La prophylaxie pré-exposition au VIH et le médecin généraliste
INTRODUCTION
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) a entraîné dans le monde plus de 32 millions de décès, et l’on comptait en 2018 environ 37,9 millions de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) (1). En France, la prévalence du VIH était estimée en 2017 à 172 700 cas (2). La lutte contre le VIH reste donc à ce jour un enjeu majeur de santé publique tant sur le plan national qu’international. Près de 6 200 personnes ont découvert leur séropositivité au VIH en 2018 en France (3), et même si ce chiffre est conséquent il s’agit d’une diminution significative de moins 7% du nombre total de découvertes de séropositivité entre 2017 et 2018 après des années de stabilité. Cette tendance devra se confirmer sur les chiffres de 2019 mais elle semble être le reflet des différentes mesures de prévention actuellement en plein essor en France : – des dépistages plus fréquents pour certaines populations à haut risque (4), notamment les hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes (HSH), – le « Treatment as prevention » (TASP), – la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP). Ces mesures viennent s’ajouter aux mesures préventives habituelles (les préservatifs féminin ou masculin, les conseils sur les pratiques sexuelles, le traitement postexposition, ou encore le matériel à usage unique chez les usagers de drogue intraveineuse), dans un contexte de prévention diversifiée. En effet des dépistages plus fréquents dans les populations à haut risque de contracter le VIH permettent de diagnostiquer en phase de primo-infection des personnes qui, en ignorant leur séropositivité, contribueraient de manière significative à la transmission du VIH (5). 6 Le TASP qui se définit par le fait qu’une PVVIH ayant une charge virale indétectable grâce aux traitements antirétroviraux, en l’absence d’infection sexuellement transmissible (IST) concomitante et ayant une bonne observance aux antirétroviraux, ne transmet pas le VIH lors des relations sexuelles, a prouvé son efficacité (6,7) et constitue une nouvelle forme de prévention. La PrEP est une méthode de prévention, consistant en l’utilisation de médicaments antirétroviraux chez les personnes non porteuses du VIH, mais à haut risque de le contracter. Il s’agit d’un outil complémentaire qui doit être utilisé conjointement avec les autres mesures préventives. La première étude de grande ampleur sur la PrEP fut l’essai iPrEx (8) réalisé en 2010 auprès d’HSH résidant dans huit pays. Cet essai montrait une réduction de 44% de l’incidence du VIH dans le bras PrEP versus le bras placebo. Si ce résultat pouvait sembler décevant il s’expliquait par de faibles taux plasmatiques d’antirétroviraux chez les sujets du bras PrEP, indiquant une mauvaise observance des participants. D’autres études ayant une grande puissance ont suivi, chacune montrant une diminution de l’incidence du VIH dans le bras PrEP supérieure à celle retrouvée dans l’essai iPrEx (Annexe 1). : – Partners PrEP (9) en 2012, auprès de femmes et d’hommes hétérosexuels sérodiscordants au Kenya et en Ouganda, – TDF2 (10) en 2012, auprès de femmes et d’hommes hétérosexuels au Botswana, – BTS (11) en 2013, auprès de femmes et d’hommes usagers de drogues intraveineuse en Thaïlande. Mais c’est entre 2015 et 2016, que les résultats concordants de deux essais ont consolidé et validé l’intérêt de la PrEP : l’essai randomisé en double aveugle IPERGAY (12) d’une PrEP « à la demande », réalisé sous l’impulsion du professeur Jean-Michel Molina en France et au Canada auprès d’HSH, et l’essai PROUD (13) au RoyaumeUni évaluant une PrEP continue auprès d’HSH également, ont tous deux retrouvé une diminution de l’incidence du VIH de 86% dans le bras PrEP contre le bras placebo. 7 Par la suite en France, l’association Ténofovir Disoproxil Fumarate (TDF) / Emtricitabine (FTC) : Truvada® et ses génériques, association à dose fixe de deux inhibiteurs nucléosidique et nucléotidique de la transcriptase inverse du VIH (respectivement 245mg TDF et 200mg FTC) a fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation en France en Janvier 2016 (14) en tant que prophylaxie, puis a disposé d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) en Mars 2017 (15) et fait désormais l’objet de recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis Janvier 2019 (16). Le Truvada® est, à ce jour, le seul médicament autorisé en France pour la PrEP, et il est remboursable à 100% par la Sécurité Sociale dans les indications de l’AMM. Les populations exposées définies par ces recommandations sont toutes les personnes âgées d’au moins 15 ans exposées à un haut risque de contracter le VIH, et notamment : – les HSH ou les personnes transgenres répondant à l’un des critères suivants : o épisode d’IST ou recours à un traitement post-exposition dans les 12 derniers mois, o rapports sexuels anaux sans préservatif avec au moins deux partenaires différents lors des 6 derniers mois, o usage de drogues lors des rapports. – ou plus largement toute personne HSH ou transgenre, compte tenu de la prévalence et de l’incidence dans ces populations et du délai souvent long entre contamination et diagnostic. – les usagers de drogue intraveineuse échangeant les seringues – les travailleuses et travailleurs du sexe ayant des rapports sans préservatif – les personnes exposées à des rapports sexuels à risque de par leur vulnérabilité. En pratique la prescription doit être instaurée par un médecin spécialiste du VIH hospitalier ou exerçant dans un Centre gratuit d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) et peut être renouvelée par un médecin généraliste (MG). L’extension de la primo-prescription de la PrEP aux MG a été proposée le 12 décembre 2019 au Sénat (17) et devrait être mise en œuvre courant 2020
Recherche de liens entre les facteurs limitant la prescription de la PrEP et les caractéristiques socio-démographiques
Recherche de liens avec le fait de penser que la PrEP induise une hausse des rapports sexuels à risque : Selon le sexe : Cette crainte était significativement associée au sexe des MG interrogés : 49,3% des MG femmes pensaient que la PrEP induisait une augmentation des rapports à risque, versus 59,7% des MG hommes (p=0,041). Selon la zone géographique, le département d’exercice ou la durée d’installation : Cette proportion n’était pas différente si on l’analysait en fonction de la zone géographique (p=0,959), du département d’exercice (p=0,119) ou encore de la durée d’installation (p=0,746). Recherche de liens avec le fait de penser que la PrEP induise une hausse de l’incidence des autres IST : Selon le sexe : Le sexe des MG n’influait pas sur cette question (p=0,428). Selon la zone géographique d’exercice : La part de MG pensant que la PrEP induisait une augmentation de l’incidence des autres IST était plus élevée parmi ceux exerçant en milieu urbain : 70,6%, contre 60,2% des MG exerçant en milieu semi-rural, et 54,8% des MG exerçant en milieu rural (p=0,046). Selon le département d’exercice : On observait aussi de grandes disparités interdépartementales sur cette question, l’association était statistiquement significative (p=0,005) : – 75,0% des MG des Alpes-Maritimes pensaient que la PrEP induisait une augmentation de l’incidence des autres IST, versus : – 71,8% des MG des Bouches-du-Rhône – 60,4% des MG du Vaucluse – 60,3% des MG du Var – 50,0% des MG des Alpes-de-Haute-Provence – 41,9% des MG des Hautes-Alpes. Selon la durée d’installation : La durée d’installation n’était pas statistiquement associée à cette question (p=0,080).
Recherche de liens avec le fait d’avoir des difficultés à aborder la sexualité ou les risques d’IST avec sa patientèle
Selon le sexe : Le sexe des MG n’influait pas sur ce fait : 90,2% des femmes et 93,9% des hommes n’éprouvaient pas de difficultés à aborder la sexualité ou les IST avec leurs patients (p=0,175). Selon la zone géographique, le département d’exercice ou la durée d’installation : Cette proportion restait comparable statistiquement, en fonction de la zone géographique (p=0,529), du département d’exercice (p=0,995) ou encore de la durée d’installation (p=0,738). Recherche de liens avec le fait de craindre que les patients à qui l’on propose la PrEP se sentent stigmatisés ou jugés sur leur mode de vie : Selon le sexe : Cette proportion était plus marquée chez les MG femmes, en effet cette crainte était retrouvée chez 30,1% des MG femmes versus 19,9% des MG hommes (p=0,022). Selon la zone géographique ou le département d’exercice : Ces deux variables n’influaient pas sur cette crainte, respectivement (p=0,595) et (p=0,592). Selon la durée d’installation : La durée d’installation était statistiquement associée à cette crainte : 31,7% des MG installés depuis moins de 10 ans craignaient que leurs patients puissent se sentir jugés ou stigmatisés si ils leur proposaient la PrEP, contre 27,5% parmi ceux installés depuis 10 à 20 ans et 16,3% parmi ceux installés depuis plus de 20 ans (p=0,005).
TABLE DES FIGURES ET TABLEAUX |