Contexte socio-historique du mouvement coopératif rwandais
Depuis les années 1980, le gouvernement rwandais, en coll aboration avec les organisations non gouvernementales (ONG), a entrepris des actions de sensibilisation des populations rurales à se regrouper en associations pour pouvoir sortir de la pauvreté. Cette campagne de sensibilisation a suscité l’émergence d’ un bon nombre d’organisations paysannes sous plusieurs formes: groupements, intergroupements, coopératives, syndicats, etc. Ces différentes structures correspondent assez bien à la mentalité des rwandais habitués à l’entraide. Elles ont pour objectif commun le renforcement de la cohésion sociale et l’amélioration des conditions de vie de leurs membres.
Une vaste campagne de vulgarisation du mouvement coopératif qui a été menée à cette époque va idéaliser ce principe comme étant la meilleure voie vers le développement. Signalons que certaines coopératives ont été créées de faço n exogène sans la participation véritable de leurs membres. Nous pouvons citer à titre d’exemple la Coopérative de Développement Rizicole de la Vallée du Mutara (CODERVAM) qui a été créée par l’État et qui a fonctionné comme une entreprise publique pendant plusieurs années.
Comme nous l’avons déjà signal é plus haut, la plupart des coopératives rwandaises re lèvent du domaine agricole. En effet, dans un pays comme le Rwanda où le secteur agrico le représente près de 50 % du PIE et que plus de 90 % de la population vivent de l’agriculture, il est faci le de comprendre pourquoi le mouvement coopératif est plus important dans ce secteur d’activité. Actuellement, les coopératives agricoles rwandaises ont pour principale mission de promouvoir la productivité des exploitations agricoles de leurs membres. Aussi, au regard de la quasi-absence d’ industries agricoles au Rwanda, elles s’efforcent de mettre en place des unités de transformation de leur production. Ell es s’organisent également pour assurer l’écoulement de cette dernière dont les grandes débouchées se trouvent dans la capitale nationale située à des centaines de kil omètres des régions rurales.
Les difficultés de développement des coopératives rwandaises
Si avant le génocide de 1994, le Rwanda a connu un mouvement coopératif assez dynamique soutenu par les organismes non gouvernementaux (ONG) et les pouvoirs publics, force est de constater que la plupart des coopératives rwand aises ont éprouvé des difficultés pour se développer et réaliser leur mission. En effet, suite à la tragédie qui a frappé le Rwanda en 1994, un bon nombre de coopératives a disparu . À partir de 1995, de nouvelles coopératives ont vu le jour. Elles sont nées en grande partie sous l’impu lsion des différents intervenants qui ont exigé des populations à se regrouper pour pouvoir bénéficier des services d’urgence.
À la fin de la période d’urgence (1995-1998), certaines d’entre ell es n’ont pas su s’ insérer dans la nouvelle phase de développement. Le manque d’une vision à long terme et leur caractère momentané ont été les principaux facteurs de leur disparition. En effet, il est facile de créer une coopérative, mais la faire fonctionner et l’ amener à réaliser ses obj ectifs est un défi majeur pour les coopérateurs.
Comme l’ indique le Centre de Formation et de Recherche Coopérati ves au Rwanda (IW ACU), les coopératives rwandaises font preuve de faib les capacités à assurer leur survie. En effet, « les coopératives rwandaises sont confrontées à pas mal de difficultés liées surtout à la faible participation des membres, à la mauvaise gestion et au mauvais fonctionnement des organes » (IW ACU, 1997 : 36). À ces probl èmes s’ ajoutent J’appropriation de pas mal de coopératives par les leaders, ainsi que la faib le participation des membres aux décisions importantes concernant la gestion de leur coopérative. Pire encore, la violation des principes coopératifs et les détournements de fo nds sont devenus monnaie courante dans les coopératives rwandaises. Il serait utile de souli gner ici que ce déficit de participation est surtout issu du fait que le regroupement en coopérative est imposé d’en haut et ne provient pas d’une volonté immanente des vill ageois.
Nous ne pouvons pas passer sous silence le problème de financement auquel font face les coopératives rwandaises. En effet, celles-ci n’ ont pas encore développé l’esprit d’entreprise et leurs capacités en matière d’élaboration de projets bancables restent faibles. Aussi, la plupart d’entre elles ne maîtrisent pas les mécanismes d’ accès aux crédits et ne disposent pas de garanties matérielles nécessaires.
De surcroît, beaucoup de coopératives n’ont pas de personnalité j uridique et par conséquent, elles ne peuvent pas avoir accès aux crédits bancaires. Cette situation difficil e que traversent les coopératives rwandaises suscite quelques interrogations. Ell e nous amène à nous questionner sur la place et le rôle de la formation et de l’éducation coopératives au sein des coopérati ves rwandaises.
Cadre législatif et son évolution
La première loi relative aux sociétés coopératives au Rwanda a été promul guée le 22 novembre 1966. Cette loi a été remplacée vingt-deux ans plus tard par la loi n° 3 1/ 1988 du 12110/1988 qui, à son tour, fut remplacée par la loi n° 20/2007 du 18/09/2007. Cette dernière loi en vigueur précise le nouveau cadre législatif de création , d ‘organisation et de fo nctionnement des sociétés coopératives au Rwanda. Plus détaill ée que les lois précédentes, la nouvelle loi compte 134 artic les contre respecti vement 56 artic les de la loi de 1988 et 51 articles pour celle de 1966. La particularité de cette nouve ll e loi réside dans le fait que les autorités locales sont beaucoup plus impliquées dans la création et le fonctionnement des coopératives. Ainsi, les personnes désireuses de former une société coopérative adressent leur dossier de demande au secrétaire exécutif du secteur.
Aussi, avant qu’une coopérative soumette un dossier de demande de personn alité juridique, le secrétaire exécutif du secteur doit d’abord s’assurer de l’ex istence des membres, de leur nombre, de l’originalité de leur obj et soc ial et du li eu de son exercice. Le dossier est ensui te envoyé au maire du district qui doit vérifi er que la société coopérative remplit les conditions requises pour la demande d’acquisiti on de la personnalité juridique.
C’est ce dernier qui transmet le dossier de demande de la personnalité juridique à l’organe national chargé de la promotion des sociétés coopératives. Ce fonctionnement est en soit très complexe. Le dossier de demande de personnalité juridique comprend les documents suivants:
– Quatre copies des statuts de la coopérative portant la date, les signatures ou les empreintes digitales de tous les membres fondateurs;
– Quatre copies du compte-rendu de la réunion de l’Assemblée Générale constituti ve portant les signatures ou les empreintes digitales de tous les membres fondateurs ;
– Quatre copies de la liste des membres du Conseil d’Administration et du Conseil de Surveillance comprenant leurs adresses et fonctions au sein de la société coopérative ainsi que leurs signatures;
– Un spécimen de signature ou empreinte digitale des personnes autorisées à représenter légalement la société coopérative;
– Une attestation délivrée par l’autorité locale du district du lieu du siège de la société coopérative.
Enfin , le certificat d’enregistrement (acte de reconnaissance juridique) délivré par l’organe chargé de la promotion des sociétés coopératives est envoyé à la société coopérative par le biais du maire du district du lieu du siège de la coopérative. Signalons que dans le temps, la reconnaissance juridique des coopératives était délivrée par le ministère ayant les coopératives dans ses attributions. Cependant, la nouvelle procédure a permis de réduire le temps de traitement des demandes de personnalité juridique des coopératives qui est passé de six mois à 15 jours, à compter de la date de réception du dossier complet.
INTRODUCTION |