LA PRISE EN COMPTE PROGRESSIVE DE L’ADAPTATION DANS LES POLITIQUES AGRICOLES
L’ADAPTATION DANS LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE
Face aux preuves scientifiques irréfutables, le changement climatique est désormais reconnu comme étant le défi majeur auquel le monde doit faire face. C’est pourquoi, d’importants efforts sont menés au niveau de l’Europe. En effet, la politique agricole commune (PAC) intègre peu à peu l’objectif de lutte contre le changement climatique (§ 1) et devient un véritable instrument, incitatif certes, de la mise en œuvre de la stratégie d’adaptation (§ 2).
L’INTEGRATION PROGRESSIVE DE LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE DANS LES POLITIQUES EUROPEENNES
Bien que la lutte contre le changement climatique soit engagée depuis un certain nombre d’années par l’Union européenne (A), la réforme de la PAC pour la période 2014-2020 constitue la consécration de la mise en œuvre de la stratégie d’adaptation pour l’agriculture (B). A. Les fondements de la politique européenne d’adaptation au changement climatique En matière de lutte contre le changement climatique, l’Union européenne s’est engagée depuis plusieurs années et affiche d’ambitieux objectifs. Puisqu’il apparait désormais crucial de s’adapter à ce phénomène, la commission européenne a tout d’abord publié un livre vert 39 qui propose plusieurs possibilités d’action pour traiter les effets du changement climatique en Europe. Elle publie ensuite un livre blanc 40 qui présente une stratégie pour que l’Union européenne et ses Etats membres puissent se préparer aux impacts du changement climatique. La publication de ce dernier livre est complétée par celle de trois autres documents de réflexion consacrés à l’eau et aux zones côtières, à la santé et également à l’agriculture 41. L’objectif est de mieux comprendre ce phénomène, d’examiner les mesures qui peuvent être mises en place et la façon dont le volet relatif à l’adaptation peut être intégré dans les politiques communautaires. Par la suite, et afin de mettre en œuvre les orientations définies par le livre blanc, la commission européenne a adopté, le 16 avril 2013, une stratégie européenne d’adaptation au changement climatique 42. Ce document évoque, pour la première fois, le caractère indispensable des mesures d’adaptation qui doivent alors être déclinées au niveau national 43, régional puis local. Cette stratégie est mise en œuvre au travers de huit actions 44 dont une consistant à « faciliter la prise en compte du climat futur […] dans la politique agricole commune ». Depuis 1999, la PAC repose sur deux piliers, le premier concerne le soutien aux marchés tandis que le développement rural constitue le second pilier. A l’issue de son bilan de santé conclu en 2008, l’intégration d’une liste de nouveaux défis auxquels l’agriculture doit dorénavant faire face a été décidée ; le changement climatique, abordé sous l’angle de l’adaptation, y figure au premier rang. L’Union européenne doit ainsi tenir compte de ces nouveaux défis lors de la définition de ses politiques publiques. Les agriculteurs ne peuvent effectivement pas porter seuls le poids du changement climatique. Pour ce faire, la PAC est bien placée pour jouer un rôle central dans l’adaptation puisqu’elle aide, d’une part, les agriculteurs à adapter leur production et contribue, d’autre part, à étendre l’offre de services écosystémiques qui dépendent du mode de gestion des terres. Elle dispose ainsi d’un certain nombre de mesures qui permettent aux agriculteurs de s’adapter au changement climatique.
La réforme de la PAC 2014-2020
La PAC subit des réformes successives depuis 1992 qui orientent l’agriculture vers les besoins du marché, améliorent l’intégration des exigences environnementales et renforcent le soutien au développement rural. Elle vise ainsi à relever des défis d’ordre économique, territorial mais aussi environnemental auxquels l’agriculture est confrontée. Puisqu’il est essentiel de préparer la PAC aux conséquences du changement climatique, l’agriculture doit améliorer ses performances environnementales en utilisant des méthodes de production durables et en mettant en œuvre des mesures d’atténuation et d’adaptation appropriées. Pour ce faire, la PAC a introduit dans le premier pilier le « pilier vert ». Considéré comme un élément phare de la réforme, il mobilise 30% du budget attribué à chaque Etat. Désormais, les agriculteurs ne bénéficient de l’intégralité des paiements directs issus du premier pilier que s’ils intègrent dans leur système de production des pratiques qui sont bénéfiques à l’environnement et au climat. Ainsi, les agriculteurs doivent diversifier leurs cultures, conserver leurs prairies permanentes et maintenir, ou créer, des surfaces d’intérêt écologique (SIE) 45 s’ils veulent percevoir le complément du paiement de base, c’est à dire les « paiements verts ». Ce point de la réforme constitue une garantie de sorte que « tous les agriculteurs de l’Union qui bénéficient d’un soutien […] agissent en faveur de l’environnement et du climat dans le cadre de leurs activités quotidiennes » 46. Ce nouveau dispositif constitue finalement le moyen d’intégrer des mesures environnementales et climatiques au sein du premier pilier. Dans le cadre du second pilier, l’objectif de lutte contre le changement climatique apparaît clairement dans la politique de développement rural pour la période 2014-2020 47. Bien qu’il ne figurait pas dans les objectifs du deuxième pilier de la PAC 2007-2013, la prise en compte de cet objectif est dorénavant obligatoire. En ce sens, un minimum de 25% du budget de chaque programme de développement rural est consacré aux mesures volontaires qui sont favorables à l’environnement et au climat. Il s’agit des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), des paiements en faveur de l’agriculture biologique et de ceux en faveur des zones soumises à contraintes naturelles ou à d’autres contraintes spécifiques.