La procédure de recouvrement des dettes d’argent non contestées
La réforme Pot Pourri I
L’introduction de la procédure RCI fait partie des nombreuses réformes mises en place par le ministre de la Justice, Koen Geens, afin de rendre notre système judiciaire plus efficace, plus rapide et moins coûteux. Il est de coutume renommée que le budget alloué à la justice n’est pas assez conséquent et que l’organisation judiciaire belge, avec ses nombreuses procédures et tous ses acteurs, ne facilite pas les choses. Sans compter que le nombre d’affaires inscrites au rôle ne fait qu’augmenter d’année en année . Il était donc plus que temps que le législateur tente de résoudre cet arriéré judiciaire.
La première réforme adoptée par Koen Geens introduit la procédure de recouvrement des dettes d’argent dans le Code Judiciaire, en ses articles 1394/20 et suivants (articles 32 et suivants de la loi Pot Pourri I). Cette procédure devait initialement se trouver dans la deuxième partie du Code, intitulée « L’organisation judiciaire » mais un avis du Conseil d’Etat n’y était pas favorable . C’est finalement dans la cinquième partie du Code que la procédure fit son entrée.
Motivation de l’introduction d’une telle procédure
Ce n’est un secret pour personne, la Belgique fait partie des pays dont les juridictions de fond sont le plus engorgées et où l’arriéré judiciaire se fait sentir de plus en plus au fil des années. Ses juridictions sont, d’ailleurs, parmi les plus encombrées d’Europe . Une solution était plus que nécessaire. Le recouvrement extrajudiciaire des créances incontestées apparut comme l’une des solutions envisageables.
Prévoir une procédure extrajudiciaire pour les créances incontestées semble être quelque chose d’assez logique. Nous ne sommes pas face à un conflit puisque le débiteur ne conteste pas sa dette. Pourquoi, dans ce cas, passer devant un juge, si aucun conflit ne doit être résolu ? C’est une perte de temps, d’argent et cela bloque tout le système. Passer par la voie extrajudiciaire permettrait de soulager autant les juges que les greffes. Cela a aussi l’avantage de contrer le fait que le débiteur, redevable d’une faible somme d’argent, ne paie car il y a peu de chance qu’une procédure judiciaire soit entamée contre lui. Les coûts étant trop élevés et les formalités trop nombreuses, le créancier préférera laisser tomber.
Avec une telle procédure, l’avocat ainsi que l’huissier permettront à leur client, suite à un examen de sa solvabilité et un plan d’apurement, de passer par la voie extrajudiciaire et dévieront une partie du contentieux hors des cours et tribunaux. Le principal acteur de cette procédure n’est donc plus le juge mais l’huissier de justice (qui en a d’ailleurs le monopole). Cela se traduit par une modification de l’article 519 et l’insertion des articles 1394/20 et suivants du Code Judiciaire. Le recouvrement des créances étant le domaine privilégié des huissiers de justice, il était naturel de leur confier cette nouvelle tâche. Leur statut d’officiel ministériel est, en plus, un gage d’impartialité .
Il faut tout de même préciser que cette procédure n’est qu’une alternative et qu’elle ne prive en aucun cas le créancier de préférer utiliser les voies traditionnelles de recouvrement des créances. Néanmoins, certaines juridictions ont déjà mis à charge d’une partie les frais de citation, malgré le fait que celle-ci ait obtenu gain de cause. Le juge de Gand a d’ailleurs déjà considéré qu’en passant par une procédure judiciaire classique, le requérant n’avait pas agi « comme un bon père de famille », et aurait dû envisager une procédure accélérée (telle la procédure RCI), applicable au cas d’espèce, au nom du principe d’économie de procédure .
Influence européenne
On a constaté, avec le temps, qu’un grand nombre d’entreprises subissent des retards dans le paiement de leurs créances. Parmi celles-ci, on trouve beaucoup de PME. Malheureusement, les frais pour recouvrir de telles créances sont importants, ce qui les empêchent de se développer et les poussent parfois au crédit. Se retrouvant étranglées entre le remboursement de leur crédit et des débiteurs qui tardent à payer, ces PME risquent la faillite. C’est un constat, en Belgique comme ailleurs dans l’Union Européenne, une bonne partie des faillites trouvent leur cause dans les retards de paiements des débiteurs .
C’est dans cette optique que l’Union Européenne a agi. Voulant préserver le bon fonctionnement de l’économie de marché, l’UE a adopté la directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales .Celle-ci a pour but de restreindre autant que possible les conséquences néfastes qu’engendrent les retards de paiement dans les relations entre entreprises.
L’article 10 de cette directive nous intéresse particulièrement en disposant que : « Les États membres veillent à ce qu’un titre exécutoire, quel que soit le montant de la dette, puisse être obtenu, y compris au moyen d’une procédure accélérée, normalement dans les quatre-vingtdix jours civils après que le créancier a formé un recours ou introduit une demande auprès d’une juridiction ou d’une autre autorité compétente, lorsqu’il n’y a pas de contestation portant sur la dette ou des points de procédure. ». Il était également prévu, en vertu de l’article 12 de cette même directive, que les États membres devaient avoir mis en œuvre leurs obligations pour le 16 mars 2013. La Belgique a, une fois de plus, fait figure d’éternelle retardataire.
C’est ainsi qu’est apparu, chez nous, avec quelques années de retard, le recouvrement extrajudiciaire des créances incontestées. Mais en l’absence de contrôle judiciaire, le législateur n’a pas souhaité trop étendre le champ d’application d’une telle procédure. Il a considéré que la procédure n’offrirait pas de garanties suffisantes pour les consommateurs .
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