LA PRIVATION DE LIBERTÉ EN CENTRE ÉDUCATIF FERMÉ
En dépit d’une définition claire, la Cour européenne des Droits de l’Homme110 (CEDH) considère que la privation de liberté repose sur une mesure de contrainte physique, d’une certaine durée, et qui vise à empêcher les personnes qui la subissent à quitter un périmètre qui doit être restreint, dans lequel les autorités les ont confinés. Le Conseil constitutionnel ne considère pas les CEF comme des établissements privatifs de liberté, puisque l’adjectif « fermé » n’est là que pour rappeler aux mineurs qu’ils risquent de faire l’objet d’une incarcération en cas de manquement ou de violation aux obligations auxquels ils sont soumis. Lorsque les CEF ont été pensés, ils reposaient non pas sur une mesure de contrainte physique, mais plus sur une mesure de contrainte morale. En effet, de par l’absence d’une fermeture physique des établissements, rien n’était mis en place pour empêcher les fugues des adolescents. Autrement dit, c’était la menace de l’incarcération qui était utilisée comme moyen moralement contraignant et qui devait maintenir les adolescents au sein des centres. Néanmoins, les années passèrent, le nombre de fugues augmentèrent, et la simple fermeture juridique des centres commença à trouver son souffle. La nécessité de passer d’une contrainte juridique à une contrainte physique s’étend alors imposer peu à peu. Ainsi, comme le souligne la CEDH « la distinction à établir entre privation et restriction de liberté n’est que de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence »111. Basculant de plus en plus vers un lieu privatif de liberté, c’est à juste titre que le CGLPL a fait son entrée en leur sein. La mesure consistant à priver une personne de sa liberté ne doit pas bafouer l’ensemble des droits qui sont inhérents à toutes personnes humaines. C’est ainsi que les lieux privatifs de liberté ont dû mettre en place des régimes d’enfermements adaptés à leurs objectifs, mais avec comme caractéristique commune de garantir un minimum de droits aux personnes soumis à cette mesure. Encore plus délicat lorsque l’enfermement concerne les mineurs, les lieux privatifs de liberté, et plus particulièrement ici les CEF ont dû organiser des régimes spécifiques permettant le respect des droits fondamentaux des mineurs (I), tout en soumettant les mineurs au respect d’un ordre interne écrit et établi dans le but de réguler la vie en collectivité et garantir un minimum de sécurité avec des règles précises afin éviter l’apparition de règles arbitraires (II).
L’exercice des droits fondamentaux des mineurs à l’épreuve de la privation de liberté
La question de l’effectivité des droits et libertés fondamentaux constitue l’une des problématiques les plus débattues. Si la proclamation de ces derniers est aisée, leur effectivité est, quant à elle, plus délicate. Néanmoins et indépendamment du fait qu’ils soient privés de leur liberté d’aller et venir, le placement des mineurs au sein d’établissement privatifs de liberté ne doit en aucun cas entrainer une restriction de leurs droits fondamentaux. En dépit du fait qu’ils ont besoin de faire l’objet d’une mesure de placement pénale, la spécificité des besoins liés à leur personnalité en devenir implique le maintien de leurs droits. En tant que « placement éducatif » les CEF font partie des établissements et services sociaux et médico-sociaux112, régient par les dispositions du Code de l’action sociale et des familles (CASF). Ainsi, comme l’indique le cahier des charges, ces structurent garantissent, sauf restrictions prévues par la loi et plus particulièrement par l’autorité judiciaire, les droits et libertés individuelles conformément aux articles L.311-3 et L.311-5 du code susvisé. En effet, le CASF dispose que « L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux […] lui sont assurés : le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité […]113. De plus, le Code ajoute qu’« afin de garantir l’exercice effectif des droits mentionnés à l’article L. 311-3 et notamment de prévenir tout risque de maltraitance (…) il est remis à la personne ou à son représentant légal un livret d’accueil auquel sont annexés : une charte des droits et libertés de la personne accueillie ; le règlement de fonctionnement (…). Ainsi et à ce titre, la charte des droits et des libertés garanti l’ensemble des droits fondamentaux, qu’il s’agisse du droit à l’information (art. 3), du droit à l’intimité (art.12), du droit au respect des liens familiaux (art. 6) ou du droit à la protection (art. 7), la charte des droits et des libertés. En conséquence, les autorités et personnels en charge des CEF doivent veiller au maintien de ces droits. Déjà fragilisés, le placement des mineurs ne doit pas faire naître de nouvelles difficultés. Malgré le fait que la plupart des adolescents fassent état d’un contexte familial gravement détérioré, le maintien et la restructuration des liens est indispensable à leur reconstruction (I). Outre l’importance du maintien de certains liens, ils en existent qui ne sont favorables aux mineurs justifiant la mise en place d’une séparation effective entre mineur et majeur (II).
Le respect du maintien des liens familiaux
Malgré l’éloignement généré par le placement, les adolescents ne doivent pas être privé de leurs droits fondamentaux, et plus particulièrement du droit au maintien de ses liens familiaux, comme le rappelle la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE)114. En effet, voulant, dans un premier temps, sortir le mineur de son environnement habituel afin de lui redonner un cadre de vie, il ne faut pour autant pas nier l’importance des relations familiales dans la construction de ces derniers. Ainsi, afin de maintenir ces liens, il demeure important que l’adolescent soit placé dans un centre relativement proche géographiquement de son domicile (I). De plus, la préservation des liens est indispensable, notamment au regard du rôle qui est dévolu aux parents au cours de la prise en charge du mineur (II).