La problématique environnementale : la pollution de l’eau par les pesticides

La problématique environnementale : la pollution de l’eau par les pesticides

Dans le Sud de la France, les inventaires régionaux de la qualité de l’eau réalisés en 1997 et 1999 (Agence de l’eau RMC, 1998 et 2000), ont montré que plus de 65% des eaux de surface et 80% des eaux souterraines sont contaminées par des pesticides. Plus de 50% des matières actives retrouvées sont des molécules d’herbicides. Face à cette constatation, l’utilisation de certaines molécules à caractère toxique a été interdite. On citera à titre d’exemple : simazine, lindane, diquat, paraquat, ou diuron pur pour le désherbage chimique. Cette décision suit la logique des mesures prises dans le but de limiter l’impact des pesticides sur la santé humaine. En eet, selon les conditions d’emploi, ces matières sont susceptibles de se retrouver dans l’eau, et de provoquer d’importantes perturbations sur les écosystèmes et sur l’homme. Par exemple, une étude récente de la DASS a montré que 18% de la population de l’Hérault, département de la zone d’étude, est concernée par des dépassements ponctuels de la norme admise de pesticides dans l’eau de consommation, et 1% par des dépassements réguliers (AME, 2003). Le constat des dangers potentiels d’un recours excessif aux pesticides, a logiquement porté les pouvoirs publics et les agriculteurs à tenter de réduire leur utilisation. La stratégie d’emploi systématique de produits phytosanitaires est aujourd’hui montrée du doigt, dans une région où la consommation moyenne de pesticides atteint 28kg/ha, soit plus du double de la moyenne française (12kg/ha), ce qui est lié à l’importance de la viticulture (AME, 2003). Nous allons donc dans la suite de la présentation du cas d’étude, présenter les éléments qui contribuent à expliquer les problèmes de pollution des eaux par les pesticides. 

Les systèmes de culture viticoles 

La vigne, une culture pérenne… Les systèmes de culture viticoles, comme tous les systèmes à base de plantes pérennes, sont établis pour un horizon de temps long puisque la vigne peut être cultivée durant plusieurs dizaines d’années, certaines vignes pouvant être centenaires (Champagnol, 1984). Trois phases peuvent être distinguées au cours du cycle de la vigne : le développement végétatif, le développement reproducteur et le repos hivernal (dormance) (gure 1.2). En France, le cycle de la vigne peut s’étendre de n mars à novembre, suivant les régions et les cépages. La vigne est une plante à croissance indéterminée, ce qui suppose une optimisation du rapport croissance végétative / charge en fruits pour atteindre les objectifs de production et  de qualité. Les techniques permettant de parvenir à cela sont diverses : la taille hivernale lors de la dormance et l’ébourgeonnage en début de cycle pour limiter le nombre de bourgeons par plante venant à se développer, le rognage pour limiter la vigueur végétative au cours du cycle, et l’égrappage qui vise à limiter la charge en grappes. Ces travaux sont dénis comme les travaux fondamentaux de la culture de la vigne (Jourdan, 1994). Figure 1.3  Photo d’une parcelle de vigne vue du ciel …qui couvre peu le sol … La vigne est cultivée en rangs. On distingue donc deux entités de surface sur une parcelle : le rang et l’inter-rang. Cette organisation spatiale des parcelles de vignes en rangées laisse de larges surfaces de sol non couvertes par la vigne. Les replantations progressives en nombre dans la région Languedoc Roussillon (Touzard, 1998) ont renforcé cette situation en généralisant la conduite de vignes palissées qui permettent la mécanisation du vignoble : les inter-rangs ont été élargis (de 1,5-1,6m à 2 voire 3m) et la végétation de la vigne contenue par des ls pour laisser entrer les tracteurs dans les parcelles. Le sol est donc majoritairement non couvert par la vigne (gure 1.3). … et consomme beaucoup de pesticides Du fait de l’organisation de la vigne en rangées, aux travaux fondamentaux dénis précédemment s’ajoutent les opérations d’entretien du sol qui concernent aussi bien le rang que l’inter-rang. Parmi les travaux dénis comme les travaux eectués pour maintenir le vignoble sain et en bon état, on trouve également les opérations de protection de la culture et, éventuellement, les opérations de fertilisation et d’irrigation. Ces travaux ne sont pas obligatoirement réalisés chaque année. Dans un vignoble idéal (sans mauvaises herbes, sans risques de maladies et avec susamment d’eau), ils n’auraient pas besoin d’exister (Jourdan, 1994). Ce sont ces travaux qui amènent un usage important de pesticides. En eet, d’après Aubertot et al. (2005), 20 % de la consommation (en masse) pourrait être imputée à la viticulture alors qu’elle ne représente que 4% de la SAU française. Cette situation s’explique par l’ecacité avérée des méthodes de lutte chimique, et le manque de méthodes alternatives. En eet, face aux agents de perte de récolte (mildiou, oïdium, adventices), l’ensemble des viticulteurs considère la protection chimique obligatoire pour tout ou partie du cycle, et tout ou partie de la surface des parcelles. Face aux agents de baisse de qualité (pourriture grise, vers de grappe, acariens), les traitements chimiques sont réalisés systématiquement dans les vignobles d’un certain potentiel qualitatif seulement (AOC, haut de gamme, cave particulière). Enn, face aux agents de dépérissement ou de dégénérescence, la lutte chimique est rendue obligatoire de façon réglementaire si l’agent constitue une menace de destruction du patrimoine national (dans la zone d’étude, c’est le cas de la avescence dorée). Ainsi, la lutte chimique est considérée comme la solution quasi-unique face à la multitude de parasites présents dans le vignoble. Ceci explique le nombre de traitements très élevé, réalisés par unité de surface lors de chaque saison culturale. Dans la zone d’étude, si l’on comptabilise toutes les applications eectuées pour tous les bio-agresseurs, le nombre de traitements eectués par an dépasse généralement la vingtaine. On observe tout de même une forte disparité inter-exploitations quant aux quantités de pesticides employés. Mais, de façon générale, les pulvérisations de fongicides sont majoritaires, visant principalement deux maladies, l’oïdium et le mildiou. Puis les herbicides précèdent de peu les insecticides, en quantité épandue, en kg de matière active par hectare (Clerjeau, 2004). 

Le contexte paysager

Caractéristiques physiques

Les paysages de la vallée de la Peyne sont contrastés, avec en amont de Vailhan, au NordOuest d’une ligne reliant Roujan à Nees, une zone de reliefs non cultivés, couverts de garrigues (contreforts de la montagne Noire), et en aval, un relief plus vallonné (20 à 130m d’altitude) (gure 1.4). La vigne y est dominante, même si quelques grandes cultures sont présentes (blé dur en majorité). Le reste de la végétation est constitué de landes et bosquets de pins et chênes sur les talus en pentes plus fortes et les sommets de buttes (gure 1.5).Dans les zones en vigne, le paysage est très anthropisé : le parcellaire est très morcelé car les parcelles de vignes ont des surfaces moyennes faibles (de l’ordre d’1 ha), sur les pentes des terrasses ont été aménagées et le réseau de fossés est dense (gure 1.6). Le substratum général de la basse vallée de la Peyne est constitué par des formations marines et laguno-lacustres marneuses et gréseuses datant du Miocène : les molasses (Bonls, 1993). La zone amont non cultivée, est plus accidentée. Elle est constituée de sols sur substrat quartzique. La zone aval, partie basse concentrant l’essentiel du vignoble du bassin versant peut être décomposée en plusieurs sous unités morphologiques (gure 1.7) aux caractéristiques pédologiques variables (Lagacherie et al., 2004) :  Les  terrassettes  où aeurent les molasses. Ces zones ont été façonnées par l’homme pour lutter contre l’érosion ; des calcosols se sont développés, sols calcaires lithochromes 1 , peu à moyennement profonds, de texture sableuse à limono-argilo- sableuse. Les phénomènes de colluvionnement récent des molasses ont diérencié deux unités géomorphologiques en aval des terrassettes :  Les zones de glacis : elles sont faiblement pentues, occupées par des calco-colluviosols : sols calcaires lithochromes, profonds, de texture limono-sablo-argileuse. Les zones de dépression : on y trouve des colluviosols à horizon rédoxique de profondeur. Il s’agit de sols calcaires profonds, de texture limono-sablo-argileuse et présentant des risques d’engorgement.Des dépôts alluviaux se sont ajoutés sur les formations molassiques. Les dépôts varient dans le paysage (gure 1.8) suivant un ordre chronologique ; sur les points hauts se trouvent :  Les zones de  plateaux pliocènes , où on trouve des brunisols, sols calciques ou calcaires, rougeâtres, caillouteux en surface, de texture limono-argilo-sableuse, ainsi que des calcosols argileux issus de marnes datant de la phase marine de l’époque pliocène.  Les zones de  terrasses villafranchiennes  où se sont développés des fersialsols calciques ainsi que des fersialsols carbonnatés.En position intermédiaire, on trouve :  Les zones de  terrasses alluviales würmiennes  occupées par des brunisols. Il s’agit de sols bruns appauvris, peu acides, peu caillouteux en surface, à niveau de galets en profondeur, de texture sablo-limoneuse. Dans la partie basse de la vallée de la Peyne, se situent :  Les zones de plaine alluviale, autour de Pézenas et en bordure de la Peyne et de ses auents (en dessous de Roujan et de Neès). Des uviosols se sont formés dans cette zone alluviale actuelle. Ce sont des sols peu évolués, profonds, de texture limoneuse, généralement calcaires, issus des alluvions du lit majeur des auents de l’Hérault. Les potentialités agronomiques pour la vigne de ces sols sont élevées. 

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 Caractéristiques du climat méditerrranéen 

La zone d’étude est soumise à un climat de type méditerranéen sub-humide à saison sèche prolongée. La pluviométrie annuelle moyenne enregistrée sur les stations de Météo France des environs sur une période de trente années est de l’ordre de 650 mm (70 à 80 jours de pluie) par an. Comme l’illustre le tableau 1.1, le régime pluviométrique est caractérisé par une forte variabilité inter et intra-annuelle. Table 1.1  Pluviométrie mensuelle et annuelle moyenne (P¯), en mm, mesurée à la station météorologique du bassin versant de Roujan de 1993 à 2003. A titre d’exemple, pour l’année 1996, 1600 mm ont été relevés contre seulement 304 pour 1998. Ce régime est en outre marqué par l’alternance de périodes aux pluies à fortes intensités et de périodes de sécheresse prolongée. Deux types d’évènement de pluie peuvent être distingués :  les évènements d’été qui correspondent à des orages de forte intensité et de courte durée ;  les évènements du reste de l’année (principalement automne et printemps) qui correspondent à des précipitations de volume plus important et le plus souvent d’intensité plus faible. La température moyenne annuelle est de 14°C et l’évapotranspiration potentielle calculée par la méthode de Penman est de plus de 1000 mm (données mesurées à Roujan) . 

Fonctionnement hydrologique général des bassins versants de la zone d’étude

 A l’échelle de la parcelle, les écoulements de surface sont uniquement de nature Hortonienne (Voltz et al., 1996), c’est à dire qu’ils sont provoqués par le dépassement des capacités d’inltration du sol par les intensités de pluie (Horton, 1933), c’est à dire quand l’intensité de la pluie est supérieure à la vitesse d’inltration et après que la capacité de aquage est dépassée. La pérennité et la discontinuité du couvert de la vigne expose directement une partie importante de la surface du sol aux précipitations. Dès lors, les écoulements sont rapides et leurs intensités sont étroitement liées à celles des pluies, mais aussi à l’humidité de la surface du sol et aux pratiques culturales (Andrieux et al., 1996). Les surfaces qui subissent un travail du sol ruissellent moins que les autres (Andrieux et al., 2001). Toutefois, au delà d’une certaine hauteur d’eau précipitée, les humidités et les pratiques culturales n’ont plus d’incidence sur la lame d’eau ruisselée. A l’échelle du bassin versant, des expériences géochimiques à l’aide de traceurs (Ribolzi et al., 2000) montrent que lors d’une pluie importante, la composante principale du débit à l’exutoire est le ruissellement. La contribution moyenne du ruissellement sur la totalité de l’évènement est comprise entre 12 et 82% suivant l’importance de l’évènement pluvieux. Les pluies importantes entraînent des débits forts dont la composante due au ruissellement joue un 1.2 Modélisation couplée pression-impact 37 rôle prépondérant. Ce fonctionnement est une caractéristique de ces types de bassins agricoles anthropisés. Les écoulements souterrains ne se feraient ressentir qu’en n d’écoulement. 

Bilan sur les déterminants de la pollution de l’eau par les pesticides 

Dans le contexte des systèmes de culture viticole languedocien, diérents éléments déterminent la pollution de l’eau par les pesticides (Voltz et al., 1996) :  La pollution des eaux de surface est liée au ruissellement de l’eau sur les parcelles lors des évènements pluvieux de forte intensité. En eet, le ruissellement entraîne les molécules de produits chimiques présentes au sol directement dans les cours d’eau.  Le déclenchement du ruissellement à la parcelle dépend des états de surface du sol, qui sont liés aux techniques d’entretien du sol mises en ÷uvre. Le désherbage chimique est le type d’entretien du sol à l’origine d’un état de surface potentiellement le plus ruisselant, par formation d’une croûte permanente en surface. En revanche, le travail mécanique du sol et l’enherbement créent des états de surface moins ruisselants.  La concentration des eaux de ruissellement en pesticides dépend, entre autres, des quantités de pesticides épandues sur les parcelles, et du nombre de jours écoulés entre la date d’épandage et l’évènement pluvieux ruisselant : selon le temps écoulé, il y a possibilité de dégradation des matières actives qui n’ont pas encore ruisselé, mais cette dégradation est ralentie ou stoppée au-delà d’une certaine température. Il est donc possible d’observer une pollution par les pesticides en septembre, bien que les épandages aient été arrêtés au printemps ou en début d’été. En conclusion, dans un contexte de climat méditerranéen associé aux processus de ruissellement de type Hortonien, les risques de pollution augmentent avec l’augmentation de la quantité de produit épandu, et en présence d’états de surface favorables au ruissellement par présence d’une croûte supercielle. Les impacts hydrologiques dans ces systèmes sont donc fortement dépendants de la rencontre de conditions climatiques et d’états du système sous dépendance agronomique (présence de pesticides, états de surface des sols). Le cas des systèmes de culture viticole languedocien est donc particulièrement pertinent pour tester notre hypothèse de travail sur le lien entre impacts hydrologiques et variabilité spatio-temporelle de l’état de l’agro-écosystème liés aux actions culturales. 

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