La problématique de soutenabilité de la dette publique
Dette publique et croissance : Evaluation empirique
Dans cette étude de cas, nous nous focalisons sur l’examen de l’impact de la dette publique sur la croissance économique, ainsi que sur la vérification de l’existence d’une éventuelle courbe Laffer de la dette. Pour ce faire, nous commençons par une analyse descriptive des deux variables avant de passer à une estimation économétrique des modèles non linéaires. La présente partie expose en détail les étapes et les résultats de cette étude.
Présentation du panel et des variables d’intérêt
Notre étude porte sur un panel de 48 pays en voie de développement82, pour une période de 23 ans allant de 1990 jusqu’à 2013. La sélection des pays s’est faite sur la base de la classification de la banque mondiale par revenu83. Plus précisément, nous avons constitué notre échantillon de 23 pays à revenu intermédiaire -tranche inférieure- et 25 pays à revenu intermédiaire -tranche supérieure84. Egalement, d’autres critères entrent dans le choix du panel, entre autres,la disponibilité des données et l’homogénéité statistique des séries (Elimination des pays dont les séries sont très dispersées) et la comparabilité des pays notamment en termes de variables d’intérêt. Ces dernières ont fait l’objet d’un choix minutieux. Si le PIB réel par habitant (TCPIB/hab.) est une variable communément utilisée pour représenter l’activité économique, la variable dette, quant à elle, est équivoque. En effet, la multiplicité des définitions et des types de dette nous laisse face à différentes options. Ainsi, devrons-nous se focaliser sur la dette totale du gouvernement ou simplement sur la dette extérieure ? Dette brute ou dette nette ? Quelle en est la bonne mesure et la plus appropriée au cas des pays en voie de développement. Presbitero (2010), l’un des rares auteurs qui ont discuté ces questions, précise qu’il est nécessaire de tenir compte de la dette publique totale au lieu que de se concentrer exclusivement sur la dette extérieure. En suivant l’évolution des dettes extérieures et intérieures de 93 pays en développement, il remarque que, depuis 1990, la dette intérieure a un poids plus important que la dette extérieure, et donc la négligence de celle-ci risque de faire perdre une grande part de l’information. D’autre part, Panizza et Presbitero (2012) donnent un éclaircissement sur la différence entre la mesure de la dette en brute et celle en nette. Les auteurs considèrent que la dette nette est la meilleure mesure de l’endettement public. ependant, elle requiert une évaluation précise de l’actif et du passif de l’Etat, ce qui est un exercice très compliqué. Ils ajoutent que la définition de la dette brute est assez homogène entre les pays, tandis que la dette nette ne l’est pas. De ce fait, nous retenons pour notre analyse empirique la dette publique totale mesurée en brut en pourcentage du PIB (Dette)85. Source : Abbas, Belhocine, ElGanainy et Horton database (version septembre 2012), département des affaires fiscales, FMI
Analyse bivarié de la dette et la croissance
Les analyses graphiques sont extrêmement importantes dans le cas de notre sujet, un grand nombre d’auteurs récents s’en est servi pour essayer de détecter l’existence ou non d’une relation non linéaire entre la dette publique et la croissance économique. Dans cette section, nous mettons en avant quelques faits constatés graphiquement. Pour avoir une meilleure lisibilité, nous décidons de partager notre échantillon en deux groupes : Pays à revenu intermédiaire (PRI) – Tranche inférieure, et pays à revenu intermédiaire (PRI) – Tranche supérieure. Les graphiques 2.1 et 2.2 illustrent, d’une manière combinée, les moyennes individuelles (de chaque pays) des taux de croissance et d’endettement des deux tranches respectives de 1990 à 2013. Faits stylisés #1 : De première vue, nous remarquons que les pays faisant partie de la tranche inférieure des PRI réalisent des taux de croissance assez faibles (0,86% en moyenne) par rapport à ceux de la tranche supérieure (2,57%). Ce raisonnement est inversé pour le taux d’endettement. Le ratio dette/PIB moyen est d’à peu près 68% pour la tranche inférieure, tandis qu’il ne dépasse pas les 55% pour la tranche supérieure. En se focalisant plus sur les performances de chaque pays en termes de croissance, nous observons que ceux qui ont des taux d’endettement au-delà de 60-70% affichent des taux de croissance inférieurs à 2,5-3%. A titre d’exemple, des pays comme la Zambie, le Liban, la Syrie et la Jordanie, ayant des moyennes d’endettement respectivement de 134%, 127%, 120% et 106%, ne sont pas arrivés à franchir pas le cap de 2,5% de croissance. D’autres, à l’instar de la Côte d’ivoire, l’Egypte, le Yémen, la Bulgarie, la Dominique et le Nigeria, même avec des taux d’endettement moins intenses, leurs croissances connaissent le même sort, voire pire (Croissance négative pour la Côte d’ivoire et quasiment nulle pour le Yémen).De l’autre côté, les pays qui enregistrent de forts taux de croissance (plus de 3-4%) sont, en général, les moins endettés (Ratio d’endettement moins de 60%). Nous citons les cas de l’Arménie, le Bhutan, le Panama, l’île Maurice et, à un moindre degré, la république dominicaine et l’Iran. Toutefois, nous notons quelques pays qui font l’exception de la règle. C’est-à-dire qu’ils conjuguent de très faibles taux de croissance avec des niveaux de dette limités, comme la Swaziland, l’Ukraine, l’Afrique du sud ou encore l’Algérie dont le taux de croissance moyen de la période considéré est de moins de 1% avec une dette également basse avoisinant les 52% du PIB. Tandis que la situation la plus rare est celle qui prévaut dans le Cap vert le Vietnam et l’Albanie. Ces derniers affichent une croissance élevée dépassant les 5%, malgré le fait qu’ils aient des dettes supérieurs à 60% du PIB .