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Contrôle des paramètres géochimiques
Les résultats de cette étude permettent de mettre en évidence plusieurs mécanismes qui contrôlent la dynamique du système. Le pH du tailing est maintenu à une valeur proche de 4 (Fig. 3.4a/c/e) en raison de la relation entre plumbojarosite et ferrihydrite. La dissolution de plumbojarosite entraine la libération d’ions Fe3+ en solution qui vont être ensuite incorporés par la ferrihydrite lors de sa précipitation, cette dernière impliquant la libération de protons. Ces réactions de dissolution/précipitation concomitantes (Tableau 3.2) entrainent le maintien d’un environnement acide au sein du tailing. Celui-ci est entretenu par l’arrosage régulier, qui implique le maintien d’un déséquilibre thermodynamique entre l’eau porale et la phase solide. Cette relation entre la plumbojarosite et la ferrihydrite est parfaitement illustrée dans la Fig. 3.6 où les deux minéraux présentent des évolutions opposées. La précipitation de ferrihydrite en réponse à la dissolution de jarosite a déjà été observée dans différentes études (Welch et al., 2008; Elwood Madden et al., 2012) et l’acidification résultante aux alentours de 4 a également été décrite (Smith et al., 2006). L’anorthite va également légèrement agir sur le pH, sa réaction de dissolution consommant des H+ (Tableau 3.2). Du fait de sa cinétique relativement lente (Palandri and Kharaka, 2004), une légère hausse du pH s’effectue en profondeur (à t6 mois Lv1 = 4,17 ; Lv3 = 4,23), en raison de la déplétion cumulée des protons en profondeur via sa dissolution.
La concentration de Pb en solution va principalement être contrôlée par la dissolution/précipitation des phases porteuses de Pb, à savoir l’anglésite et la plumbojarosite. Lors de l’arrosage, une dilution est réalisée, diminuant la concentration en Pb en solution, ce qui explique la forte dissolution de la plumbojarosite en surface en raison d’un écart à l’équilibre thermodynamique plus important. Cet effet de dissolution plus importante des minéraux en surface a déjà été observé par Pabst et al. (2017) en développant un modèle RTM sur une colonne de tailings. Lorsque que l’eau d’arrosage percole, elle se charge en Pb ce qui ralentit la dissolution de plumbojarosite et de l’anglésite. À partir de 2,5 cm de profondeur la concentration de Pb en solution est suffisamment importante pour que celle-ci soit sursaturée vis-à-vis de l’anglésite qui va alors se mettre à précipiter (Fig. 3.6c). Plusieurs études ont rapporté cette dynamique, à savoir que le Pb issu de la plumbojarosite peut être incorporé dans l’anglésite (Smith et al., 2006; Lu and Wang, 2012). La baisse initiale de 11% intervenant dans les premières heures de la simulation peut être directement reliée à la précipitation d’anglésite, l’eau porale étant légèrement sursaturée au début de la simulation. La concentration en Pb est alors d’une valeur de 5,7 x 10-5 mol L-1 et est commune aux différents niveaux de profondeur. L’évolution de la concentration en Pb est ensuite définie par une diminution plus faible avant d’augmenter et d’atteindre une asymptote. Plusieurs propriétés caractérisent ce plateau : la durée nécessaire pour l’atteindre, sa valeur absolue à une profondeur donnée et l’écart entre les différentes profondeurs. La première propriété est due à la différence de temps que met l’eau d’arrosage pour atteindre Lv1 ou Lv3, retardant ainsi la mise en place d’un état métastable dans le bas de la colonne. La valeur du plateau à une certaine profondeur est due au pH de la solution. En effet, le pH va conditionner la quantité de Pb adsorbé sur les oxydes de fer. Une fois que la colonne atteint un état métastable, un pH plus élevé entrainera une baisse de la concentration de Pb en solution. Le pH est notamment contrôlé par la dissolution de l’anorthite. Cet effet reste néanmoins mineur et le Pb reste contrôlé principalement par la dissolution des phases porteuses de Pb. En effet, l’écart de concentration de Pb entre les différents niveaux est dû à une précipitation de l’anglésite plus importante que la dissolution de plumbojarosite. Cet effet est notable à une profondeur supérieure à 2,5 cm, le Pb tend à être incorporé dans l’anglésite ce qui diminue sa concentration en solution. Cet effet est notamment renforcé par la présence d’une plus grande proportion de Pb dans l’anglésite que dans la plumbojarosite. La vitesse de réaction de ces processus étant relativement rapide, cette diminution du Pb est alors principalement gouvernée par des phénomènes thermodynamiques. Dans le cas du Zn, le comportement vis-à-vis du pH est différent, en effet la quantité de Zn adsorbée sur les oxydes de fer est négligeable (Fig A.8). La mobilité du Zn est ainsi uniquement contrôlée par ses phases porteuses à savoir l’anglésite et la plumbojarosite. Contrairement au Pb, la quantité de Zn présente dans la plumbojarosite est plus importante que celle présente dans l’anglésite (Tableau 3.2). Ainsi la quantité de Zn libérée par la plumbojarosite est supérieure à celle incorporée par l’anglésite, résultant en une hausse de la concentration de Zn en solution suivant la profondeur (Fig. 3.5a/b/c). Ce processus est similaire pour le SO42-, dont la concentration augmente également en profondeur (Fig. 3.5d/e/f). Enfin l’évolution du Ca est uniquement contrôlée par la dissolution de l’anorthite (Fig. 3.6d). La dissolution cinétique de ce minéral est lente et ne peut atteindre l’équilibre thermodynamique, la solution se charge ainsi en Ca le long de la colonne en raison de sa dissolution constante.
Validité des processus
Une des questions importantes dans le domaine des RTM est la cohérence des processus à travers les différentes échelles spatiales (porale, centimétrique, métrique,…) (Steefel et al., 2005, 2015). Dans le cas de notre étude, une continuité des résultats est observée entre les simulations réalisées à échelle centimétrique à partir des expérimentations en microcosmes (Mertz et al., 2021) et celles réalisées à échelle métrique à partir de l’expérience en mésocosme. Les paramètres décrivant les processus géochimiques ont été retranscrits de manière identique entre les deux modèles, hormis pour la surface de l’anorthite qui a été légèrement modifiée par rapport au modèle précédent (0,011 au lieu de 0,014 m² g-1), afin d’obtenir la meilleure adéquation données/modèle possible. Cette variation mineure peut être expliquée par une compaction différente de la phase solide entre les deux expérimentations. L’anorthite étant le seul minéral dont la réaction de dissolution/précipitation est fortement contrôlée par sa cinétique, l’eau porale est en effet toujours sous-saturée vis-à-vis de ce minéral dans les conditions de l’expérimentation. Ainsi, une légère modification de sa surface disponible peut potentiellement influencer le système.
La comparaison entre les simulations faites pour les expérimentations en microcosme et celles faites pour les expérimentations en mésocosme montrent que les paramètres utilisés pour décrire les réactions géochimiques ont des valeurs comparables. Ceci suggère que l’intensité des réactions géochimiques est comparable aux deux échelles. Il semble possible de proposer que les expérimentations de lixiviation dans les microcosmes menées sur 150g de tailings (Mertz et al., 2021) permettent d’acquérir un jeu de données suffisant pour être utilisable afin d’élaborer un modèle biogéochimique conduisant à la détermination de la nature et de l’intensité des réactions géochimiques contrôlant le devenir du Pb et du Zn dans le tailing de Pontgibaud. Cette hypothèse basée sur une comparaison de simulations conduirait à émettre l’hypothèse que le volume des microcosmes est supérieur au volume élémentaire représentatif, VER, pour le tailing de Pontgibaud, permettant ainsi de se prémunir des problèmes liés à l’hétérogénéité du tailing. Néanmoins, certaines zones d’ombres subsistent, notamment sur la taille des VER dans d’autres types de tailings. En effet la minéralogie prise en compte dans cette étude reste relativement simple, avec quatre phases minérales réactives dans le système et celles-ci sont principalement contrôlées par un équilibre thermodynamique. Un tailing possédant un assemblage minéralogique plus complexe et/ou une limitation cinétique plus importante de sa réactivité, pourraient compliquer la réalisation d’un changement d’échelle.
Dans le cas des travaux précédents sur les microcosmes, le transport était simulé via un modèle simplifié de transport basé sur des mélanges successifs entre l’eau porale et l’eau d’arrosage (Mertz et al., 2021). Ce modèle ne permettait pas de rendre compte de manière précise l’influence des processus d’écoulement et de transport sur la lixiviation des métaux dans le tailing. Le monitoring du mésocosme permet une description précise de l’écoulement et du transport de solutés. Les paramètres permettant de décrire ces processus ont principalement été déterminés sur la base des travaux de Carsel and Parrish (1988), permettant de relier les propriétés hydrodynamiques du tailing selon ses propriétés granulométriques. Afin de décrire correctement les bilans hydriques et de massiques ayant cours dans le mésocosme, certains paramètres ont été ajustés. C’est notamment le cas de la teneur en eau à saturation θs ajustée à 0,38. Cette valeur est néanmoins dans la gamme de la classification de Carsel and Parrish (1988), avec une valeur de 0,43 ± 0,06 pour les matériaux ayant une texture sableuse comme le tailing. De surcroit, de précédentes études visant à modéliser l’écoulement d’eau dans des matrices sableuses ont utilisé des valeurs similaires pour ce paramètre (Looms et al., 2008; Zheng et al., 2017; Wang et al., 2018). Le paramètre empirique α a été ajusté à une valeur de 0,1 cm-1, soit légèrement inférieure à la valeur proposée par Carsel and Parrish (0,145 cm-1 ± 0,029). Cette valeur est néanmoins plus élevée que celles utilisées par de précédentes études (de 0,03 à 0,08 cm-1) dans des contextes semblables (Zheng et al., 2017; Wang et al., 2018). Enfin, aucune mesure précise de dispersivité n’ayant pu être effectuée en l’absence d’essai de traçage, les simulations réalisées dans ce chapitre considèrent une valeur de 8 cm. Cette valeur est du même ordre de grandeur que celle retenue par Looms et al. (2008) dans un sol sableux (5 cm). Nos simulations sont caractérisées par l’atteinte d’un plateau des différents paramètres géochimiques au bout d’un certain temps. La valeur de dispersivité influence uniquement la durée nécessaire pour atteindre ce plateau et non sa magnitude. La valeur configurée dans notre simulation résulte d’un compromis entre une bonne représentation des données et une valeur en adéquation avec celles fournies dans la littérature pour des matrices sableuses.
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Glossaire
Liste des symboles
Introduction Générale
Chapitre 1 – Synthèse bibliographique
PARTIE 1 : Activité minière
1.1. Historique de l’activité minière
1.1.1) Au niveau mondial
1.1.2) En France
1.2. L’exploitation minière : une activité génératrice de déchets.
1.2.1) Les différents types d’exploitation minière
1.2.2) Les phases de l’exploitation minière
1.3. Typologie des résidus miniers
PARTIE 2 : La problématique des sites miniers abandonnés
2.1. Contexte
2.2. Voies de transfert des contaminants
2.2.1) Vecteur air
2.2.2) Vecteur eau
2.3. Impact des métaux sur l’homme et l’environnement
2.3.1) Impact sur l’homme
2.3.2) Impact sur l’environnement
2.4. Anthroposols miniers
2.5. Méthodes de réhabilitation des sites miniers
2.5.1) Méthodes d’élimination de la pollution.
2.5.1.1) Lavage du sol
2.5.1.2) Électrocinétique
2.5.1.3) Dépollution biologique
2.5.1.3.1) Phytoextraction
2.5.1.3.2) Apport des microorganismes
2.5.2) Méthodes de stabilisation
2.5.2.1) Solidification et stabilisation
2.5.2.2) Procédés biologique
2.5.2.2.1) Effets des microorganismes sur les métaux
2.5.2.2.2) Phytostabilisation
PARTIE 3 : Processus contrôlant la mobilité des métaux
3.1. Phases minérales et organiques des sols
3.1.1) Les tectosilicates
3.1.2) Les carbonates
3.1.3) Les minéraux argileux
3.1.4) Sulfures et sulfates
3.1.5) Les oxydes
3.1.6) La matière organique
3.2. Processus biogéochimiques
3.2.1) Spéciation aqueuse
3.2.2) Dissolution/Précipitation
3.2.2.1) Thermodynamique des processus de dissolution/précipitation
3.2.2.2) Cinétique des processus de dissolution/précipitation
3.2.3) Dynamique et solubilisation de la matière organique des sols.
3.2.4) Sorption
3.2.5) Processus d’oxydo-réduction
3.3. Processus de transport
3.3.1) Propriétés des milieux poreux
3.3.2) Écoulement et transport
PARTIE 4 : Apport de la modélisation
4.1. Processus de transport.
4.1.1) Ecoulement dans un milieu variablement saturé.
4.1.2) Transport de solutés
4.1.3) Transport de gaz
4.2. Cinétique des processus de dissolution/précipitation
4.2.1) Vitesse de réaction
4.2.2) Théorie de l’état de transition
4.3. Dynamique et solubilisation de la matière organique des sols
4.4. Sorption
4.4.1) Isothermes d’adsorption
4.4.2) Modèles d’échange d’ions
4.4.3) Modèles de complexation de surface
4.4.3.1) La double couche électrique
4.4.3.2) Principaux modèles de complexation de surface
4.5. Processus d’oxydo-réduction
PARTIE 5 : Objectifs de la thèse
Chapitre 2 – Lixiviation de contaminants métalliques (Pb, Zn) depuis des résidus miniers anciens : nouvelles perspectives en modélisation géochimique
Introduction
Matériels et méthodes
2.1) Site d’étude
2.2) Caractéristiques du tailing de Roure-les-Rosiers
2.3) Expérience de lixiviation
2.4) Modèle de transport par mélange
2.4.1) Conditions initiales
2.4.2) Conditions aux limites
2.4.3) Sorption
2.4.3.1) Oxydes de Fe
2.4.3.2) Matière Organique
2.4.4) Dissolution et précipitation
2.4.5) Respiration microbienne
2.5) Critères de performance du modèle
Résultats et discussion
3.1) Tailing sans amendement (T)
3.2) Tailing amendé avec l’ochre (TO)
3.3) Tailing amendé avec l’ochre et le fumier (TOM)
Conclusion
Annexes
Chapitre 3 – Migration des contaminants métalliques à travers une colonne métrique remplie de résidus miniers: développement d’un modèle de transport réactif.
Introduction
Matériel et méthode
2.1) Tailings
2.2) Expérience de lixiviation en mésocosme
2.3) Modèle de transport réactif
2.3.1) Conditions initiales
2.3.2) Conditions aux limites
2.3.3) Ecoulement et transport
2.3.4) Processus géochimiques
2.4) Analyses statistiques
3. Résultats
3.1) Bilan de flux et bilan de masse
3.2) Evolution des propriétés géochimiques de l’eau porale et de l’assemblage minéralogique
4. Discussion
4.1) Contrôle des paramètres géochimiques
4.2) Validité des processus
4.3) Apport des RTM dans la gestion des sites miniers
5. Conclusion
Annexes
Chapitre 4 – Evaluation de l’efficacité des amendements et des plantes à limiter durablement la mobilité des métaux au sein de résidus miniers anciens
1. Introduction
2. Matériels et Méthodes
2.1) Tailings et amendements
2.2) Expérience de lixiviation en mésocosme
2.3) Modèle de transport réactif
2.3.1) Conditions initiales
2.3.2) Conditions aux limites
2.3.3) Ecoulement et transport
2.3.4) Processus géochimiques
2.4) Analyses statistiques
3. Résultats
3.1) Bilan de flux et bilan de masse
3.2) Evolution des paramètres géochimiques et de l’assemblage minéralogique
4. Discussion
4.1) Contrôle des paramètres géochimiques
4.1.1) Zone amendée.
4.1.2) Zone non amendée
4.2) Validité des processus
4.3) Efficacité des amendements
5. Conclusion
Annexes
Conclusion Générale
Références
Annexe
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