La procédure de modulation dans le temps des revirements de jurisprudence
Reconnaître au juge la possibilité de moduler dans le temps ses décisions opérant revirement de jurisprudence, ce n’est pas lui laisser pour autant toute latitude en la matière. En effet, il est nécessaire qu’une procédure soit déterminée en raison de l’importance d’une telle pratique bouleversant l’application dans le temps de la règle jurisprudentielle. Cette procédure doit donc être entourée de certaines garanties vis à vis des parties mais également du justiciable puisque la décision peut également le concerner.700. Il en résulte que la question de la limitation temporelle des revirements de jurisprudence doit pouvoir être avancée et discutée par les différents acteurs du procès de manière à ce que le principe du contradictoire soit respecté et que l’information du juge soit optimale (Section 1). 702. Lorsque le juge doit se prononcer sur la modulation dans le temps, il doit être un maximum éclairé. En effet, s’il est un spécialiste du droit, il ne maîtrise pas toutes les matières qui entrent en interaction avec ce dernier. Il est donc nécessaire que son information soit optimale. 703. La question de la modulation dans le temps, en raison de son importance, doit susciter un débat entre les parties, l’Avocat général mais également faire intervenir des tiers concernés ou spécialistes du problème, le revirement créant une nouvelle règle jurisprudentielle ayant un effet au-delà de l’affaire. « Parce que le revirement ouvre sur un nouvel état du droit, il intéresse bien d’autres sujets que les seules parties au litige. On doit en dire de même pour ce qui a trait à son application.
Le rôle des parties
Convention européenne des droits de l’Homme1110. En vertu d’une des facettes de ce principe, chaque partie doit être en mesure de discuter les prétentions, les arguments et les preuves de son adversaire. Ainsi, le Rapport préconise que « concrètement, le débat doit porter tant sur la question de fond, objet de l’éventuel revirement, que sur 706. Si les parties et l’Avocat général doivent être à même de discuter les différents arguments concernant l’application de la règle de droit, ils doivent également être à même de discuter de la modulation du revirement. 707. Les parties étant les premières concernées, il est nécessaire que leurs conseils puissent, dès la remise des mémoires, soulever la question de l’application dans le temps de la décision. Si ce n’est pas le cas, et que le problème se pose plus tard dans la procédure, le juge doit enjoindre les parties à se prononcer sur ce point en 708. Néanmoins, permettre au juge de moduler dans le temps ses décisions va entraîner une modification des conclusions des parties et du travail de l’avocat aux Conseils. En effet, ce dernier devra discuter de la norme applicable mais également de sa possible modulation dans le temps. Le travail de l’avocat va ainsi s’en trouver considérablement alourdi car il devra argumenter sur la modulation dans le temps.
dans l’intérêt de son client mais également d’un point de vue général1113. En effet si l’avocat aux Conseils est un spécialiste de la norme il n’est ni sociologue, ni économiste. Il en résulte que le coût d’un procès devant la Cour de cassation, dans ce type de situation, va être considérablement alourdi puisque l’avocat devra faire appel à des spécialistes pour l’éclairer. En effet, avancer des arguments soutenus par ces derniers ne peut qu’être favorable à son client. 709. Cependant, les informations délivrées par les avocats devront être considérées avec un œil critique de la part du juge car la mission de l’avocat est de défendre son client. Il est évident que s’il sollicite un revirement de jurisprudence son argumentation ira à l’encontre d’une modulation et que s’il sollicite le maintien de la règle ancienne mais que la question du revirement est soulevée, son argumentation sera en faveur d’une modulation dans le temps. La Cour de cassation ne s’est pas encore clairement positionnée quant aux arrêts modulateurs même si elle a ouvert certaines portes. Si dans le futur, elle se reconnaît ouvertement la possibilité de moduler ses décisions dans le temps, il y a des fortes chances que lorsqu’un revirement de jurisprudence sera envisageable, les parties ne manqueront.