L’outil d’analyse et les mesures
Afin d’aboutir à la réalisation de deux arbres thématiques (voir annexe n°5), il a fallu définir les mesures à étudier lors des entretiens. Suite à nos lectures scientifiques, voici les différents thèmes qui seront explorés dans notre recherche. Sur base de l’étude de Carmen Arsenault, un thème sera orienté vers le rôle des AJ et des policiers dans le cadre du contrôle. L’objectif étant de décrire le rôle de chacun dans la collaboration ainsi que la façon dont les professionnels perçoivent la définition des rôles. Toujours selon cette auteure, nous aborderons l’évolution du contrôle durant la dernière décennie et notamment suite aux faits divers qui ont entrainé des changements dans le contrôle des libérés conditionnels. Exemple: Comment pourriez-vous décrire votre rôle dans le cadre du contrôle des libérés conditionnels? Carmen Arsenault nous a décrit l’importance de la relation entre le professionnel et le justiciable, ainsi nous questionnerons la relation des professionnels avec les justiciables.
Pour ce faire, nous interrogerons les professionnels sur la manière dont ils arrivent à maintenir la relation de confiance nécessaire à la guidance et au suivi. Exemples: Malgré une augmentation du contrôle, percevez-vous un impact dans la relation de confiance avec le justiciable? Comment procédez-vous afin de maintenir cette relation? Nous questionnerons également le policier sur l’existence ou non d’une relation de confiance avec les libérés conditionnels. Sur base de l’écrit de Berg-Weger et Schneider (1998), nous aborderons la thématique de la formalisation de la collaboration afin de décrire comment celle-ci a été mise en place, si des évaluations ont été prévues… Nous aborderons également la question de la connaissance mutuelle et la relation entre les deux services. En effet comme cité par Mattessich et Monsey, la réflexion commune est nécessaire afin de réaliser un travail en commun. Exemples : Existe-il des moments formels de rencontres entre les acteurs de terrains ? Pensez-vous qu’avoir une bonne connaissance du fonctionnement de la MJ/ service de police est nécessaire ? Est-ce que c’est le cas ? Si non, que mettriez-vous en place ?
Comme explicité ci-dessus, Mattessich et Monsey (1992) ont identifié différentes composantes. Nous allons, par diverses questions, essayer d’aborder chacune des composantes avec les participants. Lors des entretiens, nous aborderons par exemple le fait que dans le cadre de l’interdépendance, nous retrouvons l’idée que les participants pensent qu’ils ont plus à gagner qu’à perdre, nous pourrons ainsi questionner les avantages et les inconvénients que les professionnels retirent de la collaboration. Nous compléterons ce thème en investiguant la notion de responsabilité. Pour ce faire, nous aborderons ce concept avec les professionnels afin de savoir si l’évolution du contrôle a impacté leur responsabilité professionnelle. Pour finir, nous aborderons la thématique de la relation contrôle/non-récidive. Nous questionnerons les AJ et policiers afin d’avoir leurs avis sur l’effet de l’évolution du contrôle sur l’objectif commun qui est la non-récidive. Malgré le fait qu’il existe de multiples définitions de la récidive, celle qui est la plus utilisée est : « action de commettre, dans des conditions précisées par la loi, une deuxième infraction après une première condamnation pénale définitive »19 Pour savoir s’il y a récidive, il faut qu’une infraction soit commise et pour qu’elle soit enregistrée, il faut un suspect.
Le taux de récidive varie donc en fonction d’un fait connu ou non de la police ainsi que de la personne ayant commis ce fait. Cela veut dire qu’il peut y avoir bon nombre de récidivistes dans les rues20. Nous y ajouterons également une question concernant la différence d’objectif intermédiaire pour arriver à cet objectif. En effet, pour parvenir à l’objectif de non- récidive, les AJ vont davantage s’orienter vers la réinsertion sociale tandis que les policiers utiliseront plus la répression. Cette différence d’objectifs est-elle perçue comme complémentaire ou comme étant une difficulté ? Une fois que tous les entretiens seront réalisés, nous les analyserons, dans un premier temps, séparément. Concernant la méthodologie, nous opterons pour l’analyse thématique afin de traiter les données récoltées. Nous réaliserons ensuite deux arbres thématiques comprenant les idées principales des différents entretiens. Pour conclure, nous identifierons les unités sémantiques afin de réaliser un bref résumé. Les premiers résultats concernent les représentations des professionnels par rapport à leur rôle. Afin de différencier les deux acteurs, nous allons scinder chaque résultat en deux parties. Nous commencerons par le point de vue des policiers et ensuite par celui des AJ. Les policiers rédigent des rapports trimestriels concernant les conditions relatives aux libérés conditionnels.
D’autres ne se contentent pas de ça, un des policiers déclare « Je pense que j’empiète un peu sur le travail des AJ, au final je fais un peu la même chose qu’eux. Lors des entretiens, je fais un peu double emploi. En effet, je contrôle régulièrement les conditions telles que les obligations de formation, de suivi thérapeutique… S’ils ont trouvé une formation, je leur demande de m’amener une attestation, comme ils font avec leur AJ » Une participante nous fait comprendre que le contrôle policier a évolué et qu’auparavant celui-ci n’était pas aussi pointu que maintenant. Avant, lorsqu’ une personne était sous libération conditionnelle, la mission de la policière interrogée était de vérifier que la personne ne fasse pas parler d’elle. Son travail s’arrêtait là, elle ne réalisait rien de plus. Mais à l’heure actuelle, cette policière doit davantage mettre l’accent sur le suivi et le contrôle de ces personnes. En général, elle rencontre la personne tous les trois mois avec comme objectif la mise au point des conditions. A la fin de chaque rencontre, elle rédige un feedback sur la plateforme I+ Belgium, même s’il n’y a pas de nouveaux faits « Au moins les AJ savent que la personne a été vue et contrôlée ».
La formalisation de la collaboration
A plusieurs reprises, les policiers font référence à la COL 2013 comme étant la circulaire encadrant la collaboration. La collaboration a beau être encadrée, la mise en place de celle-ci se fait au cas par cas. La deuxième participante émet l’hypothèse que certains sont plus sensibilisés que d’autres envers telle disposition. Le quatrième participant complète cette idée « L’outil peut être le plus performant possible, si l’humain ne s’implique pas, ce ne changera rien au niveau communication entre les deux services, ça dépend toujours de l’humain… » Lorsque nous interrogeons les professionnels sur l’évaluation de la mise en place d’I+ Belgium. Le premier participant nous explique qu’il existe une commission zonale mais aussi un « Facebook » interne à la police (notamment destiné aux chefs de corps) dans lequel existe un groupe I+ Belgium. Ce groupe permet d’échanger, de répondre aux questionnements et ainsi de résoudre certains problèmes. Lors de notre rencontre avec le parquet, on nous a expliqué l’existence d’un groupe restreint composé de plusieurs représentants (police, parquet, Maison de justice). « Durant ces réunions, les professionnels discutent des aspects pratiques ». Les procureurs généraux auraient également créé un groupe afin d’évaluer le fonctionnement d’I+Belgium dans les autres arrondissements judiciaires dans le but de créer une circulaire commune. Malgré le cadre présent, le quatrième participant soulève une difficulté en lien avec le secret professionnel : « La collaboration, c’est toujours donner de l’information mais on ne sait pas toujours ce qu’on peut donner et les Maisons de Justice sont parfois réticentes à nous transmettre des informations dont on a peut-être besoin dans certaines enquêtes.. on ne sait pas toujours si oui ou non on jongle avec les limites de la légalité et ce, notamment en lien avec le secret professionnel ».
Selon lui, les Maisons de Justice sont très limitées à cause de leurs législations, ce qui alimenterait le sentiment de frustration présent chez les policiers. Concernant les AJ, ils évoquent à la fois la COL 2013 et la directive vérification de 2015. La sixième participante nous explique « Je ne parlerai que de la directive vérification…car avant celle-ci, on n’avait pas de contact, on ne pouvait pas en avoir! Si la police nous contactait, on devait être extrêmement prudent dans ce qu’on disait ». Une fois que la directive vérification a été mise en place, les directeurs des Maisons de Justice ont eu pour mission de rencontrer les commissaires des zones afin d’expliquer le déroulement de la collaboration. En effet, étant donné que la collaboration est passée de « on ne peut rien vous dire » à « on peut presque tout vous dire » les policiers devaient être informés de ce changement. Etant donné que les AJ ne donnaient aucune information, les policiers ont fini par ne plus rien leur dire « ce que je trouve logique », nous dit une AJ. Selon la sixième participante « les policiers ont eu l’impression qu’on se foutait d’eux, la réunion était dès lors primordiale pour trouver un système de collaboration ».
Selon les AJ, étant donné que les réunions se sont organisées entre les commissaires et les directeurs, il a fallu du temps pour que la collaboration se mette en place. « Le temps que ça arrive aux oreilles de tous les agents de quartier, il a fallu du temps, mais voilà c’est de la surcharge de travail pour eux comme pour nous ». La connaissance mutuelle des services Du coté des policiers le premier participant explique que « ce qui irrite le policier c’est qu’il fait une série de constats, parfois dans un court délai.. Dans l’absolu le policier de terrain se dit que rien ne se passe… Pourquoi ? Parce que le volet AJ n’est pas toujours visible ». Durant la majorité des entretiens, l’idée de rencontre entre les deux services a souvent été soulevée. « Je trouve que ça serait intéressant, déjà pour voir physiquement à qui on a affaire… Puis je trouve ça bien de savoir ce qu’ils attendent de nous et vice-versa. » .. « Pour moi c’est nécessaire, une fois qu’on se connait je trouve que l’échange est plus facile, plus simple et on a tendance à davantage aller vers la personne … et en plus les AJ feraient connaissance du monde policier » rajoute le cinquième participant. Dans la même lignée, le quatrième répondant, qui a réalisé un stage dans une Maison de Justice nous explique son aisance avec les termes juridiques mais nous fait part de la difficulté de ces collègues par rapport à cela.
Ainsi, selon lui une rencontre afin d’expliquer le fonctionnement, les mesures seraient également un bel apport pour leur travail. Au niveau des AJ, une rencontre entre les acteurs principaux serait également primordiale : « Au final, nous aussi il y a plein de choses qu’on ne connait pas … On a une vision de leur boulot, ils ont une vision de notre travail qui est sûrement erronée sur bien des points, mais ce n’est pas de notre ressort d’organiser cela ». Une AJ nous explique que les policiers ont tendance à croire que lorsqu’une personne ne respecte par une condition, l’AJ va d’office dénoncer la personne. C’est en expliquant cette idée que la participante insiste à nouveau sur la nécessité de rencontre afin d’expliquer le travail de chacun. Pour d’autres, des réunions seraient également les bienvenues car le transfert d’information ne se fait pas toujours correctement. Comme nous l’explique la professionnelle, les informations formelles sont discutées entre commissaires et directeurs pour ensuite être transférées aux AJ et aux policiers. Cependant, une information importante aux yeux d’une personne peut ne pas l’être pour une autre. Ainsi, dans chaque transfert, il y aurait une perte d’information. Selon elle, des réunions entres professionnels de terrains éviteraient ce type de problème et amélioreraient d’une façon ou d’une autre la collaboration.
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