La production des manifestes des partis européens

La production à la diffusion du politique

Des nombreux travaux portant sur l’ « européanisation » montrent que l’UE et ses institutions participent à la production de matrices cognitives globales qui affectent une grande variété de structures et des normes locales (Börzel et Risse, 2000 ; Stavrou, 2012, Fairclough, 2006). Au- delà des modes de production du politique européen et de la tension entre participants et contributeurs, il est important d’articuler cette dimension de la production avec celle de la diffusion du politique européen. L’« européanisation » recouvre le processus bidimensionnel qui consiste d’une part à produire des normes et des valeurs au niveau européen et d’autre part à les diffuser au sein de la population européenne. Comprendre l’européanisation en tant que processus consiste à reconnaître sa dimension dynamique dans l’articulation de ces deux niveaux : les modes de sa production et les modalités de sa diffusion. Comprendre le degré et les modalités de réception, et d’appropriation de ces normes européennes à travers leur articulation au processus de production amène à s’interroger sur les dynamiques de transformation générées par la construction européenne. L’observation et l’approfondissement de l’analyse des formes de convergence/divergence en plus du constat de leur tendance à s’adapter à des configurations locales très différentes conduisent à enrichir le débat autour de l’européanisation. Dans le cas de notre analyse cette démarche consiste à établir une articulation entre d’une part le mode de participation des délégations nationales dans la production de manifestes européens et d’autre part le degré de proximité cognitive entre les programmes nationaux et les manifestes correspondants. Plus précisément il s’agit de questionner le lien qui peut exister entre..

La production des manifestes des partis européens été finalisée au début de l’année 2009. L’implication des tous les partis membres dans ce processus consistait à manifester, justement, un projet politique commun qui dépasse les frontières et les particularités des Etats membres. Au sein des partis PPE et PSE, les partis membres se sont même engagés à faire campagne en s’appuyant sur le manifeste européen. Or, les partis domestiques ont produit au final de nouveaux textes programmatiques à côte des manifestes, qui expriment les particularités de leurs aspirations quant aux projets pour l’avenir de l’UE. Si les manifestes présentent le cadre commun de la réflexion politique des partis membres, les programmes domestiques reflètent et construisent le particulier dans leur manière de se projeter sur le futur européen. Un particulier qui est par ailleurs, en partie, commun entre les partis français et commun entre les partis chypriotes. Ce type d’analyse comparative montre que les programmes chypriotes se modifient moins que les programmes français, restant ainsi plus proche des discours européens. Dans leurs discours les partis chypriotes construisent des liens de proximité forts avec les partis européens. Ceux- ci peuvent être constatés notamment dans le fait d’associer l’énonciateur partisan chypriote avec les partis européens respectifs, dans l’appréhension de l’ « Europe » comme une entité active influant sur les Etats-membres et dans la reprise de la structuration thématique des programmes européens par les programmes chypriotes. L’un des partis chypriotes, celui d’EDEK, a presque tenu son engagement puisqu’il n’a pas procédé à la production d’un autre programme au-delà du manifeste si ce n’est un texte portant uniquement sur l’ « enjeu chypriote », négligé par le manifeste européen. Quant au programme de DISI, il ressemble à une miniature du manifeste du PPE ; conservant quasiment la même structuration et les mêmes intitulés thématiques. Seul pour le programme de AKEL ce constat n’est pas aussi net que pour les autres programmes chypriotes. Mais cela peut se comprendre par le volume limité des trois programmes des partis da la gauche (GE, PCF, AKEL), fait qui rend la comparaison de ces programmes délicate.

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En ce qui concerne la dimension de la production des manifestes l’analyse met en avant une différenciation quant au mode d’implication des délégations française et chypriotes. Une participation moins active et validatrice pour les acteurs chypriotes, une contribution active et propositionnelle pour les acteurs français. Cette articulation des deux faces du processus de l’européanisation dévoile le paradoxe suivant : les partis qui contribuent de manière active à la production des manifestes s’approprient moins les discours européens que les partis ayant une faible contribution dans cette production. « Nous avons considéré que d’un point de vue stratégique ce qui importe est de participer dans ces discussions sur les enjeux proposés par d’autres partis, puis faire juste cette proposition [concernant le problème chypriote] afin qu’on soit sûr qu’elle sera prise en compte, parce que nous nous sommes montrés intéressés par les sujets qui étaient sur la table pendant cette séance de discussion… Alors, bien évidemment, quand ce sera au tour de l’enjeu que nous avons proposé à être mis sur la table, ils vont le percevoir d’une manière différente. (…) Par exemple, la question de l’énergie nucléaire pour l’Europe, ce n’est pas au parti chypriote de proposer ce champ de discussion ou l’enjeu qui concerne la recherche scientifique sur les fœtus, je ne vois pas pourquoi ce serait à nous de proposer ce terrain (…) Nous, nous avons assisté à tous les débats et nous avons proposé un seul sujet de discussion, comme ça on était crédible quand on leur a expliqué que pour nous cet enjeu est une question de vie et de mort ! Si on avait proposé trente-cinq sujets ce serait difficile de les convaincre que tous les trente-cinq sujets sont une question de vie et de mort pour nous. » [Membre DISI, Délégué auprès du PPE]

 

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