrement contractuel des travaux légers ne pose pas de grande difficulté. En raison des faibles enjeux matériels et financiers souvent en cause, les parties peuvent simplement recourir au droit commun de la construction sans nécessairement que l’attention soit portée sur la protection des intérêts du maître d’ouvrage. C’est en revanche lorsque le propriétaire de l’existant envisage de grosses réparations , que la question de la mise en œuvre d’un contrat spécial protecteur de ses intérêts, prend tout son sens9 . 374. Si les théoriciens du contrat de rénovation s’inspirent des textes relatifs à la vente d’immeubles à rénover pour désigner les travaux que leur convention entend régir, ils précisent toutefois que leur choix n’est pas lié aux objectifs affichés par la loi de 2006 . En effet, les auteurs se fondent uniquement sur la vente d’immeubles à rénover, en ce sens qu’elle exclut de son champ d’application, les agrandissements et restructurations assimilables à une reconstruction de l’existant. D’après eux, ces notions qui s’opposent Par exemple, l’installation d’un chauffe-eau plus performant. 7 Via la conclusion d’un contrat d’entreprise classique. 8 À l’instar, des opérations de rénovation assimilables à des constructions. 9 Les conséquences tirées de l’arrêt du 20 mars 2013, op. cit.. 720 À savoir, inciter le vendeur à réaliser les travaux de faible envergure avant la vente, in V. ZALEWSKISICARD, « Pour l’instauration d’un contrat de rénovation en secteur protégé », op. cit.. 173 par définition aux travaux légers d’entretien, devraient pouvoir intégrer le champ d’application du contrat de rénovation. 375. L’article R. 262-1 du Code de la construction et de l’habitation que nous avons sans cesse cité, et qu’il convient d’énoncer à nouveau, précise que les travaux d’agrandissement et de restructuration complète de l’immeuble s’apparentent à une reconstruction dès lors qu’ils « rendent à l’état neuf : 1° Soit la majorité des fondations ; 2° Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ; 3° Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ; 4° Soit l’ensemble des éléments de second œuvre suivants, dans une proportion au moins égale à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés : a) Les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ; b) Les huisseries extérieures ; c) Les cloisons intérieures ; d) Les installations sanitaires et de plomberie ; e) Les installations électriques ; f) Et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage ». 376. Nous avons déjà pu indiquer sur quelle base ces éléments d’agrandissement, de restructuration complète et de reconstruction doivent être appréciés721. Par conséquent, il ne serait guère pertinent de réitérer leur analyse ici. En revanche, il serait opportun de réfléchir aux autres catégories de travaux sur existants susceptibles de compléter le champ d’action du contrat spécial de rénovation. À ce propos, il n’est pas insensé qu’au même titre que les travaux décrits à l’article R. 262-1 du Code de la construction, ceux d’extension s’ajoutent à la catégorie des ouvrages potentiellement bénéficiaires des dispositions spéciales du contrat de rénovation. Il faut en effet voir, dans les travaux d’extension, ceux qui tendent à l’addition, à la surélévation ou à la superposition d’une construction neuve à un bâtiment existant722. Il s’agit d’une opération d’agrandissement de la construction initiale qui ne doit en aucun cas correspondre à une construction ex nihilo723. L’extension suppose un rattachement permanent avec l’existant. Selon l’importance de l’opération d’extension et la localisation de l’existant, une autorisation d’urbanisme peut être sollicitée .